Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,
Alexia Alexia
Sacha et Sacha,
Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations.
Alexia Voir son amoureuse être bien avec quelqu’un d’autre que nous, ça peut provoquer des émotions négatives, notamment la fameuse jalousie. Mais le bonheur de notre partenaire peut aussi nous faire ressentir beaucoup de joie. Les communautés polyamoureuses ont donné un nom à ce phénomène : la compersion. C’est donc notre sujet du jour. Dans cet épisode, on parle de comment est utilisé ce concept de compersion. De quel est l’impact du phénomène sur les relations. Et des choses qui aident à la ressentir ou au contraire qui la rendent moins accessible.
Sacha Bon alors la compersion, c’est un mot-clé qui est un peu dans toutes les bouches dans les milieux polyamoureux. C’est un mot-clé qui est assez à la mode, c’est finalement peut-être le mot de vocabulaire le plus, disons, spécifique aux milieux polyamoureux. Ce qui peut être le définit le plus, je ne sais pas. Mais du coup, qu’est-ce que c’est ? Comment est-ce qu’on peut le définir ? Alors il n’y a pas forcément d’autorité centrale qui a dit la définition de compersion, c’est exactement ça. Et si on essaye de le définir, il y a un peu deux types de définitions qu’on va pouvoir utiliser. Une définition très restreinte, très restreinte aux relations non exclusives, qui va être le bonheur ressenti lorsqu’un être aimé a des interactions intimes avec quelqu’un d’autre. Donc typiquement le fait d’être heureux que son amoureuse aille coucher avec quelqu’un d’autre. Et une définition plus large, qui est tout simplement le bonheur ressenti lorsque quelqu’un d’autre exprime de la joie ou ressent du plaisir, alors que nous on n’est pas à la source de cette joie.
Adèle Ça, c’est typiquement quand je ressentais énormément de joie au moment du mariage de mon frère ou de ma sœur et j’étais vraiment heureuse avec elle.
Sacha Et du coup, cette définition au sens large, c’est un mot nouveau, compersion, qui parle d’un concept qui existe déjà. Qui existe déjà depuis très longtemps d’ailleurs. Puisque ça se rapproche finalement, par exemple, d’un concept qui semble être assez important dans la philosophie bouddhiste, qui s’appelle le muddhita. Et alors je ne suis pas du tout un expert, mais qui est le fait de se réjouir du bonheur des autres. En anglais, on peut pas mal entendre parler de sympathetic joy, pour ce concept général juste d’être heureux du bonheur des autres. En français, on entend parfois parler de joie compatissante, joie empathique. Il n’y a pas l’air d’avoir de termes tellement plus utilisés pour définir ce genre de concept. Et donc, d’une part, on peut parler de compersion soit uniquement dans les relations non-exclusives, ou alors on peut en parler dans le sens plus général. Mais on peut aussi distinguer deux types de compersions. Celle qu’on pourrait par exemple appeler la compersion incarnée, qui est le fait de ressentir réellement l’émotion de la compersion. Donc c’est vraiment à ce niveau-là, c’est une émotion, on ressent vraiment de la joie, on est très heureux, c’est corporel. Et on peut différencier, c’est pas une opposition, mais il y a aussi une compersion d’attitude. C’est plus une réflexion intellectuelle de se dire qu’on est heureux. Intellectuellement, on a envie que notre partenaire soit heureux avec quelqu’un d’autre. Mais on ne le ressent pas forcément directement comme une émotion dans les tripes.
Adèle En fait, dans le premier cas, on le vit vraiment. Dans le second, c’est plus presque… On a envie de le ressentir et de l’encourager.
Sacha Oui.
Adèle À côté de ça, du coup, je vais faire un petit point en vocabulaire parce que dans les définitions expliquées par Sacha, on voit qu’il y a des mots qui ressortent. Il y a la sympathie, la compassion, l’aspect empathique. Et je trouve qu’on a un usage un petit peu indifférencié de ces mots-là, alors qu’ils n’ont pas la même signification. On a souvent tendance à les mélanger. D’ailleurs, moi, la première, lorsque je m’exprime sans faire attention. Du coup, étymologiquement parlant, l’empathie et la sympathie, c’est des mots qui sont assez proches. Il y a pathos dans les deux cas, ce qui signifie en grec les passions, au sens plutôt de souffrance ou les affects. Et en fait, l’empathie, le préfixe signifie « à l’intérieur de ». En gros, l’empathie, c’est la capacité à se mettre à la place de l’autre. C’est la capacité de reconnaitre, de comprendre les émotions et les sentiments de l’autre. Et ça ne veut pas du tout dire que les émotions, elles nous affectent, nous. Donc, ce n’est pas synonyme de contagion émotionnelle, même si on l’emploie souvent comme ça. L’aspect « sym » dans « sympathie » signifie « ensemble » ou « avec ». Et pour le coup, là, dans ce cas-là, on partage vraiment les émotions et les préoccupations de l’autre. Ça peut nous générer des émotions proches de celles de la personne. Ça peut aussi être une forme de validation des émotions de l’autre, c’est-à-dire qu’on est d’accord avec les émotions de l’autre, on veut les soutenir. Et ce deuxième concept, il impose forcément de plus ou moins comprendre les émotions de l’autre dans un premier lieu si on veut les valider. Et il nécessite donc souvent de l’empathie en préalable. Mais ça va bien au-delà puisque c’est un partage de cette émotion et du coup ça nécessite souvent une proximité affective à l’autre. Et enfin, le dernier mot, la compassion, c’est la perception de la souffrance de l’autre, couplée à un engagement, à une volonté de faire en sorte que ça s’apaise pour l’autre. Et du coup, si on en revient à la compersion, c’est donc… Plutôt qu’une joie empathique qui se limiterait à la compréhension de la joie de l’autre, mais sans pour autant qu’on la ressente et sans qu’on ait des émotions à ce propos… C’est plutôt une joie sympathique, c’est-à-dire qu’on va valider le vécu de l’autre, on va vouloir le soutenir. Et ce truc-là, on peut le rapprocher de la compersion d’attitude dont parlait Sacha. Et si on va entrer en résonance avec les émotions et le bonheur de l’autre, ça fait une compersion même incarnée dont parlait encore une fois Sacha, donc dans le corps.
Sacha Et c’est vrai que la compersion, c’est sympathique.
Alexia Pour donner un peu des contextes dans lesquels la compersion peut être ressentie, on en voit dans les relations intimes plusieurs types. Donc, il y a le fait d’avoir une compersion par rapport à la relation entre sa partenaire et sa méta. Donc une relation qui est établie, on est là, ah bah ça va bien, ils se sentent bien ensemble et c’est super. Il peut y avoir une compersion plutôt à propos de flirt, de nouvelles relations ou potentielles relations. Par exemple, je pourrais dire à Adèle… Ah, trop cool, cette fille, ton nouveau crush de l’escalade. Parce qu’Adèle aurait rencontré une fille à l’escalade, par exemple, qui serait mignonne et elle pourrait se voir de temps en temps et tout. Et je serais contente qu’elle ait cette nouvelle relation qui se dessine.
Adèle En gros, une sorte de résonance à mon propre enthousiasme et ma propre joie de me dire « Ah, trop trop bien, je flirte ! »
Alexia C’est ça.
Adèle C’est un peu nouveau.
Alexia C’est ça. C’est super, quoi. Et un autre type, c’est la compersion érotique, qui est d’ordre d’excitation sexuelle. Par exemple, j’ai une amie, quand son amoureux lui parle de relations sexuelles qu’il a eues avec d’autres amantes, ma pote, elle trouve ça excitant, elle trouve ça cool, et ça lui plait, quoi.
Sacha Donc on a fait un petit tour de ce que ça peut être la compersion, et maintenant on va parler un peu des idées reçues autour de la compersion. La première idée reçue que je vois, c’est l’idée de se dire que c’est quelque chose qui devrait être obligatoire. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui vont considérer que si on est en relation non-exclusive, il faut absolument avoir de la compersion. D’ailleurs que si jamais c’est quelque chose qu’on ne ressent pas, alors on ne serait pas fait pour vivre des relations non-exclusives. Et ça, en fait, non, pas vraiment. D’ailleurs, premier point, c’est pas quelque chose qui arrive à tout le monde tout de suite. Il y a plein de gens qui vont pas ressentir la compersion tout de suite. Avec le temps, peut-être qu’ils vont apprendre à la ressentir, mais pas forcément. Ce qui est intéressant de voir, c’est, avec la distinction qu’on a de la compersion incarnée, donc on ressent vraiment des émotions fortes, etc. Celle-là, peut-être qu’elle est pas accessible, certaines personnes n’arriveront pas à l’avoir C’est probablement bien d’avoir l’autre type, c’est-à-dire la compersion d’attitude. De quand même avoir une attitude de vouloir se réjouir que son partenaire ait d’autres relations. Parce que si on est dans des relations non exclusives, c’est quand même mieux d’être dans une attitude positive vis-à-vis de ça.
Adèle Oui, parce qu’à priori, ça va arriver et du coup, si ça génère que de l’angoisse, c’est peut-être pas bon signe.
Sacha Voilà, donc ça c’est peut-être un truc qui peut être intéressant à travailler. Et après, il y a aussi, là, Alexia faisait une petite différence de différentes catégories de compersion. Entre si c’est avec des relations établies ou des nouvelles relations. Il y a certaines personnes aussi qui vont éventuellement pouvoir ressentir la compersion envers des relations déjà établies. Mais qui vont être complètement terrorisées à l’idée qu’il y ait des nouvelles relations qui puissent se créer. Et que du coup ça soit beaucoup plus facile… Qu’il y ait certains types de comparisons qui puissent être plus faciles, et d’autres qui soient moins faciles. En tout cas c’est complètement dépendant de tout le monde, il n’y a pas les bons polyamoureux qui seraient complètement compersif. Et ceux qui n’ont pas de compersion seraient des faux polyamoureux. C’est pas quelque chose qui existe. Il y a toute une diversité. On en parlera un peu plus plus tard, est-ce qu’il faut rechercher à ressentir de la compersion ou pas, dans l’épisode. Mais en tout cas, ne tombez pas dans cette idée reçue qu’il faut absolument de la compersion. Et que si vous ressentez de la jalousie, c’est que vous êtes un mauvais polyamoureux. Et que si vous ressentez pas de compersion, c’est aussi que vous êtes un mauvais polyamoureux.
Adèle Et en parlant de jalousie qu’il faudrait transformer en compersion pour être un bon polyamoureux, c’est une autre idée reçue. L’idée selon laquelle la compersion serait l’inverse de la jalousie. Et en fait, cette opposition entre jalousie et compersion, personnellement, elle me gêne un petit peu. Parce que, notamment, ça peut arriver de ressentir les deux. C’est-à-dire d’être à la fois super heureuse du vécu d’un partenaire qui a passé un moment agréable avec une autre personne. Mais de pouvoir être jalouse et envieuse du moment passé en même temps.
Alexia Oui, moi, je peux témoigner à ce propos. Ça m’est tout à fait arrivé d’à la fois être complètement contente qu’un amoureux ait un flirt. Et à la fois d’être tout à fait jalouse parce qu’il est là, il envoie ses petits messages un petit peu flirty à sa flirt. Et moi, j’ai des vieux cœurs habituels. Avec elle, il fait de l’esprit et tout. Il lui tourne autour, machin. Et moi, je suis… En même temps, je suis contente pour lui parce que c’est rigolo. Et en même temps, vas-y, moi aussi, je veux un flirt, en fait.
Sacha Ce qui est intéressant sur cette idée d’inverse de jalousie, c’est que… C’est vrai qu’à la base, le terme compersion a été créé par des gens qui voulaient un terme pour définir l’inverse de la jalousie. Mais que c’est une simplification ensuite de dire que les deux seraient opposés.
Alexia C’était pas exactement l’inverse de la jalousie. Ils l’ont décrit comme quelque chose à côté. Si je me trompe pas, c’est dans les années 70, un truc comme ça. Où ils ont dit « Ok, on a la jalousie et des choses comme ça qui sont négatives, mais en fait, on peut aussi ressentir des choses positives dans ces contextes. » Et du coup, ils ont apporté cet autre truc, non ?
Sacha Oui, il me semble vraiment que l’idée, c’était de chercher l’inverse de la jalousie.
Alexia Très bien.
Adèle Et du coup, d’ailleurs, dans l’étude « I am glad that my partner is happy with her lover »… Tirée d’un ouvrage « The Moral Psychology of Love »… Se questionnant sur l’éthique, la morale et les impacts psychologiques de l’amour… La jalousie et la compersion, elles étaient présentées comme deux émotions relatives finalement à la bonne fortune d’autrui. Et en gros, la jalousie, ce serait quand on se sent en conflit avec cette émotion joyeuse de l’autre et… La compersion, ce serait quand on sent au contraire en harmonie et en résonance. Moi, j’aime bien cette façon de présenter le lien entre jalousie et la compersion. Parce que dans ce cas-là, c’est deux émotions qu’on peut ressentir face aux émotions d’un tiers finalement. Et on peut le vivre mal ou on peut le vivre bien avec la compersion. Sachant qu’on peut aussi le vivre d’une manière totalement neutre, en ressentant ni jalousie ni compersion. Ou bien encore le vivre d’une manière ambivalente, c’est-à-dire ressentir à la fois la jalousie et la compersion. Et du coup, ça fait une opposition de la compersion et de la jalousie, plus en miroir, comme par exemple la tristesse est le miroir de la joie, mais pas une opposition frontale.
Sacha Alors, on avait commencé à essayer de réfléchir sur qu’est-ce qui sont les choses qui aident à ressentir la compersion et qu’est-ce qui nous freine. Et on avait une belle liste. Et après, j’ai écouté un épisode de Multiamory où il y a une chercheuse qui s’appelle Marie Thouin qui a fait des recherches sur le sujet. Et qui, elle, les présente d’une manière que je trouve assez intéressante. Donc, on va plutôt utiliser sa classification. Et donc, cette chercheuse a décomposé en trois facteurs. Les facteurs individuels, donc ce qui est propre à un individu et qui va favoriser ou non la compersion. Les facteurs relationnels, qui vont donc être propres à une relation. Et les facteurs sociaux, qui sont donc l’environnement sociétal dans lequel on vit.
Alexia Ok, c’est parti. Les facteurs individuels, c’est quoi ?
Sacha Alors le premier facteur individuel… Alors « premier », ils ne sont pas ordonnés. Mais le premier c’est d’avoir des valeurs polyamoureuses ou des valeurs non monogames. C’est-à-dire être dans la relation parce que c’est ce qu’on a envie. Et pas juste y avoir été trainé comme ça et qu’en fait on n’a pas très envie d’être dans une relation non monogame.
Alexia Ouais effectivement je vois comment le fait d’être dans une relation plurielle alors que toi tu veux juste être en mono-amour… Ça limite un peu le fait que tu sois content que ta partenaire elle est quelqu’un d’autre quoi. Ok c’est validé.
Sacha Oui, c’est ça, et puis aussi, si du coup c’est quelque chose qui correspond à tes valeurs, à tes envies philosophiques… Ce dont on a déjà discuté, mais par exemple, tu veux que l’autre ne t’appartienne pas et qu’elle ait complètement toute liberté, etc. Et bien du coup, ça vient appuyer sur tes valeurs, et donc du coup, c’est quelque chose qui vient renforcer quelque chose que philosophiquement, éthiquement, tu cherches à obtenir comme situation.
Alexia Ouais, j’avoue que ça me fait du bien de pouvoir me dire que je suis à l’aise avec le fait que les gens que j’aime puissent aimer d’autres personnes. Que genre, c’est trop bien d’aimer. Ça rentre là-dedans, ça ?
Sacha Oui, je pense.
Adèle Oui, c’est un facilitateur de compersion, je pense.
Alexia Ok, je veux bien dire le deuxième facteur individuel. Dans l’ordre, parce qu’ils sont ordonnés. Il y en a un, donc un facteur qui est se sentir bien dans sa peau, avoir une bonne estime de soi et avoir ses besoins qui sont remplis. Évidemment, quand on est dans des situations de détresse, quand on est en insécurité, quand on a peur que quelque chose se passe mal pour nous… C’est un peu plus difficile de se sentir à l’aise avec le fait que ça aille bien pour les autres.
Adèle Là-dessus, moi j’aimerais bien relativiser. Parce que je pense que ça m’est arrivé au contraire de sortir un petit peu d’un mauvais état grâce à justement une contagion de la joie de quelqu’un que j’aimais beaucoup. Et donc d’un aspect de compersion.. Alors… Par contre, il faut savoir que la joie de cette personne n’avait rien à voir avec les raisons qui me faisaient être en insécurité. Et du coup, je pense que c’est aussi pour ça que ça m’a permis d’être dans une forme de très forte sympathie avec ce qui se passait pour cette personne. Si ça avait été en lien avec la relation qui me mettait un petit peu en insécurité et qui me faisait douter de moi, ça aurait été beaucoup plus compliqué.
Alexia Ouais complètement ça a du sens.
Adèle Je suis d’accord avec ce facteur individuel, mais il peut y avoir quand même des exceptions.
Sacha Après, c’est des facteurs. Ça va faciliter ou freiner la compersion. Ça va être d’ailleurs plus ou moins important pour certaines personnes. Mais à priori, si on est quelqu’un qui est super sûr de soi, de sa valeur, qui pense que c’est une personne absolument super et que tout le monde l’aime… C’est plus facile de ressentir la compersion qu’une personne qui pense que tout le monde va l’abandonner et que de toute façon, c’était une erreur cette relation en premier lieu et que…
Alexia On a compris. Je pense que tu peux arrêter.
Sacha Mais c’est aussi vrai aussi sur des points plus ponctuels. C’est-à-dire que si on a une très bonne journée, c’est plus facile d’avoir de la compersion que si jamais il nous est arrivé dix tuiles dans la journée. Et qu’on est au bout de sa vie et qu’en fait on n’a pas envie en plus…
Alexia Grave. On passe aux facteurs relationnels ?
Adèle Je veux bien dire le premier. Je pense que le fait d’être dans une relation qui se passe bien, où on a un sentiment de sécurité, ça peut justement favoriser le ressenti de la compersion. C’est un facteur qui est pour le coup assez fort pour moi, peut-être de par mon style d’attachement. Mais si j’ai trop d’insécurités par rapport à mon lien, je vais avoir beaucoup plus de difficultés à me réjouir du fait que cette personne vive des trucs super à côté. Parce que ça va me faire avoir peur pour ma place. Et du coup, l’aspect de sécurité est vraiment important.
Sacha Un autre point auquel ça me fait penser, je ne sais pas si ça se range exactement dans cette catégorie… Mais c’est l’idée de se comparer et d’avoir une genre de compétition avec notamment son partenaire. C’est-à-dire de se dire, ah oui, l’autre a plein de conquêtes, alors que moi, je galère trop.
Alexia De conquêtes… Tu sais en quel siècle on est Sacha ? Non mais…
Sacha C’est un terme que les gens utilisent, c’est pour ça, mais effectivement, ce n’est pas le meilleur terme.
Alexia Mais qui ?
Adèle Le tableau de chasse.
Alexia Pierre, 86 ans ?
Adèle Les chasseurs, Alexia !
Alexia Non mais je vois effectivement quelqu’un qui a du charisme et qui est facilement aimé des gens par exemple.
Sacha Oui, carisme ou pas, juste qu’en fait, dans la pratique, cette personne a fait plusieurs autres rencontres, alors que nous, on n’y arrive pas. Ou se dire, toi, tu as trois dates ce mois-ci, et moi, j’en ai que deux. Il peut y avoir une forme de compétition qui peut se passer, je sais, dans certains milieux. Donc ça, ça peut être difficile. Et d’ailleurs, dans le livre La Salope Éthique, ils parlent de ça justement. Et eux, la solution qu’ils essayent d’utiliser pour désamorcer un peu cet esprit de compétition, c’est de remplacer ça par une forme de complicité. Et de dire, OK, on peut, par exemple, se faire l’entremetteur pour l’autre et du coup, essayer d’aider son partenaire à choper. Et du coup, ça transforme ce côté compétition en côté complicité et esprit d’équipe.
Alexia Et travail d’équipe ! Comme la fois où tu voulais choper une meuf et je t’ai proposé de draguer son gars.
Adèle Et voilà tout le monde est content en plus ça fait un partout
Alexia Au final t’as pas du tout réussi à l’aborder. Et moi je viens de voir je fais bon alors t’en es où avec ton plan Sacha ? Tu me fais à moitié bourré genre je m’en fiche de mon plan c’est toi mon plan ! Sacha c’était pas ce qu’on devait faire ! Mais oui c’est tout de suite plus drôle ouais on va pas se mentir. Je passe à l’item suivant ?
Sacha Vas-y.
Alexia Ensuite, il y a comment on se sent vis-à-vis de notre métamour. C’est-à-dire éventuellement la partenaire de notre partenaire ou la flirt de notre partenaire. Et ça, c’est clair que… Enfin, c’est assez bizarre, mais il y a des situations où j’aime bien ma métamour et du coup, je suis contente parce que je sens que tout va bien et je suis contente pour mon partenaire. Et il y a eu des fois où j’avais donc une… C’était pas une métamour, mais une métaflirt. Et du coup, là, j’étais pas contente parce que la personne avait l’air pas fiable. Enfin, me semblait pas fiable. Et donc, j’avais tout de suite moins de compersion parce que j’étais là genre, oulala, ça a l’air d’être prise de tête. Ou c’est une personne qui va essayer de jouer d’une façon qui me semble pas partager mes valeurs. Donc, ouais, quand on a l’impression que notre méta, c’est une personne, je sais pas, fiable, bienveillante et des choses comme ça, déjà, ça aide, quoi.
Adèle Mais à l’inverse, quand on pense que potentiellement notre méta va influencer potentiellement en mal notre relation en commun… C’est un truc qui peut générer vachement de jalousie. Parce qu’on va se dire « Oula, ça se trouve, elle est en train de lui mettre en tête que je ne suis pas une relation pour l’autre personne. » Ou ce genre de choses. Ou juste lui provoquer aussi des émotions pas ouf qui vont nous impacter en retour. Et du coup, ça peut être difficile de se dire, youpi, je suis trop contente qu’il soit avec quelqu’un d’autre.
Alexia Moi ça m’est arrivé de devoir passer du temps avec un amoureux qui était en train de gérer son drama avec une autre personne. Et bah tout de suite c’est moins drôle quoi.
Sacha Et ça, du coup, les rapports avec les métamours, c’est quelque chose qui, d’après les quelques recherches qui ont été faites sur le sujet, semble être un des facteurs, si ce n’est le facteur le plus important qui favoriserait la compersion.
Alexia D’où l’intérêt d’éventuellement rencontrer votre métamour si vous ne connaissez pas cette personne.
Sacha Après, si tu la rencontres et que tu ne l’aimes pas, ça ne va pas aider la compersion.
Alexia Si tu la rencontres et que tu ne l’aimes pas, tu la jartes.
Adèle Devenez amis avec vos métamours, il n’y a plus le choix maintenant.
Alexia Je rigole, jartez pas les gens. Soyez gentils et compréhensifs.
Sacha Un autre point qui vient peut-être pas en tête tout de suite dans les facteurs relationnels, c’est la perception d’intérêts personnels. C’est-à-dire…
Alexia Oula, ça a l’air compliqué, ton histoire.
Sacha Le terme un peu compliqué… Parce que déjà on parle de perception. Parce que en gros l’idée c’est de ce qu’on va s’imaginer gagner dans cette relation. Enfin, dans cette relation dans laquelle on fait pas partie, mais ce qu’on s’imagine gagner dans cette situation. Donc en gros, si je suis en relation avec toi, Alexia, et que toi, tu es en relation avec quelqu’un d’autre, eh bien, en gros, je me dis… « Ah, le fait que tu sois en relation avec cette autre personne, ça va être bien pour moi. »
Alexia Ouais. C’est par exemple le fait que je suis très peu sexuelle. Et du coup, ça me stresse un peu si je suis avec un partenaire sexuel qui a pas mal envie de sexe. Et donc, si ce partenaire développe une autre relation, ça peut m’apporter un soulagement. Je me dis « Ah, c’est bon, il y a quelqu’un d’autre qui lui apporte ce truc. » Et je me mets moins la pression, entre guillemets. Même si vous ne mettez jamais la pression pour faire du sexe. Mais bon, je pense qu’on comprendra ce que je veux dire.
Adèle Est-ce que ça peut avoir des intérêts indirects du type, je sais pas… Vous avez plein de plantes à la maison et en fait tu t’en occupes pas… Et ton partenaire rencontre une personne qui est fleuriste et qui adore rempoter les plantes. Et du coup tes plantes elles sont trop belles à la maison et t’es trop content ?
Alexia Ouais, je pense.
Sacha Oui, à priori, ça fonctionne aussi. C’est du coup des bénéfices personnels que tu retiens de cette chose-là, et ça va t’aider. Et du coup, en fait, c’est marrant parce que ça va un peu à l’encontre l’idée que la compersion, on se dit, c’est un sentiment très altruiste. Peut-être très noble, ou je ne sais pas quelle valeur mettre dessus. Alors qu’en fait, il y a…
Alexia Non, non, non, pense qu’à nous !
Sacha Il y a une composante assez auto-centrée dessus de « ah oui, c’est bien ». Voilà, donc que ce soit ce soulagement, le soulagement que notre partenaire va pouvoir faire une activité que nous, on n’a pas envie de faire,
Alexia Ouais.
Sacha Qu’on n’a pas envie de faire ou qu’on n’a pas le temps de faire potentiellement. Que notre partenaire aime bien, je ne sais pas, aller dans des bars deux fois par semaine et nous, on n’a clairement pas le temps d’aller dans des bars deux fois par semaine.
Alexia Ouais et puis en fait vraiment dans le contexte polyamoureux je crois que ça doit être un gros classique ce truc de… Moi je suis en relation avec deux partenaires et un de ces partenaires n’a pas d’autre relation par exemple. Et donc moi, je me retrouve à avoir deux personnes avec qui j’ai envie de passer du temps. Et un partenaire tout seul pourrait être là à vouloir passer beaucoup de temps avec moi. Et je peux avoir envie de lui apporter ça et en même temps, ne pas lui apporter autant de temps qu’il voudrait. Et s’il développe une autre relation, du coup, ça fait que lui aussi, il a un temps à partager avec deux personnes.
Sacha Et ça peut t’enlever aussi une forme de culpabilité que tu pourrais avoir. De te dire bah moi j’ai plusieurs relations et cette pauvre autre partenaire n’en a qu’un seul peut-être que j’aurais dû rester monogame avec.
Alexia Le bonheur n’est pas corrélé au nombre de partenaires que vous avez, je vous assure.
Adèle À côté de ça, ça peut aussi être un aspect où le nouveau ou la nouvelle partenaire va apporter des nouveaux domaines. Dont du coup ton partenaire va venir te parler à toi et où il va être enthousiaste et il va pouvoir développer des nouvelles compétences en gros et éventuellement t’en faire bénéficier.
Alexia J’imagine les métas qui me voient arriver et que je commence à leur parler d’insectes aquatiques. C’est un genre, yes, je vais pouvoir commencer à étudier les insectes aquatiques. Génial, j’ai voulu ça toute ma vie !
Adèle Il y a potentiellement des domaines qui vont être plus attirants que d’autres pour la majorité des gens. Évidemment, les insectes aquatiques en font partie.
Alexia Voilà.
Sacha Voilà après comme il y a aussi un aspect compétition qui peut entrer en jeu avec le métamour. Et donc se dire ah cette personne lui apporte les mêmes choses que moi mais en mieux
Alexia T’imagines ? J’ai une méta qui étudie aussi les insectes aquatiques et en plus elle est meilleure que moi. Non, ça va pas le faire.
Sacha Mais du coup si le partenaire lui apporte des domaines nouveaux sur lesquels nous on n’est pas… C’est plus facile de ressentir la compersion parce qu’on se dit ok cette personne lui apporte le fait de parler cinéma ensemble et moi je parle pas cinéma. Donc de toute façon c’est quelque chose sur lequel je me sens pas en compétition
Alexia Ouais, complètement.
Adèle C’est toujours… Je trouve que ça se rapporte souvent quand même ces facteurs là des aspects de, est-ce qu’on se sent en sécurité est-ce qu’on se sent en compétition. Et en fonction c’est soit cool soit pas du tout.
Sacha Et d’ailleurs dans ces facteurs du coup de perception d’intérêts personnels, ça rejoint ce qu’on disait plus haut sur le fait des valeurs. C’est-à-dire que si on a des valeurs polyamoureuses de se dire que c’est important de ne pas appartenir uniquement à une personne ou des choses comme ça… Et bien le fait que notre partenaire ait une autre relation, on se dit, ah bah enfin, je tombe dans la case polyamour. Et donc du coup, je suis aligné avec ce que je voudrais être. Et bon, je caricature parce qu’il y a plein de choses qui ne vont pas dans ce que je viens de dire. Mais c’est l’idée de, voilà, on peut être plus aligné sur ce qu’on a envie d’être, et donc du coup, ça facilite la compersion de se dire…
Adèle Après, on reste polyamoureux même si on n’a qu’une seule relation ou quand on n’en a pas du tout. Donc, à limiter quand même cet aspect-là.
Sacha Oui, bien sûr. C’est pour ça que je dis que c’est effectivement assez caricatural ce que je dis. Mais en tout cas, le fait de rentrer de fait dans ce genre de relation, ça veut dire qu’on s’approche d’un idéal éventuellement qu’on avait envie de vivre, un idéal de vécu. Sur les intérêts personnels, ce n’est pas forcément uniquement des choses très égoïstes, disons. Il y a aussi tout simplement l’épanouissement personnel que notre partenaire va pouvoir avoir avec cette nouvelle relation. C’est un intérêt personnel de voir sa partenaire épanouie. Et c’est un épanouissement personnel que ça peut être nous aussi, d’ailleurs, par ailleurs. Mais c’est des choses aussi simples que ça.
Alexia Et donc, on peut passer à la troisième catégorie de facteurs, c’est les facteurs sociaux. Et en fait, il y a vraiment ce truc d’exposition. Où quand on entend parler de compersion, quand on voit des gens parler de compersion et de choses qui valident un peu les choix de vie qu’on fait… Ça aussi, ça peut impacter sur le fait d’effectivement ressentir la compersion.
Adèle Ou même, juste quand on parle du fait que notre partenaire a rencontré une nouvelle amoureuse. Si les personnes, elles font « au secours » ou si elles font « ah, trop bien » et « elle est sympa ? »… Ça ne va pas du tout nous générer le même genre de réaction non plus.
Sacha Oui, si ton milieu social est en fait un obstacle à ce mode de relation et te dit « Ah, tu es en train de te faire avoir, tu es en train de te faire arnaquer, attention à toi, etc. », ça devient très compliqué. Et en opposition, c’est intéressant d’avoir des communautés. Une communauté qui va nous aider. Des modèles à suivre qui nous montrent ce que ça va être. Des médias qui vont nous donner des exemples aussi, des super podcasts comme « À tes amours », par exemple, qui vont…
Alexia Ça va les chevilles, Sacha ?
Sacha Qui vont valider le choix de la non-monogamie et donner des outils, montrer des exemples, etc. Ça va beaucoup aider à ressentir de la compersion, d’être imprégné de ce genre de milieux-là.
Adèle Pour donner un exemple, quand je voyais justement Sacha être trop content qu’Alexia elle vive le meilleur anniversaire parce qu’il avait invité ses autres amours… T’as un aspect de « Ah mais ouais, c’est trop cool, on peut être joyeux tous ensemble. » Moi, j’avoue que ça me faisait me dire « Ah, c’est un truc pas forcément à viser, mais c’est chouette de pouvoir vivre ce truc-là. »
Sacha Il y a une grosse histoire de normes culturelles autour qui vont éventuellement nous bloquer… D’une mononormativité intériorisée, c’est-à-dire le fait d’avoir au fond de soi les croyances qu’on nous a inculquées depuis qu’on est petit, qu’il faut être en couple exclusif. Et que toute autre chose serait très grave et très dangereuse.
Alexia Ou même pas, qui peuvent être, sans aller si loin, ça peut être les autres choses sont moins intéressantes. En fait, le seul truc qui vaut la peine d’être vécu, c’est un amour fusionnel à deux et pour la vie. Parfois, on n’intériorise pas forcément des trucs qui sont horribles. Mais des choses qui vont nous dire qu’il vaut mieux vivre de telle façon et pas de telle façon. Et en fait, on a tendance à suivre les normes, à intérioriser des choses qu’on nous rabâche tout le temps.
Sacha Ça c’est d’autant plus vrai si on n’a pas d’expérience dans les schémas relationnels alternatifs, disons. Parce que du coup, c’est d’autant plus important d’avoir des modèles, d’avoir soutien autour…
Alexia Oui, c’est-à-dire qu’on peut apprendre, entre guillemets.
Adèle Oui, et puis c’est toute la question de la représentativité et de l’exemplarité. En fait, quand on a des exemples qui existent, où on sait que ça se passe bien, ça va vachement être inspirant. Si on ne sait même pas que ça existe, on ne va pas pouvoir se l’imaginer pour soi-même.
Sacha Maintenant, on va discuter un peu plus de l’impact que la compersion peut avoir sur une relation, selon que la compersion est présente ou non. Et les recherches qu’il y a sur le sujet semblent montrer une forte corrélation entre la compersion et une bonne relation. C’est-à-dire qu’à priori, la compersion aurait un impact assez positif sur la relation.
Alexia On est sûr que c’est du lien de causalité ? Parce que parfois, on ne sait pas ce qui vient en premier. Est-ce que c’est parce que tu es bien dans ta relation que tu sens la compersion ? Ou est-ce que c’est parce que tu sens la compersion que tu es bien dans la relation ?
Sacha C’est pour ça que je parle de corrélation, effectivement. Ça ne veut pas forcément dire que c’est le lien qui… C’est pas parce qu’on ressent la compersion qu’on a une meilleure relation. Puis après, les recherches qu’on a ne sont pas assez nombreuses et sur des petits groupes de gens… Ça donne une certaine indication. Après moi ce que je me dis c’est que en fait la compersion ça vient avec le fait d’inclure l’autre dans sa vie. C’est-à-dire que moi je vais vivre quelque chose avec d’autres gens disons après je vais aller voir Alexia et je vais lui dire ah bah j’ai telle nouvelle crush on fait telle chose etc. Et en fait je…
Alexia Quoi, mais tu fais ça avec elle et même pas avec moi ? Comment oses-tu ?
Sacha Ah là tu casses l’exemple c’est censé être bien.
Alexia Je sais. Donc oui, du coup, je suis là, ah, Sacha, trop bien, tu vas aller dans ce super festival. Ça a l’air génial. Je suis contente que tu y ailles avec telle personne.
Sacha Enfin, surtout, on inclut dans la vie, ça crée une complicité, une intimité d’inclure dans la vie. À l’opposé de — ce qui pourrait se comprendre en se disant « Ah, je veux pas blesser Alexia, je veux pas la mettre en insécurité, etc. »… Et donc, du coup, je te dis pas grand-chose, mais du coup, tu…
Alexia On a moins de moyens de connecter.
Sacha Voilà, c’est ça. Et en plus, ça fait que c’est plus dur pour toi éventuellement d’accepter cette relation. Parce que tu ne l’as pas vue depuis le début, tu ne t’es pas senti impliqué dedans depuis le début. Donc ça aide aussi.
Alexia Oui, parce que quand on en parle beaucoup, au final, tes amours sont un peu mes amours. Sacha qui fait les grands yeux. Comment ça ? Non, mais en vrai, il y a quand même un vrai truc d’affection de… Comme je t’aime, le fait que tu aimes d’autres personnes, je les aime aussi parce qu’elles t’apportent de l’amour. Et avec Adèle, c’est pareil. Quand elle me parle de personnes qui l’entourent, avec qui elle vit des choses, ça me rend heureuse. Je suis vraiment contente.
Adèle C’est d’ailleurs une notion qui, moi, avait résonné pas mal dans mes débuts polyamoureux. Je m’étais dit, finalement, si on traitait les amours de ses amours comme les amis de ses amis, on serait beaucoup plus enthousiaste à l’idée que nos amours rencontrent de nouvelles personnes et des amours. De la même manière qu’on se réjouit vachement quand quelqu’un de notre famille est heureux parce qu’il a rencontré quelqu’un d’autre. Et pour moi, c’était beaucoup plus facile de ressentir la joie ou la compersion quand j’avais des amis qui étaient hyper heureux ou des membres de ma famille qui étaient hyper heureux. Et finalement, c’était un peu une extension de me dire, c’est pareil, ça apporte des trucs qui sont cools dans les relations que j’ai, quelles qu’elles soient.
Alexia Et après il y a quand même souvent un phénomène de… Les gens que ta partenaire va aimer c’est à priori des gens que tu vas trouver sympathiques aussi quoi. Non, pas sûr ? Ah oui, c’est vrai que Sacha… Sacha, mes amoureux, ils s’en fout, je rappelle.
Sacha Non, non.
Alexia Moi, dans le genre compersion… Alors, je fais une parenthèse, je raconte ma vie. Il y a deux jours, j’ai rêvé que je démarrais une relation avec la flirt d’un amoureux. Voilà, j’en suis là. Je pense que c’est une sorte de milestone qu’on peut noter. C’est la fin de ma parenthèse.
Sacha Si on commence à parler des rêves, je propose qu’on passe au point suivant, qui est… La grande question, faut-il chercher à ressentir la compersion ? Parce qu’en fait, on a…
Alexia Je fais une autre petite parenthèse. Sacha est très content que j’ai d’autres personnes avec qui parler de mes rêves, du coup. Donc, faut-il chercher à ressentir la compersion ? Oui, absolument, car sinon tu es un mauvais polyamoureux. C’est ça, Sacha ?
Sacha On entend un peu deux sons de cloche. On entend certaines personnes qui vont éventuellement dire un peu ça. Et on entend aussi des gens dire « Non, c’est absurde, il y a des gens qui ne ressentent pas ça et qui ne le ressentiront potentiellement jamais, et ce n’est pas la peine de se forcer. »
Alexia Oui, souvent, ça dépend un peu de quelle compersion on met exactement derrière. On a défini au début différents types de compersions. Et du coup, ça me semble important d’aller vers quelque chose où tu es content que ton partenaire soit content, sur un plan un peu intellectuel. Après, c’est OK si tu ne pleures pas de joie parce que ta partenaire a embrassé sa crush. J’imagine que du coup, à quel point il faut ressentir à chercher la compersion, ça dépend de quelle définition on prend, non ?
Sacha Je pense effectivement, oui, que celle qui se ressent dans le corps, je sais pas à quel point on a beaucoup de prise dessus. Et c’est pas grave si on ressent pas ça dans les tripes et qu’on saute de joie, etc., c’est pas très grave. Mais c’est probablement intéressant de travailler pour être aligné sur le fait qu’on a envie d’être satisfait que nos relations aient d’autres relations.
Adèle J’imagine que ça dépend aussi de à quel point on est capable d’être relativement neutre par rapport au fait que l’autre vit d’autres relations. En gros, ce que je veux dire par là, c’est que dans mon entourage, j’ai quelqu’un qui va rester relativement impassible au fait que j’ai d’autres relations. Mais en fait, je sais que ce n’est pas négatif pour lui. Ce ne sera jamais négatif. Donc, il ne va pas vivre de jalousie. Et le fait qu’il vive ou pas de la compersion, du coup, ça a moins d’incidence que si, au contraire, ça lui générait énormément d’émotions négatives. Auquel cas il faudrait probablement plus qu’il cherche à se ramener vers une forme de neutralité à minima et de compersion potentielle. En tout cas, c’est ça que ça m’évoque. Je pense que ça vaut le coup de travailler à ressentir la compersion, ou au moins à être relativement neutre dans l’idée que nos partenaires fréquentent d’autres personnes. Plutôt que de rester dans une situation où ça nous fait des mauvaises vibes.
Alexia Là, on arrive sur le truc un peu délicat de est-ce que la compersion, c’est l’inverse des choses négatives ? J’imagine que c’est un peu difficile. Je vois Sacha un peu perdu. Je me demande si ce n’est pas lié à ça. Mais je pense que dans l’ensemble, on est d’accord là-dessus. Qu’on dit un peu chacun la même chose avec nos mots.
Sacha Si on est un peu d’accord, on peut passer au point suivant qui est, si on veut travailler sa compersion, comment est-ce qu’on fait pour pouvoir la travailler ?
Alexia Eh bien, il y a déjà le truc de faire l’exercice, de vraiment comprendre ce que ça peut provoquer chez l’autre, la situation qu’il est en train de vivre. Par exemple, si Adèle est en train de flirter avec cette personne qu’elle a rencontrée à l’escalade et que j’ai envie de sentir de la compersion… Je peux me dire « Ok, j’aime Adèle, qu’est-ce qui est en train de se jouer pour elle en ce moment ? » Et le fait de vraiment m’imaginer qu’elle est contente, que du coup, ça fait des petites paillettes dans sa vie, des choses comme ça, ça peut éventuellement me faire sentir un peu plus ce truc positif de… Ah ouais, c’est vrai que c’est trop cool ce qui est en train de se passer, quoi.
Adèle Là-dessus, petit rebond, ça fait travailler l’aspect de l’empathie et de se dire qu’est-ce qui se passe quand on se met à la place de l’autre.
Sacha Un autre truc, c’est d’avoir l’esprit ouvert et pas avoir une vision très rigide de notre relation. C’est-à-dire que si je me dis que je suis en couple avec quelqu’un et que les choses vont se passer exactement comme ça et qu’on va se voir exactement à telle fréquence et… Que tout est très rigide dans ma tête, eh bien, dès qu’il va y avoir le moindre changement à cause de cette nouvelle relation, ça va me paniquer, je vais trouver ça scandaleux ou je ne sais pas. Et du coup, ça ne va pas du tout aider. Donc si on garde un esprit plutôt ouvert sur vers quoi peut aller la relation éventuellement, c’est plus facile de ressentir de la compersion puisqu’on ne se sent pas empiété.
Alexia Je me demande si ce n’est pas lié aussi à des questions d’attente. C’est-à-dire si on attend des choses spécifiques d’une relation… Une quantité de temps notamment, parce que c’est souvent le facteur limitant, mais ça pourrait être autre chose. Par exemple, je suis avec quelqu’un qui décide de claquer cinq mille euros dans un voyage avec un autre partenaire. Si je m’attendais à être la partenaire avec qui cette personne irait en gros voyage ? Ça serait plus difficile. Bon, évidemment, dans ce genre de cas, l’idée, c’est que tout le monde doit discuter entre les uns avec les autres, histoire de trouver des choses qui conviennent à tout le monde. Mais c’est pour illustrer, quoi.
Adèle Oui, et puis moi, je ne suis pas tout à fait d’accord parce qu’en fait, on a le droit d’avoir des attentes dans ses relations aussi. L’objectif n’est pas forcément de les limiter pour pouvoir vivre de la compersion. On peut très bien avoir des attentes qui sont répondues et vivre de la compersion par ailleurs.
Alexia Ouais, j’imagine que c’est une sorte de juste milieu, quoi.
Sacha Je pense que si tes attentes, elles sont assez claires et définies et que tu es capable de les communiquer… Et donc ça, c’est aussi important, c’est quelque chose dont on n’a finalement pas vraiment discuté dans cet épisode, mais que la communication est, comme d’habitude, très importante. Mais si j’ai une attente très spécifique sur le fait que dans ma relation, j’ai envie qu’on ait trois soirs passés ensemble par semaine… Finalement, pour moi, ça va faciliter la compersion parce qu’en fait, tu poses ça, tu dis « Ok, moi, c’est ça dont j’ai besoin, c’est ça que je veux. » Ta relation, elle, elle a envie que votre relation se passe bien, donc va faire en sorte que tu aies ces trois soirs par semaine. Et donc, du coup, tu sais que tes besoins sont remplis et que tes attentes, elles sont là.
Alexia Ouais, mais parfois, on arrive quand même à des confrontations des besoins. parfois. Si un partenaire me demandait de dormir avec moi trois fois par semaine, je pense que ça serait non. Déjà, j’aime bien dormir toute seule. Et ensuite, je pense que ça pourrait faire trop pour moi. Et si c’était son besoin, ça serait compliqué aussi.
Sacha Du coup, ça revient à ce point-là qui est la rigidité. C’est-à-dire que si son attente est trop rigide, ça risque de poser des problèmes à un moment.
Alexia On dirait qu’on est d’accord là aussi. Il y a un autre truc pour inviter la compersion à boire un thé chez soi, c’est ne pas le forcer peut-être, ne pas le voir comme un impératif, ne pas le voir comme une injonction. Parce que c’est le genre de choses qui… Enfin, se faire violence de cette façon, ça peut ne pas marcher du tout, voire être contre-productif. Parce qu’on peut s’accrocher à quelque chose où plus on s’accroche, plus ça s’éloigne, parce qu’on s’y accroche avec rage et véhémence. Et je pense qu’il faut vraiment voir la compersion comme un truc cool si ça arrive. Qu’on peut apprivoiser tranquillement et qui viendra en son temps sans qu’on ait à l’attraper avec un lasso.
Adèle Ça revient à l’aspect, vous ne mettez pas de pression. Dès qu’on met de la pression, il y a des enjeux qui augmentent. Et du coup, l’impact est d’autant plus fort et potentiellement négatif. On va se juger de ne pas y arriver. On va se dire que ça va dégrader l’estime de nous-mêmes, qui est du coup un facteur individuel qui joue beaucoup dans le fait qu’on ressente de la compersion. Et du coup, c’est contre-productif à la fin.
Alexia Ça peut mettre en place des sortes de cercles vicieux, dont il peut être difficile de sortir. Mais dont il était intéressant de parler, donc n’hésitez pas à parler de compersion avec vos partenaires, de voir où vous vous situez. Et puis c’est pas un concours !
Sacha Ne pas mettre la compersion en tant qu’objectif. Si vous voulez travailler dessus, l’objectif qui peut être intéressant d’avoir, c’est tout simplement d’améliorer la relation. Et en améliorant la relation, ça va potentiellement… En tout cas, ça va favoriser la compersion. Et notamment améliorez tous les points qu’on a cités dans la section précédente, qui sont tous les facteurs et freins de la relation. Donc si vous travaillez sur ces points, si vous améliorez la confiance dans la relation, si vous améliorez ce genre de choses, ça va, de fait, favoriser la compersion et diminuer les freins de la compersion.
Alexia Ce qui n’est pas toujours facile. Il y a des facteurs quand même plus faciles à modifier que d’autres. Se sentir bien dans la relation, ça ne se fait pas forcément d’un coup de baguette magique. En revanche, par exemple, travailler sur son exposition à d’autres personnes qui y ressentent ou qui parlent de compersion, ça peut fonctionner. Le fait de voir un peu des séries qui parlent de polyamour.
Sacha D’écouter tout les épisodes d’À tes amours.
Alexia Voilà… Mais dis donc, tu as des actions chez À tes amours. Vraiment, vous confronter à des communautés, rejoindre des Discord, des groupes sur des réseaux sociaux ou des réunions de polyamoureux. En résumé, la compersion c’est un concept assez variable. Les gens peuvent l’utiliser un peu différemment. Mais tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’une réaction positive face au fait qu’une personne qu’on aime soit heureuse pour des raisons qui n’ont rien à voir avec nous-mêmes. C’est parfois présenté comme l’objectif à atteindre dans les relations polyamoureuses et c’est vrai qu’on a envie d’être satisfait que notre amoureuse soit épanouie. Même si c’est aussi avec quelqu’un d’autre que nous. Selon les personnes et les périodes, la compersion peut venir naturellement ou pas du tout. Et il est aussi possible d’aménager des choses pour encourager la compersion. Selon nous, il ne faut cependant pas en faire une injonction ou un motif de culpabilisation. On fait au mieux. Sacha, Adèle, vous avez un mot pour la fin ?
Sacha Pour moi, il faut se rappeler que la compersion, c’est tout ce qu’on va ressentir de positif que sont/sa partenaire ait d’autres relations intimes. Et il ne faut pas se dire qu’il faut d’abord éliminer toute forme de jalousie avant de pouvoir ressentir ça. Donc juste, on peut se concentrer sur ce qui est chouette, ce qui va bien, ce qui nous fait plaisir. Et s’il reste un peu de jalousie, ce n’est pas grave.
Alexia Et moi, j’ai juste envie de dire que aider sa partenaire à pécho, c’est ultra fun. Donc, allez-y et explorez à deux l’intimité que vous pouvez avoir dans ce genre de contexte. C’est vraiment amusant.
Adèle Moi, j’aimerais rappeler que la compersion, ce n’est pas une nouvelle émotion, bien que le mot soit apparu relativement récemment. Et que finalement, on peut le vivre dans plein de contextes, qu’ils soient polyamoureux ou non.
Alexia Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !