Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,
Alexia Alexia
Sacha et Sacha,
Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations. Au précédent épisode, on a discuté de la position de métamour. On a vu les différentes interactions possibles entre moi et l’amour de mon amour : mon ou ma méta. Aujourd’hui, on va s’intéresser à un autre rôle dans les relations polyamoureuses : le pivot. Pour rappel, le pivot dans une relation, c’est la personne qui a plusieurs partenaires romantiques. Si je suis en relation avec Alex et Bob, alors je suis pivot entre Alex et Bob.
Alexia Les gens qui sont complètement extérieurs aux relations non monogames ont tendance à dire que vouloir plusieurs relations romantiques, c’est vouloir le beurre et l’argent du beurre. C’est-à-dire vouloir tous les avantages sans les inconvénients. Ils pensent que c’est la position confortable, là où partager sa ou son partenaire est perçu comme bien plus difficile comme position.
Sacha Et pourtant, être pivot, ça a des avantages mais aussi des inconvénients. Alors dans cet épisode, on vous explique ce que ça implique pour nous d’avoir plusieurs relations et d’être pivot. Dans un premier temps, on décrit les spécificités du rôle de pivot. Ensuite, on passe en revue quels peuvent être les pièges dans lesquels on risque de tomber lorsqu’on est pivot. Et enfin, on vous donne quelques trucs et astuces pour gérer les choses au mieux. Alors, on commence par vous donner un petit aperçu de qu’est-ce que ça veut dire concrètement être pivot. Sachant qu’il y a beaucoup de diversité dans les situations possibles. Moi, pour ma part, quand je pense à ma situation de pivot, je pense surtout à de la logistique. Parce que dans ma relation de pivot, finalement, il n’y a pas trop de difficultés, les choses se passent plutôt bien. Et donc la majeure partie de mon rôle, ça va juste être d’orchestrer tout un tas de choses. Donc, orchestrer, par exemple, le temps que je vais passer avec une personne ou avec une autre. Donc, ça va être toutes les questions d’agenda. De me dire, OK, tel soir, c’est pour telle personne, tel weekend ici… Et du coup, si je fais un weekend avec telle personne sur ce weekend-là, eh bien, peut-être que pour l’autre, il faut que je pense à le passer avec une autre personne. Donc, ça va être beaucoup de considérations sur le temps comme ça. Ça va être des questions logistiques. Comme par exemple : je vis avec Alexia, il y a cette notion de cohabitation, ce qui va impliquer pas mal de choses différentes. C’est-à-dire que si je reçois des partenaires à la maison, il faut que je fasse attention à est-ce que ça ne pose pas de problème à Alexia. En l’occurrence, ça ne pose pas de problème, mais il faut en discuter…
Alexia La chance ! Vérifier que ça ne pose pas de problème. De la même manière, il faut que les personnes que je vais inviter chez moi… Est-ce que ça ne leur pose pas de problème si Alexia se trouve dans la maison à ce moment-là ? Non, car je suis adorable !
Sacha Mais peut-être qu’elles ça pourrait leur poser problème. Donc c’est tout un jeu de gestion ici. Et encore là quand je parle c’est aujourd’hui où les choses se passent plutôt bien et que les choses sont assez faciles. Et c’est un niveau, le fait d’inviter des gens chez soi alors que l’autre partenaire est présent… C’est un niveau auquel un certain nombre de gens n’arriveront jamais et c’est pas grave.
Alexia Et puis nous on n’est pas arrivés ici si facilement aussi. Au début, c’était quand même éventuellement assez difficile. Et on a dû faire des retours en arrière parfois où moi, je ne me sentais pas bien et du coup, j’acceptais moins que quelqu’un vienne en ma présence.
Sacha On reparlera de nos propres difficultés un peu plus tard. Mais en tout cas, il y a des gens pour qui ça peut être plus ou moins simple, et donc ça va nécessiter plus ou moins de logistique pour gérer tout ça. Par exemple, si on ne peut pas recevoir quelqu’un alors que la partenaire avec qui on vit est présente, eh bien, il faut caler ses rendez-vous lorsque l’autre personne est en déplacement ou quelque chose… Donc, c’est beaucoup de logistique comme ça. C’est de la logistique sur, si on me fait une demande, si on me dit, ah tiens, est-ce qu’on peut partir en weekend tel weekend ? Eh bien, il faut que je me dise, oui, alors c’est possible, mais j’avais peut-être un petit peu prévu sans vraiment m’engager de faire quelque chose avec mon autre partenaire… Et donc, du coup, il faut que je la redécale à un autre moment. Donc, c’est beaucoup de… Ça va être beaucoup de gestion, du temps, des demandes, des attentes de gens. Et notamment s’il y a une invitation à un évènement, un évènement particulier où je peux venir qu’avec une seule personne. Donc on peut penser à un mariage par exemple, où je peux venir avec une seule personne. Eh bien il faut que je choisisse qui est-ce que j’invite, est-ce que ça va créer des insécurités, etc.
Adèle Ça me fait rire à ce point-là parce que justement, c’est le premier rôle de pivot auquel j’ai pensé quand tu as parlé logistique. C’était au mariage de mon frère et je m’étais demandé si je pourrais inviter mes deux partenaires. Je pense que ma famille n’avait pas de problème avec ça, donc ça aurait pu être rigolo. Mais en soi, j’avais invité qu’une seule personne et ça s’est très bien passé.
Alexia Sacha, à son dernier anniversaire, il a invité trois amoureuses. Pareil, heureusement qu’il a une famille acceptante, quoi. Donc finalement, c’est beaucoup de charge mentale, en fait, d’être pivot.
Sacha Ça peut l’être, après ça dépend des structures, etc. Moi, une difficulté un petit peu supplémentaire, c’est que je suis dans un rôle de pivot au sein d’une structure de polyamour égalitaire, c’est-à-dire que je veux ne léser personne. Alors, ça ne veut pas dire que tout le monde va être exactement sur le même point. Mais en tout cas, c’est quelque chose qui me rajoute une difficulté supplémentaire.
Alexia Oui donc c’est vrai que Sacha toi t’es dans une situation de polyamour non hiérarchique. Mais pour d’autres personnes ça peut être par exemple du polyamour hiérarchique. Donc avec une personne qui va être prioritaire et où l’organisation mettra cette personne prioritaire. C’est elle par défaut qu’on va inviter aux évènements etc. Et c’est encore une autre organisation. Et puis, il y a les anarchiques comme moi qui… Pour ma part, je fais les choses un peu plus à l’arrache. Et je ne cherche pas une grosse égalité. C’est plus au fil de l’eau que je vais faire mes choix, en faisant attention à ce que personne ne se sente mal. Mais c’est vrai que ce n’est pas la même organisation.
Adèle Pour rebondir sur les autres formes qu’il peut y avoir… Ça dépend aussi, je trouve, en termes de composition des relations, si les autres partenaires ont également d’autres partenaires.
Alexia Ouais, complètement.
Adèle Notamment si je prends un exemple où j’ai deux partenaires et l’un de mes partenaires n’est pas en relation romantique avec d’autres personnes et l’autre oui. Peut-être qu’ils n’auront pas le même temps libre. Peut-être que je vais vouloir parfois privilégier la personne qui n’est pas en relation par ailleurs ou au contraire lui laisser plus de temps pour qu’elle puisse rencontrer des personnes à côté. Donc ça change un petit peu la donne, ça crée des postures qui sont très différentes.
Sacha D’autant que si les autres partenaires, ils n’ont pas d’autres partenaires, ça peut aussi mettre une certaine forme de pression. Parce que ces partenaires, on est les seuls avec qui ils peuvent passer du temps romantique, en quelque sorte. Et donc du coup, ça met une certaine pression à se rendre disponible pour ces partenaires-là. Et aussi dans le polyamour égalitaire, en plus de la vigilance envers ses partenaires pour que les choses soient à peu près équitables… Il y a aussi une vigilance à avoir sur la perception que peuvent avoir les autres gens qui n’ont rien à voir dans cette relation. C’est-à-dire que si dans les évènements sociaux, je vais tout le temps avec la même personne… Ce qui pourrait être, par exemple, parce que c’est la personne la plus sociale qui a envie de faire des soirées alors que l’autre n’a pas envie. Mais si jamais je fais ça, alors l’entourage peut penser que c’est la seule vraie relation ou celle qui compte vraiment, ou se dire qu’on a rompu avec l’autre, etc. Donc il peut aussi y avoir une vigilance à quelle est la perception des gens autour.
Adèle Un autre point qui peut impacter le rôle de pivot que j’ai pu avoir personnellement, c’est le type de communication que j’ai avec chaque partenaire. Parce qu’on l’a vu la dernière fois, on peut avoir des aspects don’t ask don’t tell entre les partenaires qui ne veulent pas du tout savoir ce qui se passe dans les relations à côté… Ou au contraire, avoir un certain niveau de transparence. Et ça aussi, ça va forcément impacter les aspects de logistique ou ce qu’on peut dire ou partager de nos autres relations qui nous impactent. Et donc ça, je trouve que c’est très impactant sur comment mener ses relations en tant que pivot.
Sacha Et après, s’il y a de la transparence, ça veut dire qu’il y a des choses à communiquer… Et donc il y a aussi tout un côté de quand est-ce qu’on communique les choses, qu’est-ce qui est dire quelque chose, qu’est-ce qui est cacher quelque chose ? Si je ne dis pas que je suis allé coucher avec quelqu’un d’autre, si je ne le dis pas tout de suite, si je le dis trop tôt, si je le dis trop tard. Il y a toute cette gestion à avoir qui va venir avec la communication et les accords qu’on a eu avec les partenaires. Mais il y a toute cette gestion-là de quand il y a des informations à donner, ou quand il y a des informations à cacher… Parce que certaines personnes ne veulent pas savoir quelque chose, effectivement. Quand est-ce qu’on les dit ? Et donc il y a toute une gestion de la communication particulière à avoir en tant que pivot.
Alexia Ça a l’air compliqué votre affaire de pivot.
Adèle Alors, c’est clair qu’on s’est un peu étalés sur ce n’est pas juste que des points positifs d’être pivot. Il y a de la charge mentale, il y a beaucoup de choses à penser. Cependant, je pense qu’on peut aussi témoigner de tout un tas de choses incroyables qu’on a vécues en tant que pivot.
Alexia Par exemple, j’ai déjà eu des partenaires qui se sont organisés pour faire un anniversaire surprise. C’est plus un partenaire du nom de Sacha qui a organisé un anniversaire surprise. En invitant tous les gens que j’aime. Et qui a même attendu de vérifier que ça se passe bien avec mon nouveau copain avant de l’inviter. Donc ça rend des choses absolument incroyables parce qu’on se sent vraiment très aimé dans son entièreté.
Sacha Et puis même plus directement, être pivot, c’est juste la situation finalement qu’on peut facilement rechercher si on se met en relation de polyamour. C’est-à-dire juste le fait de relationner intimement avec plusieurs personnes. Et donc avec tous les bénéfices directs qui viennent avec, dont on a déjà parlé par ailleurs. Qui sont… Avoir différents partenaires qui peuvent répondre à différents de nos besoins éventuellement. Et pas être en relation avec quelqu’un qui devrait nous apporter absolument tout en une seule personne. Avoir…
Alexia Ou qui peuvent révéler différentes facettes de nos personnalités. On peut avoir envie d’être très cosy et tranquille avec un partenaire et avec un autre partenaire être beaucoup plus aventurier ou casse-cou.
Sacha En cas de difficulté, on a aussi plus de soutien. Alors bon, moi j’aurais envie de dire qu’il ne faudrait pas qu’uniquement les partenaires romantiques soient des soutiens et que les amis puissent l’être aussi. Mais c’est aussi des soutiens qui peuvent être privilégiés. Donc c’est deux fois plus de soutien. Et puis aussi en termes d’indisponibilité, je ne sais pas si je suis à l’hôpital, j’ai deux fois plus de chances qu’il y ait quelqu’un qui soit dispo pour m’aider à ce moment-là.
Adèle Même pour partager les choses positives. Quand tu as envie de partager un truc super qui t’est arrivé, pareil que pour tes amis, le fait de pouvoir le partager avec tes différents partenaires, c’est trop bien.
Alexia Tu peux raconter tes crushs à ton partenaire. Bon, ça pareil, ça demande un niveau de relation… Enfin niveau… C’est pas hiérarchique, mais une sorte de relation qui est bien particulière. Mais ça peut être super rigolo d’arriver à un stade comme ça où tu peux discuter de trucs rigolos qui te font rougir ou quoi. Et en parler à ton amoureux qui se moque de toi. Gentiment.
Sacha Oui, ça veut dire que ça permet de parler de choses intimes avec une personne qui nous est très intime, et ça, c’est quelque chose qui est… Enfin, de choses intimes qui se passent avec d’autres gens, avec quelqu’un qui nous est très intime, et ça, c’est quelque chose qui n’est pas donné très souvent dans la vie en général, par ailleurs.
Adèle Ça crée une complicité de dingue quand t’arrives à rigoler de ce genre de choses avec tes différents partenaires, c’est trop trop bien !
Sacha Et dans les joies un petit peu uniques de situations qui peuvent se passer, c’est voir ses deux partenaires bien s’entendre entre eux, etc.
Alexia Ça fait chaud au cœur.
Sacha Et c’est quelque chose qu’on n’a pas l’occasion de vivre de cette manière-là si on n’est pas pivot.
Adèle Après moi ça me touche déjà quand je vois deux partenaires d’autres personnes bien s’entendre. Mais bon.
Sacha Un autre truc que j’ai trouvé, c’est que ça permet aussi de gagner en perspective. Et qu’est-ce que je veux dire par là ? C’est que ça permet de… Parfois, je me rends compte que je suis dans une certaine posture avec quelqu’un. Par exemple, j’ai envie de plus de temps libre avec quelqu’un. Où j’ai envie que cette personne elle fasse plus attention à moi, ou je ne sais quoi. Et ça c’est dans une relation. Et dans l’autre relation je me trouve exactement dans la posture inverse. C’est-à-dire que c’est l’autre personne qui voudrait plus de temps avec moi ou qui voudrait que je fasse plus attention à elle ou quelque chose comme ça. Et en fait, ça, ça donne énormément de perspective, et c’est très très précieux, parce que c’est quelque chose, sinon, qu’on n’a pas l’occasion. On peut l’avoir si on est monogame dans deux relations l’une après l’autre, mais là, ça permet un aller-retour ou une comparaison immédiate, et ça peut être assez précieux.
Adèle C’est vrai que ça te permet de mieux comprendre du coup ce que vivent potentiellement tes partenaires. Mais ça te permet aussi d’éviter de t’enfermer dans une forme d’étiquette où on te dit « Ah bah toi, t’es la personne qui est toujours indisponible. » Bah non, parce que justement, tu vis les deux.
Alexia Bon ça va c’est pas mal finalement d’être pivot. Vous m’avez convaincue
Adèle En tant que pivot, on veut souvent faire attention à ce que chacune de nos relations se passe au mieux. Et pour ça, on met en place, consciemment ou non, des stratégies. Mais parfois, ce ne sont pas les bonnes et on tombe dans des pièges liés à notre rôle de pivot. Donc on va vous donner une liste de travers fréquents qu’on a observés. Le premier piège lié à la position de pivot que j’ai identifié, c’est de m’oublier un peu dans mes différentes relations, qui me prenaient beaucoup de temps. Et de ne pas écouter mes limites, de ne pas toujours respecter mes besoins et mes envies. Dans cette grande catégorie, il y a du coup l’aspect d’avoir une mauvaise gestion du temps. On a parlé des aspects logistiques et en tant que pivot, j’ai par exemple tendance à privilégier des temps avec mes relations par rapport à des temps où je suis toute seule. Et parfois, ça me pousse à dire oui lorsqu’un partenaire me propose de faire quelque chose. Surtout s’il insiste en disant qu’il n’est pas au top ou qu’il a besoin de quelque chose. Et parfois, ça fait que je me retrouve sous l’eau à force de dire oui à tout le monde et à ne pas avoir de temps pour moi. Ce fonctionnement, il est potentiellement piégeux parce que ça peut fonctionner pendant un moment. On a un bénéfice parce que les relations, elles sont heureuses du fait que je leur accorde du temps. Ça renforce le lien et c’est trop bien. Mais sur le long terme, se faire passer en second, ce n’est pas toujours un bon calcul et ça, je l’ai appris à force d’expérience. Donc, attention à garder du temps libre dans l’agenda et à ne pas forcément le blinder au maximum pour passer du temps avec chacun de vos partenaires. L’autre écueil, qui est un peu à l’opposé, mais qui concerne toujours la gestion du temps, c’est à l’inverse de pratiquer une forme d’indisponibilité. Qui va mettre vos partenaires ou un de vos partenaires dans une forme d’attente. Et ce qui est appelé dans le livre de La Salope éthique, l’économie de la famine. C’est-à-dire qu’en fait, il y a un de vos partenaires qui va vous demander du temps et vous allez toujours dire non. Et du coup, être indisponible. Et du coup, il va encore plus avoir envie de passer du temps avec vous potentiellement et de vous faire des demandes. Et ça, ça peut être injuste, surtout si à côté de ça, vous accordez beaucoup de temps à un autre des partenaires. Et ça peut directement les faire se sentir un peu sur la sellette, ce qui n’est jamais agréable.
Sacha Et cette idée de ne pas s’écouter sur l’agenda, ça va aussi sur d’autres domaines. Et facilement, quand on est pivot, on peut se sacrifier parce que ça peut sembler être la solution la plus simple. Que ça soit parce que nos partenaires nous demandent du temps libre. Ou parce qu’ils nous demandent d’autres choses, du soutien ou d’aller faire des activités ou d’envoyer des messages tout le temps ou je ne sais quoi. Mais je trouve ce qui est un peu difficile quand on est pivot, c’est qu’on peut avoir un petit peu une forme de culpabilité… Du fait de se dire que c’est quelque chose qu’on a choisi d’être en relation non monogame. Et que par ce choix, on fait un petit peu souffrir l’une ou l’autre de nos partenaires. Parce qu’elles ressentent de la jalousie ou parce qu’on est peut-être un peu moins disponible, etc. Et donc, pour que ça aille mieux, on peut se dire « Ok, alors là, je vois que si je fais telle chose, que je suis présent à tel moment ou que je fais ça pour tel partenaire, ça va aller. » Et donc, essayer d’un point de vue peut-être logistique, d’optimiser la satisfaction des deux autres partenaires. De se dire, ok, là cette partenaire elle va être… Ça va lui aller, mais si du coup en compensation je fais ça pour l’autre, ça va aller… Et dans tout ça de s’oublier complètement et donc se sacrifier. Et c’est difficile de se dire en fait non il faut pas que moi je m’oublie. Et de se dire bon bah en fait peut-être on va causer un petit peu du mal aux autres. Mais il vaut mieux ne pas trop se causer du mal à soi-même.
Alexia Dans ce que vous dites, je vois beaucoup la question de la peur de décevoir. En tout cas, moi, c’est vrai que j’ai beaucoup vécu comme ça mes liens. Et j’ai fait parfois… Comment dire ? J’ai pu minimiser certaines choses parce que j’avais peur que ça fasse du mal à un partenaire. Je pense à un exemple très précis. La première fois que j’ai eu un deuxième amoureux, j’étais avec Sacha qui était mon premier amoureux. Et comme j’avais l’impression que Sacha pouvait être blessée par le fait que je passe du temps avec mon nouvel amoureux… Je disais à Sacha « Non, mais je ne vais pas passer trop longtemps, je ne vais pas rentrer trop tard ce soir. » Et du coup, je disais, je vais rentrer à 21 heures et en fait, je pouvais rentrer beaucoup plus tard. Et c’était encore pire parce que du coup, Sacha s’attendait à un truc et au final, je répondais pas à ce que j’avais dit, ce que j’avais annoncé. Et je sais que je peux tomber vraiment dans ce piège-là personnellement. Donc, essayez d’être réaliste quand vous répondez à quelque chose, quand vous êtes en face d’un partenaire.
Sacha Un autre piège, c’est de mal doser sa communication, c’est-à-dire de trop communiquer ou pas assez communiquer. Si je dis, ah oui, on a passé un super weekend et on a fait ça, et puis aussi ça, et puis ça, et puis ça, c’était excellent, et puis ça, c’était le meilleur truc qui me soit arrivé, et puis en plus ça… Et bon, ça peut être beaucoup, peut-être que la personne en face n’avait pas envie de tout savoir et de savoir à quel point c’était si génial. Alors peut-être qu’elle peut aimer aussi, c’est à voir avec elle. Ou inversement, de ne rien dire du tout, de dire « Ah oui, on est partis en weekend, c’était bien. » Qui peut donner l’impression qu’il y a des choses à cacher.
Adèle C’est hyper difficile de trouver le bon niveau de communication.
Sacha Et quand on raconte les choses, il y a un piège aussi qui peut arriver, c’est de dénigrer son partenaire auprès de l’autre. Donc si je dis, ah oui, c’était un weekend, mais bon, c’était pas si bien, et puis en plus, il était un peu chiant.
Alexia Il pue de la bouche.
Sacha Et en fait, ça peut parfois sembler bénéfique sur du très court terme. Parce que du coup la personne elle se sent pas si mal. Parce qu’elle se dit ah bon d’accord t’es parti en weekend sans moi mais en fait c’était pas si bien et avec moi les weekends ils sont mieux etc. Mais en fait non, pas du tout. C’est pas bon, pour personne. Parce que la partenaire va se dire mais pourquoi est-ce que tu passes du temps avec cette autre personne si elle est si nulle ? Et pas comprendre ce qui se passe. Et en plus ça va lui donner une mauvaise image. Il y a plein de choses qui vont pas dans cette histoire. Et en fait finalement c’est jamais une bonne idée de dénigrer pour quelque raison que ce soit, un partenaire auprès d’un autre.
Alexia Et aussi, si tu dis quelque chose de dénigrant à moi de cette personne, est-ce que tu dis à cette personne quelque chose de dénigrant à mon propos ? Enfin, ça inspire pas du tout confiance, quoi.
Adèle Moi, c’est le premier truc auquel j’ai pensé aussi. Du coup, tu dis quoi de moi à tes autres partenaires ou juste à tes amis ? En fait, est-ce que tu trouves que je suis une personne chouette quand même ou pas ? En tant que pivot aussi, je trouve qu’on peut avoir tendance à vouloir influencer le lien que les partenaires vont construire entre elles ou entre eux. Par exemple, vouloir absolument faire en sorte que nos deux partenaires se rencontrent et aient une relation de méta. Ou au contraire, vouloir absolument qu’elles ne se croisent jamais et complètement décider pour elles ou pour eux quel type de relation il faut qu’ils aient.
Alexia Sans écouter les besoins qu’il pourrait y avoir d’un côté ou de l’autre.
Sacha Après, il faut aussi s’écouter soi-même, et peut-être qu’on a aussi soi-même un besoin un peu plus marqué d’un côté ou de l’autre. Mais en tout cas, effectivement, c’est pas une tyrannie.
Adèle Oui, d’ailleurs, ça peut être difficile déjà de savoir, nous, à quel point on est à l’aise. Moi, je sais que pendant toute une phase de ma vie, j’avais énormément de difficultés, même à faire se rencontrer différents cercles d’amis. Parce que j’étais justement plus à l’aise à me dire, s’il y a un problème dans un groupe, je peux aller en parler auprès des autres. Qui resteront neutres, qui ne seront pas impactés, eux non plus. Et du coup s’il y a un truc nul dans un groupe d’amis qui se déchire, j’aurais quand même d’autres groupes d’amis fonctionnels, entre guillemets. Il y avait un petit peu ces calculs-là inconsciemment. Et je pense que ça s’est un petit peu transféré dans mes liens amoureux. Et je pouvais être un petit peu embarrassée au début que mes différents partenaires se rencontrent et ne pas y tenir absolument.
Sacha Et donc laisser ses partenaires avoir un lien qui leur est propre sans trop interférer, c’est une très bonne idée. Et le piège, c’est justement d’interférer trop et notamment de faire le messager entre les deux.
Alexia Le pigeon voyageur.
Sacha C’est-à-dire que si je suis en relation avec Alexia et que je suis en relation avec une autre personne et qu’Alexia me dit « Ah oui… »
Alexia Vas-y, je le dis. « Oui, non, mais Sacha, est-ce qu’elle pourrait faire attention à ne pas laisser ses chaussons à cet endroit ? Parce que ça me dérange, c’est là où moi je mets mes chaussons, en fait. » Ça marche ou pas ?
Sacha Dans un cas comme ça, pour le coup, je pourrais lui dire qu’il ne faudrait pas qu’elle mette ses chaussons ici. Mais ce qui serait gênant, c’est si je lui disais « Ah, je pense qu’Alexia, ça lui ferait plaisir si jamais tu allais t’excuser auprès d’elle. » Ou quelque chose qu’Alexia ne m’a pas demandé. Ou alors qu’ensuite, mon autre partenaire me dise « Ah oui, mais Alexia, elle est trop chiante avec ses chaussons, elle m’embête. » Et du coup, je retourne voir…
Adèle Ouais, c’était ma place pour mes chaussons, en fait. Et du coup, tu peux aller lui dire que ses chaussons, moi, je n’en veux pas à cet endroit.
Alexia J’ai pas de chaussons, pour notes.
Sacha Et si je retourne voir Alexia derrière en disant « Oui, donc mon autre partenaire, elle trouve que les chaussons, comme ça, ça ne va pas. Est-ce qu’il pourrait y avoir…
Alexia Quoi, mais comment ose-t-elle ?
Sacha une autre manière de faire les choses ? » Bon, je pense que ce n’est pas tout à fait le meilleur exemple parce que c’est une question logistique qui, en plus, est liée à là où habite exactement Alexia. Donc, c’est son lieu d’habitation. Donc, elle a quand même beaucoup son mot à dire dessus.
Alexia Bim !
Sacha Mais si c’est juste d’autres choses qui, éventuellement, sont juste des discussions de…
Adèle Voir des interprétations, en fait, là, dans ce cas-là, c’est… Bon, je pense que ce serait bien si Alexia, elle, se comportait de telle manière vis-à-vis de ma méta. Et du coup, je vais déduire de choses qu’elle m’a dites, des comportements que je pense qu’elle aimerait demander. C’est là où ça devient compliqué.
Alexia C’est le pigeon voyageur mentaliste.
Sacha Parce qu’en tant que pivot, on est quelqu’un qui connait très bien les deux personnes. Donc on se dit que comme on les connait très bien, on est dans une position idéale pour pouvoir faire le médiateur ou quelque chose comme ça. Mais en fait, non, il ne faut pas faire ça. De temps en temps, je pense que ça peut fonctionner, mais souvent ça pose plein de problèmes. Et il vaut mieux laisser les métas être en communication eux-mêmes et régler leurs problèmes… Si c’est des choses qui les concernent que tous les deux. Et pas faire l’intermédiaire tout le temps. Parce que sinon, notamment, ça peut risquer de faire un groupe de deux contre un. C’est à dire que par exemple sur les chaussons, je vais considérer que c’est Alexia qui a raison et donc du coup je vais aller voir mon autre partenaire en disant… « Oui t’es chiante parce que les chaussons, Alexia et moi on est pas d’accord que ça soit là etc. » Et du coup le deux contre un est très dangereux. Et ça peut être d’ailleurs les deux métas contre le pivot aussi, ça peut arriver parfois.
Alexia Et pour finir, peut-être sur les pièges, il y a un truc dont j’ai entendu parler dans Multiamory Podcast. Je ne l’ai pas vu moi-même faire, mais c’est… Comme on a parlé de cette difficulté d’avoir du temps pour tout le monde… Il peut y avoir la tentation de se dire « Ah, mais j’ai qu’à aller au cinéma avec mes deux partenaires, comme ça tout le monde est content. » Mais non, non, non, c’est une très mauvaise option, à priori… Enfin, ça dépend des cas, mais à priori, votre partenaire, il veut voir vous et pas forcément sa méta, votre autre partenaire. Parfois, ça se passe différemment. Mais partez du principe que chaque partenaire a besoin de vrai temps. Et que c’est à eux de le dire s’ils ont envie, s’ils vous proposent d’eux aussi partager ce temps avec une autre de vos partenaires.
Sacha C’est pas tant que c’est une mauvaise chose en soi de faire ça, c’est juste que ça ne remplace pas le temps.
Alexia Oui, tout à fait.
Sacha Tu dis que tu vois pas les gens faire ça, mais moi je pense que j’ai une grande tendance à avoir envie de faire ça. Alors pas forcément pour remplacer du temps. Mais en me disant, je veux faire une soirée, plutôt que choisir avec qui je ferai la soirée, j’aimerais bien que tout le monde soit là. Si je pars en vacances, je me dis, dans l’idéal, j’aimerais bien que tout le monde parte en vacances. Même si logistiquement après ça devient compliqué. Parce que ça pose tout un tas de questions de avec qui tu dors est-ce que les gens vont bien se passer en fait ça risque peut-être d’être un enfer ces vacances. Parce que du coup je vais être tout le temps vigilant sur est-ce que tout le monde se sent bien. Mais j’ai quand même cette tendance à me dire bon bah en fait plutôt que choisir pourquoi il ne pourrait pas y avoir tout le monde.
Alexia Oui, oui, et ça peut se faire, mais il faut le discuter, effectivement, en amont. Et parfois, on le discute en amont et c’est quand même difficile.
Sacha Et ça ne remplace pas le fait de passer des vacances juste à deux parce qu’il y a des gens qui adorent ça…
Alexia Donc là, on a essayé de mettre en évidence un certain nombre de pièges auxquels on peut se retrouver confrontés. Maintenant, on va essayer de partir sur le côté plus positif, sachant qu’est-ce qu’on peut faire pour éviter tous ces pièges ou pour les gérer. Donc, un des premiers conseils que j’ai vraiment envie de donner, c’est ayez quelqu’un à qui parler qui ne soit pas votre partenaire romantique. Parce que devoir parler de toutes ces difficultés polyamoureuses à un ou une de vos partenaires… C’est pas forcément le meilleur interlocuteur, la meilleure interlocutrice. Donc ayez d’autres personnes, des amis, des psys, des personnes de votre famille, des colocs, qui puissent vous écouter là-dessus. Et où vous pouvez vider votre sac sans avoir peur de dire une énormité.
Adèle Oui, parce qu’on a vu dans le dernier épisode que ça pouvait forcément impacter aussi l’autre partenaire, les choses qu’on peut raconter. Et en fait, c’est hyper important de pouvoir, sans filtre, parler de vos difficultés, comme le dit Alexia.
Sacha Et un des lieux pour ça, si jamais vous n’avez pas d’amis directement qui sont concernés par ça, c’est d’aller dans des évènements dédiés à ça. Vous pouvez aller sur le site, par exemple, polyamour.info. Ça vous donnera un certain nombre d’évènements qu’il y a dans votre région, si jamais il y en a. Sinon, vous pouvez aussi aller sur le forum de polyamour.info et discuter avec des gens. Parce que ce n’est pas forcément facile de discuter avec des gens qui ne comprennent pas.
Alexia Sur polyamour.info, vous avez des évènements où vous pouvez vous rendre physiquement. On mettra aussi dans les notes de l’épisode deux Discords sur lesquels vous pouvez vous connecter et discuter avec des gens qui sont présents. Il y en a un qui est plutôt centré vers Toulouse et un qui est plutôt nord de France. Ça peut être une bonne option si vous n’avez personne autour de vous à qui parler de polyamour.
Adèle J’enchaine sur des évidences, mais je l’ai vécu. Quand vous êtes pivot s’il vous plait ne comparez pas vos partenaires
Alexia Oh non !
Adèle Quand bien même c’est pour essayer de rassurer l’un de vos partenaires pour dire que l’autre est moins bien ou je ne sais pas quoi on l’a vu c’est pas du tout une bonne idée. Moi, personnellement, ça m’est arrivé en tant que relation au bout du V, d’être comparée avec ma méta. Et ça n’a jamais produit de positif.
Alexia Et d’ailleurs, même en disant des choses positives. Même en disant « Ah, vous êtes toutes les deux comme ça » ou « Vous êtes toutes les deux super parce que vous faites ça. » T’as envie d’avoir ton unicité, t’as pas envie d’être mise sur un piédestal, t’as pas envie d’entendre dire du mal de quelqu’un d’autre. Donc non, ce sont deux personnes différentes, il n’y a pas de comparaison nécessaire.
Adèle Ouais, bah là, si je peux donner un exemple. Moi, ça m’est arrivé, du coup, d’être au resto et de tranquillement choisir mon dessert et de demander à mon partenaire ce qu’il prenait parce que j’avais un peu envie de partager avec lui. Et du coup, il commence à me dire « Ah, tu fais exactement comme mon autre partenaire qui veut aussi toujours partager. Vous êtes pareil. » Et t’es là « En fait, je voulais juste partager la moitié de ton gâteau. J’avais pas besoin de savoir ce que tu vis avec ton autre partenaire. »
Alexia Donc là aussi, on le dit de façon absolue. En vrai, j’imagine que ça peut varier. Ça peut arriver que tu puisses vouloir dire quelque chose, comparer sur un truc pas très important. Mais faites vraiment attention à ça.
Sacha On peut reparler de la gestion du temps. On a dit tout à l’heure que c’était compliqué, qu’il fallait arriver à s’écouter. Alors, qu’est-ce qu’on peut faire en pratique ? Souvent, ça implique d’avoir un agenda, sous forme papier ou numérique. Si il est numérique, parfois, les gens aiment bien les partager. Et donc, soit tout le monde voit les agendas de tout le monde, soit on partageait seulement avec quelques personnes. Ça peut aider parce que ça permet de se dire que si on a envie d’un temps avec quelqu’un, on peut voir, ah, je vois que tu es disponible à tel moment, est-ce que ça te va ? Ce qui peut être un piège aussi.
Alexia « Non, non, je suis occupée mardi soir. » « Non je vois que t’es pas occupée y’a rien écrit sur ton agenda ! »
Sacha Et attention, si vous avez des trous, ça peut être très intéressant. C’est-à-dire qu’il faut garder du temps pour vous. Donc, si vous ne mettez pas du temps sur l’agenda pour vous, et bien ça veut dire qu’il faut qu’il y ait au moins un trou par semaine… Enfin vous faites comme vous voulez mais il faut qu’il y ait au moins le temps que vous voulez vous laisser pour vous.
Adèle Considérez-vous comme votre propre partenaire et accordez-vous du temps.
Alexia Ouais moi je fais ça maintenant parfois même… Après je respecte jamais les plages. Mais j’essaye je mets un créneau c’est du temps avec moi même perso. Et après je fais autre chose.
Sacha On peut utiliser des créneaux fixes éventuellement avec des partenaires. Ça simplifie la vie. Ça évite de se poser des questions tout le temps, de se dire ok, on se voit tous les lundis par exemple. Sachant qu’on peut les changer si jamais il y a besoin, mais voilà, c’est des choses qui peuvent aider.
Adèle C’est assez efficace. Si jamais, à un moment donné, la charge mentale devient trop grande, ça fait une option par défaut. Et du coup, c’est assez confortable. Peut-être le fait aussi de noter les choses, ça permet de se rendre compte du temps qu’on passe avec un partenaire ou l’autre. Et notamment, si on a des envies un petit peu égalitaires, on peut se rendre compte à posteriori ou avoir des aspects un peu factuels de quand est-ce qu’on s’est vus.
Sacha Après, il y a aussi éventuellement un piège à ça, qui est que si jamais on compte les choses, on peut ensuite être déçu alors qu’on ne l’était pas vraiment. C’est-à-dire qu’en ressenti, on se dit, ah oui, on s’est vu à la bonne fréquence. Et après, quand on compte, on dit, oh là là, ce n’était pas assez ou c’était trop. Et en fait, finalement, c’est le ressenti qui importe le plus, ce n’est pas tant les chiffres.
Adèle Après de toute manière la gestion de l’agenda c’est un gros sujet dans le polyamour ou ailleurs. Moi personnellement la gestion du temps je trouve ça très compliqué mais bon
Sacha Après, c’est aussi quelque chose où les gens extérieurs au polyamour disent souvent « Ah, je comprends pas comment tu fais pour avoir deux partenaires, trois partenaires, c’est impossible. » Ce qu’il faut se dire, c’est qu’on peut complètement sortir du modèle standard de couple. Où il faut passer au moins deux soirées par semaine, dont une sortie et au moins une fois de la sexualité ou je ne sais quoi, j’invente des choses, mais… On peut très bien avoir des partenaires et les voir une fois par mois et c’est très bien. Donc avoir plusieurs partenaires ne veut pas forcément dire tension sur l’agenda.
Alexia Moi, un truc que j’ai l’impression d’avoir remarqué aussi, c’est que il y a des fois où on a envie d’y aller doucement, de ne pas trop bousculer notre partenaire. Et par exemple, on va temporiser le développement d’une relation en se disant qu’on ne veut pas que ça aille trop vite pour nos partenaires existants. C’est un peu délicat, mais je crois qu’il y a des fois où ce n’est pas forcément une bonne idée. Par exemple, j’ai un partenaire en ce moment qui a un flirt. Et c’est un peu insécurisant pour moi, malgré le fait que ça fait dix ans qu’on est en relation non-exclusive. Bah pas avec lui en l’occurrence, mais que je vis les relations non-exclusives. Et le fait qu’il soit en flirt m’insécurise un peu. Et je crois que c’est plus insécurisant qu’il reste en flirt et qu’on sait pas trop où ça va. Alors que si en fait c’est juste sa nouvelle copine, et que les choses deviennent stables et claires… Ça sera peut-être plus sécurisant justement pour moi de me dire ok, on en est là et ça fait que je ne vais pas sentir que je vais être écartée. Alors que si les choses se font progressivement et qu’on ne sait pas trop et je ne sais pas trop où ça va s’arrêter et peut-être maintenant et peut-être que je ne me prépare pas au fait que ça continue, etc. C’est plus effrayant. Et c’est complètement contre-intuitif, je trouve, en fait.
Adèle C’est l’aspect où en fait là c’est à la fois le fait d’avoir un rythme lent voire ralenti par rapport à ce qu’il serait. Mais aussi l’aspect flou. Et j’ai l’impression qu’il y a un aspect de mauvaise communication aussi potentiellement par rapport à ce qui se joue pour lui
Alexia Ben, pas forcément, parce que, si c’est le fait de ne pas être sûr de savoir où on va, mais tu ne peux pas savoir en avance. Et c’est vrai qu’il y a des moments où tu vas passer des étapes. Et tu ne sais pas si l’étape suivante va bien se passer. Tu ne sais pas comment tu vas te sentir. Tu ne sais pas si ça va être OK, cool, mais rien de spécial, ou OK, cool, et d’un coup, j’ai envie de passer toute ma vie avec cette nouvelle personne, quoi. Et parfois, tu ralentis et je pense que ce n’est pas toujours une bonne chose, surtout si tu le fais uniquement parce que tu as peur de blesser un partenaire.
Sacha Je suis complètement d’accord. Si effectivement ton partenaire là il sait juste pas exactement ce qu’il veut où va aller la relation bon c’est une chose et on peut pas forcément y faire grand chose mais…
Alexia Ouais.
Sacha Si c’est qu’il se dit oula je vais aller lentement parce que sinon je vais blesser Alexia… C’est retirer un pansement tout doucement et arracher tous les poils plutôt que l’arracher d’un grand coup.
Alexia Exactement, ouais. Et je souffre.
Sacha Et en fait tu souffres et en plus… Bon là c’est pas forcément exactement le cas. Mais il peut y avoir souvent un truc où t’as peut-être une illusion un peu ou une volonté de garder le contrôle. Et beaucoup d’énergie de dire oula fait doucement… Et peut-être toi tu pourrais avoir envie de le ralentir aussi et de dire va doucement parce que je perds un peu le contrôle donc je veux essayer d’aller… Et en fait c’est une lente lente lente progression…
Alexia Descente aux enfers.
Sacha Avec de l’énergie dépensée des deux côtés pour avoir la vitesse la plus lente possible. Ou ce qui semble être le plus juste possible. Plutôt que tout d’un coup dire, ok, c’est comme ça, j’ai envie que cette relation atteigne ce palier, et bien elle atteint ce palier. Et je pense vraiment qu’il y a un grand intérêt à avoir de la fermeté sur un certain nombre de décisions. Alors pas n’importe quoi, et… Et le gros danger dans tout ça, c’est de ne plus respecter les gens. Mais notamment sur certains aspects qui vont être un petit peu fondamentaux. Où on va décider que fondamentalement, par exemple, on décide d’être en relation non-exclusive. Donc si on veut être en relation non-exclusive, eh bien le jeu, c’est qu’on va sortir avec d’autres gens. Et c’est quelque chose qui va arriver. Et donc on peut essayer de faire en sorte de blesser le moins de monde sur le processus. Mais en fait à partir du moment où on va être en relation avec d’autres gens et bien un moment où ça va arriver et peut-être que ça va faire du mal. Et donc être ferme sur le fait que j’entame une nouvelle relation avec quelqu’un peut-être ça va te faire un petit peu de mal… Je peux essayer d’aménager un petit peu quelque chose dans les détails. Mais dans le fond, je vais avoir cette relation. Et je suis ferme là-dessus. Et je veux que ça te fasse le moins de mal possible. Mais on va le faire d’un coup, parce que c’est ça le jeu, et on ne va pas tergiverser pendant six mois alors qu’on s’est fait vraiment cette décision. C’est autre chose si jamais on se rend compte que ce n’est pas le bon moment parce que la mère de ma partenaire est à l’hôpital et elle va bientôt mourir et ce n’est vraiment pas le moment. Du coup, on repousse ça dans six mois. Très bien, on peut repousser, mais dans ce cas-là… Ou dans d’autres cas qui sont peut-être moins graves. Repoussons avec une date ferme. En se disant, d’accord, très bien, on ne fait pas ça tout de suite, aucun problème, je te soutiens, je suis là pour te faire le moins de mal… Disons que dans trois mois, je pourrais vraiment passer à l’étape supérieure avec quelqu’un d’autre. Mais dans trois mois, ce sera le cas, et être ferme là-dessus.
Adèle Je trouve que ça rejoint beaucoup le fait de savoir identifier finalement ses envies, ses besoins, ses limites aussi. Et réussir à les communiquer à la fois très clairement, et que ce ne soit pas sujet à négociation sur tous les points. Même si, bien sûr, il y a la volonté d’avoir un dialogue. Mais il y a certaines choses qui sont vraiment des besoins et des limites et il y a besoin de les verbaliser et que ce soit clair et net pour l’autre aussi. Et ça permet, on en a déjà discuté dans l’épisode sur le cadre de la relation, mais ça permet justement d’identifier un petit peu mieux les choses pour tout le monde. Et ça ne veut pas dire qu’on ne va pas du tout prendre soin des relations par ailleurs. Encore une fois, c’est hyper important.
Sacha J’ai un bel exemple là-dessus qui m’a été raconté, que moi je trouve très intéressant. Qui est, j’ai discuté avec quelqu’un qui démarrait complètement dans la relation non-exclusive. Et ça lui était un petit peu imposé finalement, par son nouveau partenaire de, je sais plus, un ou deux mois. Qui au moment de la rencontre, son nouveau partenaire lui a dit… « Bon bah moi ma relation précédente a échoué, parce qu’on s’était dit qu’on ouvrirait la relation, et au final ça s’est pas fait. Et donc du coup maintenant, au démarrage de cette relation, je te dis qu’on sera en relation, mais ça sera une relation ouverte, et c’est pas négociable. » Et la manière dont ça s’est fait, alors que la personne avec qui je discutais du coup était pas du tout vraiment prête à ça, mais en tout cas elle a accepté, elle a dit d’accord, très bien. La manière dont ça s’est fait, c’est qu’il allait doucement, mais il a dit par exemple, cet été il y a un festival, dans ce festival, c’est sûr, je coucherai avec d’autres gens. Et la personne avec qui je discutais disait… « Ah, mais je trouve ça un peu dur parce que j’ai l’impression que notre relation, elle ne vaut pas grand-chose finalement. Si elle peut être jetée à la poubelle juste à cause du fait qu’il veut coucher avec quelqu’un d’autre durant le festival. » Mais ce que moi, je vois dans cette histoire, c’est que je trouve que la personne a très bien fait. Parce que ce n’est pas juste le fait de coucher avec des gens sur ce festival parce que finalement, s’il y avait une très bonne raison, peut-être il aurait dit « D’accord, ce sera le prochain festival. » Mais c’est le fait de dire en fait… C’est vraiment…
Adèle Une partie de moi.
Sacha … le fondamental. Oui, c’est une partie de moi. C’est le fondamental. C’est ce que j’ai dit. C’était clair depuis le début de la relation que ce genre de choses, ça va passer. Eh bien, il y aura cette date-là. Avant, ils ont déjà fait quelques petits trucs. Il y a une soirée où il a embrassé quelqu’un. Et après, il a dit, tiens, regarde, c’est mon copain. Et ça s’est très bien passé. Il y avait beaucoup, beaucoup d’attention qui lui était apportée. Mais il progressait quand même tout en gardant son cap. Et il était ferme là-dessus parce que c’était vraiment ce qu’il voulait. Et je pense que c’est très important de se dire en fait oui éventuellement cette relation va s’arrêter parce que la personne n’était pas prête. Et il met ça au-dessus de la relation. Et je trouve ça assez sain de savoir ce qu’on veut vraiment. Et d’être ferme sur les choses qu’on veut tout en restant attentif à blesser le moins possible les gens.
Alexia Le cas que tu as mentionné ici a ce truc simple de quand la relation commence, on sait où on est, on sait où on va, etc. Mais les relations évoluent et parfois, il y a juste des évènements qui vont faire que tu as envie de faire quelque chose où tu sais que ça sera désagréable pour ton partenaire. Et moi, j’ai fait ça en tant que pivot. Et j’ai fait quelque chose à un moment avec Sacha, je le disais. Sacha, est-ce que je peux passer l’après-midi de dimanche à faire de l’escalade avec mon autre partenaire ? Et ça mettait Sacha dans une position très difficile. Parce qu’il pouvait me dire « oui, tu peux », mais en fait, c’est douloureux pour lui, ou il pouvait faire le rabat-joie et dire « bah non, tu peux pas ». Et bien sûr qu’il va pas faire le rabat-joie, mais en même temps, du coup, ça le met dans une position où il est un petit peu obligé d’accepter. Donc…
Sacha Je précise le contexte parce que c’est assez différent de la situation actuelle où les choses se passent plutôt bien et il y a assez peu d’insécurité, etc. C’est que c’était tout nouveau et que moi, j’avais d’autres problèmes dans la vie et je n’avais pas que ça à faire d’avoir envie d’avoir ces insécurités. En tout cas, c’était quelque chose de difficile pour moi.
Alexia Ouais. Mais ça soulève la question : comment est-ce qu’on fait pour dire, en même temps qu’on a envie de faire quelque chose, à son partenaire, prendre en compte les besoins et insécurités qui vont avec. Ça rejoint ce que tu dis, Sacha, être ferme. Pour toi, comment on fait ça, quoi ? Comment on dit…
Sacha Bah, là, c’est plus qu’être ferme. La question, c’est comment prendre une décision qui est bonne pour soi, pour soi-même, d’une manière égoïste est bonne, mais mauvaise pour son partenaire. Comment est-ce qu’on choisit ce qu’on fait entre les deux ? Entre suivre son envie et blesser son partenaire.
Alexia Donc, dans le meilleur des cas, c’est une envie qu’on voit venir. Et on ne dit pas, ah là, dans cinq minutes, j’ai très envie de partir en soirée techno. Allez, salut, tu vois. C’est quelque chose où on se dit, ah oui, je sens que je commence à avoir envie de sortir en soirée techno avec telle personne. Et on peut commencer à en parler à nos partenaires en disant, je pense que je vais avoir envie de faire ça un moment. Comment ça te fait sentir ? Et ça permet de voir venir et d’annoncer un peu ce qu’on a envie de faire, de laisser la personne se faire à l’idée. Et éventuellement, la personne pourra me dire « Ah, mais moi aussi, j’ai trop envie de faire ce type de soirée avec toi. » Et à ce moment-là, on va pouvoir en discuter et trouver des alternatives en disant « Ah, on pourra y aller ensemble et puis après, j’irai avec telle personne. »
Adèle Voir même, vous pouvez aussi vous dire ce truc-là, ça ne me met pas bien, mais du coup, on fera autre chose et réussir à trouver un cadre constructif pour tout le monde. Mais donc ça, ça nécessite d’avoir anticipé et d’avoir communiqué en amont. Et parfois, ça ne se passe pas comme ça.
Alexia Vous pouvez parler de ce genre d’envie lors des RADARs, par exemple. On vous renvoie à notre épisode sur le sujet. Mais c’est un bon moment pour parler de ces choses-là.
Sacha Après, je pense que ce n’est pas forcément non plus toujours une histoire de… J’ai envie de dire réciprocité, ce n’est pas le bon mot. Mais le fait de se dire « Ok, je vais faire ça, et en contrepartie, on fera autre chose pour que tu te sentes mieux. » La question, elle peut se poser de manière beaucoup plus simple et terre-à-terre. Qui est effectivement juste, j’ai envie de dire, ok, qu’est-ce que ça te fait si je prenais tout mon mois de juillet et je partais en vacances avec une de mes autres partenaires ? J’ai très envie de ça, j’ai cette opportunité, par exemple, là, ma partenaire, elle a des vacances tout frais payées dans un hôtel cinq étoiles et je peux la suivre.
Alexia Je viens avec vous.
Sacha Comment est-ce que je gère cette situation ? Et vraiment, l’exemple que tu donnais tout à l’heure, Alexia, sur le fait de « est-ce que je peux faire ça ? » Demander la permission, en fait, je trouve que ça pose beaucoup de problèmes. Alors, peut-être que dans la dynamique de la relation, c’est comme ça que vous faites, et dans ce cas-là, c’est très bien. Mais en fait, moi, ça me gêne. Pourquoi ? Parce qu’en fait, en tant que réceptacle de cette question, je suis foutu. J’ai le choix entre deux choix que je trouve nuls. J’ai le choix entre le choix qui me fait du mal personnellement, où j’ai ma jalousie, mes insécurités, ou je ne sais pas quoi. Ou alors je comptais passer du temps avec ma partenaire et qui du coup m’est enlevé. Donc j’ai ce choix qui de manière égocentrée me fait du mal. Et j’ai le choix qui va brider, faire du mal à ma partenaire qui va pas pouvoir saisir cette opportunité. Donc moi si on me pose cette question j’ai le choix entre deux trucs qui sont nuls pour moi. Et en plus de ça moi j’avais rien demandé. Et tout d’un coup on vient me poser cette question. Donc pour moi vraiment c’est une histoire de responsabilité. Et en fait c’est la personne qui a l’envie qui est responsable de cette envie et qui va pouvoir prendre cette décision.
Adèle Ouais qui finalement doit se positionner et gérer entre guillemets les conséquences que ça peut avoir de part et d’autre
Sacha Exactement. Et pour moi, la manière dont on peut communiquer de cette manière-là, c’est donc pas de poser une question directe. Ni d’entrer dans ce qu’on disait tout à l’heure d’une question de fermeté, de dire « je vais faire ça » et bam. Et du coup ça peut faire très mal. Même sur des choses qui sont un peu plus bénines. Juste de dire « ok, moi j’ai décidé ça », ça peut être assez blessant parce qu’on a l’impression qu’on n’est pas pris en compte. Sur les effets négatifs que ça peut avoir sur nous. Et donc, moi, la manière que je trouve la plus pertinente, c’est de dire : « qu’est-ce que ça te ferait ? » … si jamais je prenais tout mon mois de juillet pour partir en vacances. Et d’écouter cette réponse-là. Ce qui permet à la fois de montrer aux partenaires qu’on prend en compte son ressenti. Et ensuite ça nous permet d’avoir les informations qui nous permettent ensuite de faire un choix éclairé sur qu’est-ce que je fais. Est-ce que je me fais passer un peu devant, est-ce que je fais passer plus ma partenaire devant, est-ce que c’est à cause du mal, etc. Et donc de faire ce choix éclairé. Mais c’est au pivot à ce moment-là de prendre la décision éclairée parce que c’est cette personne-là qui a l’envie et c’est à elle de choisir.
Adèle Oui, c’est vrai que moi, ça m’aurait pas mal aidé qu’on me pose ce genre de questions parfois dans des choix. Parce que ça permet que tout le monde s’exprime sur ses ressentis, sur les choses difficiles potentiellement à vivre. Ça ouvre aussi la voie des alternatives auxquelles on n’aurait pas pensé initialement sur… Du coup, effectivement, oui, si tu fais ce choix-là, comment tu peux me rassurer parce qu’en fait, moi, ça me génère telle peur. Je trouve que c’est bien. Je garde le tips, merci.
Alexia Et si vous êtes en relation avec quelqu’un qui est pivot, un truc que vous pouvez faire si vous avez envie, c’est dire si vous êtes OK avec quelque chose. Par exemple, je reprends l’exemple de soirée techno de tout à l’heure. Imaginons que vous avez une partenaire, vous voyez bien qu’elle a un peu envie d’aller avec cette autre personne en soirée techno. Vous pouvez lui dire si vous vous sentez à l’aise avec ça… Vous pouvez entre guillemets lui faciliter le travail et dire bon je vois que t’as envie d’aller en soirée techno je veux que tu saches que ça me dérangerait pas si tu faisais ça. Éventuellement avec les choses en plus ça me rendrait un peu jaloux j’aimerais bien que juste que tu me redises que tu m’aimes et peut-être qu’on aille au cinéma ensemble si ça te dit tu vois. Mais je trouve que c’est quelque chose qui peut être mignon aussi à faire.
Sacha C’est l’idée, dans ce cas-là, de donner la permission, mais de donner la permission sans qu’on nous l’ait demandé.
Alexia Ouais.
Sacha C’est une permission qui est donnée proactivement. Et dans ce cas-là, à la limite, ça peut aller, parce qu’on peut décider de prendre sur soi proactivement et de dire, bon, ça me fait un peu mal, mais vas-y, fais-le. C’est très, très différent que si on nous pose la question directement, est-ce que je peux le faire ?
Adèle Avec le piège aussi, tu vois que le pivot, il se retrouve à montrer ostensiblement qu’il a vraiment envie d’aller en soirée techno.
Alexia S’il vous plait, soyez de bonne foi.
Adèle Tout ce qu’on donne comme conseil, il faut bien voir qu’à chaque fois, c’est une histoire d’équilibre et de mesure. Et qu’on peut toujours trouver des situations où ça va être super et des situations où ça va être plus compliqué. Donc, ce n’est pas une recette magique. C’est à réadapter.
Alexia Un des gros pièges quand on a une relation et qu’on commence à en développer une autre, c’est se laisser avoir par l’Énergie de Nouvelle Relation. Et complètement laisser de côté ses partenaires déjà existants/historiques, les vieilles relations. Parce qu’on a d’yeux que pour la nouvelle personne. On est tout feu, tout flamme. On a un truc passionnel de… Oh mon Dieu, en fait, il s’avère qu’il m’aime bien aussi, blabla. Et bon, ça, c’est un énorme piège. Ça peut être très, très difficile à vivre pour une relation déjà établie. De voir que d’un coup, vous avez toute votre attention qui est tournée. Donc, c’est à la fois un phénomène normal et connu de la communauté. Donc on l’accepte dans une certaine mesure. Mais faites attention à ne pas oublier les personnes avec qui vous êtes déjà, quoi.
Sacha Oui, peut-être que là, vous avez un petit peu moins envie de passer du temps avec vos relations existantes, mais peut-être qu’il faut un petit peu… Alors, il ne faut pas se forcer, forcer, mais peut-être qu’il faut se dire, bon, j’en ai un petit peu moins envie, mais je sais que c’est bon pour le long terme et il ne faut pas oublier les autres.
Alexia Et d’ailleurs, n’oubliez pas vos amis non plus. On dit ça, mais…
Adèle Et sachant qu’il vaut mieux des temps relativement courts, mais de qualité. C’est-à-dire pas un temps où vous passez la journée complète avec votre ancien amoureux, mais du coup, vous regardez quinze fois votre téléphone pour vérifier que votre nouvelle relation ne vous a pas écrit. Il vaut mieux vous dire que c’est deux heures où je suis vraiment avec mon autre partenaire et où il se sent respecté et aimé. Plutôt qu’un temps trop long où vous n’arriverez pas à sortir de votre ENR, quoi !
Sacha Ouais, donc être en ENR, c’est un déséquilibre entre les relations, et il faut aussi faire attention aux autres déséquilibres qui peuvent exister. Des déséquilibres structurels, par exemple, ou si vous vivez avec quelqu’un, par exemple, ça va donner une dynamique à cette relation et des privilèges peut-être à cette relation. Et c’est quelque chose aussi dont il faut être conscient et ensuite agir ou pas dessus selon si vous êtes hiérarchique ou pas. Mais voilà il faut bien être conscient que ça donne quand même une différence sur les relations selon si vous faites des projets ensemble si vous habitez ensemble ou ce genre de choses.
Alexia C’est un peu le vérifie tes privilèges, mais format polyamoureux. Check your privilege, fais attention à ce que tu as, que les autres n’ont pas, ce qui fait des différences pour l’un ou pour l’autre. Comme ce qu’on disait tout à l’heure, le fait juste qu’une des personnes a plusieurs relations éventuellement et l’autre personne a une seule relation, c’est aussi un déséquilibre.
Adèle Sachant que là-dessus, encore une fois, il ne faut pas mettre les choses sous le tapis parce qu’elles sont problématiques. Il s’agit, si jamais vous avez effectivement plus d’engagement avec un partenaire qu’avec les autres, de le verbaliser tout simplement.
Alexia Il ne faut pas le nier et dire non, ce n’est pas vrai. Non, c’est un hasard. Si je passe six jours avec cette personne et un seul jour avec toi, ça n’a rien à voir avec quoi que ce soit.
Sacha Un autre point qui rejoint ce dont on a déjà parlé de savoir ce qu’on veut vraiment, c’est qu’il ne faut pas hésiter à dire ce qu’on veut. Donc notamment, et ça je l’évoquais rapidement dans l’épisode précédent… Si jamais vous savez par exemple que pour vous c’est important de passer des soirées ou des diners avec tous vos partenaires. Parce que c’est un truc qui vous plait vraiment et ça vous saoule grave si jamais il y en a qui ne veulent pas voir les autres, etc. Pourquoi pas, c’est valide. Mais dans ce cas-là, dites-le clairement sur le début de la relation que c’est quelque chose qui est important pour vous. Et soyez conscients que potentiellement, c’est un facteur d’incompatibilité avec quelqu’un d’autre. Qui fait que vous ne pouvez pas vraiment relationner avec d’autres personnes, même si plein de choses se passent bien. Sur ce genre de point, il faut être conscient de ce qu’on veut et d’où sont les limites et ce qui crée des gens incompatibles.
Adèle Là, en fait, j’ai l’impression que ça rejoint un petit peu ce qu’on disait sur les différentes modalités de pivot et les différents graphes relationnels qui peuvent exister. Et si tu as déjà une vision de ce que ça peut être ou ce que ça doit être pour toi, c’est ne pas le cacher, finalement.
Alexia Après les choses peuvent toujours évoluer mais… Il n’y a rien qui est vraiment gravé dans le marbre pour toujours. On peut changer mais bien prendre en compte sur quoi chacun part et accepter le fait que parfois il y a des incompatibilités.
Sacha Pas forcément être complètement intransigeant sur le fait de… « Ah oui mais je t’avais dit que quand on était en relation il fallait que tu fasses les diners avec tes métas. Et là tu refuses de faire un diner alors c’est fini entre nous parce qu’on l’avait dit au début. » Peut-être que c’est le cas mais bon on peut être un peu flexible.
Alexia Peut-être il y a d’autres solutions. Un truc hyper important à faire quand on est pivot, c’est être capable de prendre ses responsabilités. Car beaucoup de choses seront de votre fait. Donc il n’est pas question de considérer que vous êtes la pire personne si vous avez fait une erreur, si quelqu’un souffre à cause de vous, des choses comme ça. Bon, ça arrive à tout le monde, et pas que au pivot. Mais c’est d’autant plus important d’être capable de dire « Ah zut, j’ai raté sur ce coup-là, j’aurais pu faire autrement, j’essaierai de faire mieux à l’avenir, désolé de ne pas avoir pris ça en considération. » Surtout, présenter des excuses, ça ne veut pas dire que vous êtes une mauvaise personne. Ça veut dire que vous essayez de bien faire et qu’il y a des moments où vous auriez pu faire différemment et ça aurait pu mieux se passer. Ça me semble hyper important à faire.
Sacha Et prendre ses responsabilités aussi, ça veut dire, et on en parlait un petit peu dans l’épisode précédent, qu’il faut savoir quelles sont les décisions que nous, on prend vraiment. Et je donne un exemple. Si j’envoie des messages toute la soirée à une partenaire alors que je suis en train de passer la soirée avec une autre. Parce que l’autre partenaire me l’a demandé, parce que c’est important pour elle, pour je ne sais quelle raison. C’est pas la faute de l’autre partenaire qui me l’a demandé, c’est moi qui ai choisi de faire ça. Et donc du coup, je peux pas utiliser l’excuse en disant à l’autre « Ah, mais c’est l’autre qui me l’a demandé ». C’est un contexte, mais en tout cas, la décision de passer la soirée à envoyer des messages, c’est moi qui l’ai prise. C’est moi qui l’ai prise, et donc du coup, c’est moi qui suis responsable.
Adèle Ou même un aspect de « Ah, si je suis en retard, c’est parce que mon autre partenaire m’a retenue » ou ce genre de choses.
Alexia Au secours ! Non, en fait, c’est moi qui ai pris la décision de rester pour des raisons plus ou moins valables pour l’autre partenaire et qui, du coup, me suis mis en retard. Oui, il y a un dernier truc qui me semble difficile en tant que pivot, mais nécessaire, c’est d’annoncer quelque chose dont on sait que ça va être reçu d’une manière potentiellement douloureuse à son partenaire. Et de réussir à le faire et, encore une fois, de ne pas mettre les choses sous le tapis. C’est toujours pareil, mais… Oui, parce que tout ne peut pas être dit en amont. On ne peut pas prévoir certaines choses qui se passent parfois. Et autant on peut dire, ah bah j’aimerais bien que la relation évolue vers tel truc ou tel truc. Autant parfois il se passe des choses, juste il y a une étape et c’est une étape qu’on doit annoncer à un autre partenaire. Et quand et comment faire ça ? Là encore, le RADAR est une bonne option. C’est le genre de choses où il n’y a pas vraiment de bon moment.
Sacha Le RADAR ou se mettre d’accord sur des manières de faire, des protocoles, des scripts pour annoncer certaines choses. Alors si c’est des choses récurrentes. Je pense notamment à une période où j’avais une autre relation avec qui on avait de la sexualité, notamment dans le lit en commun qu’on partageait avec Alexia. Et il y avait cette question de quand est-ce qu’il fallait que je dise à Alexia qu’on avait couché ensemble. Et en fait, c’était extrêmement compliqué, parce que soit c’était trop tôt, soit c’était trop tard. Et c’était quelque chose qui était un peu difficile pour elle à entendre. Et donc du coup, savoir quand l’annoncer, en fait, il a fallu qu’on se mette d’accord en disant… Bon, en fait, quel est le meilleur moment pour faire ça ? Parce que sinon, il n’y a jamais de bon moment.
Alexia C’est ça. Quand je rentrais du travail et que Sacha me disait ça, j’étais genre « Quoi ? Mais je viens de rentrer du travail, j’ai même pas le temps de me poser et tout. » Quand il attendait et qu’il disait quand on était en train de se coucher, j’étais là « Non, mais je suis en train de me coucher, je vais dormir et tu me dis ça maintenant ? » En fait, il n’y aurait jamais eu de bon moment parce que les moments où je ne vais pas bien, je n’ai pas envie d’entendre un truc difficile. Les moments où je vais bien, je n’ai pas envie qu’on gâche le moment à me dire un truc difficile. Donc c’est vrai que c’est important de… Si c’est possible de savoir en avance… Si c’est arrivé, dès que tu prends ton téléphone, tu me le dis. Éventuellement, tu m’envoies un message. Ou dès qu’on se voit, je veux que tu me le dises. Ou on a des RADARs toutes les semaines pour que tu me dises ce genre de choses.
Sacha Mais c’est sûr que ça met dans des situations pas faciles et un petit peu inédites. Parce que ça nous ouvre beaucoup plus de possibilités de heurter son partenaire à cause de la jalousie ou des insécurités. Et du coup, comment annoncer ces choses-là ? Il n’y a pas de recette miracle, mais en tout cas, il ne faut pas s’en cacher non plus, je pense.
Adèle Avoir plusieurs partenaires, on a vu que ça recouvrait des réalités très différentes. Être pivot, c’est un rôle singulier dans nos sociétés plutôt monogames, et ça ne vient pas avec un mode d’emploi tout fait. C’est une expérience extraordinairement riche, mais ça peut aussi être source de difficultés. On a vu qu’on peut tomber dans des situations où on ne s’écoute plus soi-même. Mais aussi on peut tomber dans des pièges et faire du mal à ses relations malgré soi de par cette position délicate de pivot. Comme toujours en polyamour, il est question de faire attention à tout le monde. Et pour ça, comme souvent, une des clés de la réussite, c’est de soigner sa communication, d’identifier les difficultés qu’on rencontre et de s’améliorer progressivement. On espère qu’en partageant nos conseils, vous trouverez plus rapidement la posture qui vous convient. Alors en mot de la fin, on aimerait vous rappeler nos essentiels pour vivre votre position de pivot au mieux.
Alexia On ne le dira jamais assez, parlez des choses. Même si c’est pour ne rien en dire de spécial, vous pouvez dire : je vois qu’il se passe ça. Et ça, c’est déjà reconnaitre une situation et rappeler que vous voulez faire au mieux pour votre partenaire et que vous l’aimez.
Sacha Je pense qu’un point important, c’est de savoir vraiment les bases de ce qu’on veut, nos fondamentaux. Et une fois qu’on le sait, ne pas en avoir honte et être ferme lorsqu’on agit dans cette décision-là. Tout en prenant un maximum de soin de ses autres relations.
Adèle Et relationner avec plusieurs personnes, c’est merveilleux, mais ne vous oubliez pas. Vous avez aussi une relation à vous-même et prenez-en soin.
Alexia Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !