13. Hiérarchies dans les relations
Ep. 13

13. Hiérarchies dans les relations

Episode description

Cette fois, on s’intéresse au système de hiérarchie dans les relations ! Qu’est-ce que ça veut dire exactement ? Qu’une relation est plus importante ? Que des relations sont prioritaires ? Qu’il y a différents degrés d’engagement ? Voyons comment la hiérarchie se manifeste dans nos relations. Pourquoi on la cherche ? Comment on s’en éloigne ? Peut-elle être éthique ? On a beaucoup de questions et quelques réponses !

Ressources

Mentionnées dans l’épisode :

  • Le livre Veaux, F. & Hardy, J. 2014. More Than Two: A Practical Guide to Ethical Polyamory.

Inspirations complémentaires pour l’épisode :

  • Les épisodes de Multiamory sur la hiérarchie dans les relations, Ep. 75 et Ep. 188
  • La chaine Youtube Decolonizinglove, qui s’interroge sur « est-ce que le polyamour hierarchique est éthique ? ».
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Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,

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Alexia Alexia

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Sacha et Sacha,

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Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations.

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Sacha Aujourd’hui, on parle de hiérarchie. De comment on peut considérer certaines relations comme plus importantes que d’autres. Que ce soit avec différentes relations romantiques par exemple, mais aussi avec des relations amicales, familiales, voire même professionnelles. Bref, on parle d’importance, de préférence, de priorité, d’engagement, d’égalité, d’équité… On parle des différentes personnes qui peuvent avoir de l’importance dans notre vie et comment est-ce qu’on les traite différemment. On va d’abord définir de quoi on parle en utilisant le mot hiérarchie, notamment dans un contexte de polyamour. On donnera ensuite quelques témoignages autour de la hiérarchie. Puis on se posera la question de « est-ce que la hiérarchie est nécessaire au sein des relations ? » Et enfin, on se demandera si c’est éthique d’utiliser une structure hiérarchique. Bon, alors, pour commencer, de quoi est-ce qu’on parle avec le mot hiérarchie ? Quand on entend le mot hiérarchie, on pense éventuellement au monde du travail professionnel. On pense éventuellement à la chanson de Stupeflip…

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Musique ♪ À bas la hiérarchie ! ♪

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Alexia Quoi ?!

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Sacha Là, on ne va pas parler de relations d’entreprise, mais de relations entre différentes personnes qui nous sont proches. Donc, je suis allé voir dans le Robert, et le Robert donnait deux définitions du terme hiérarchie. La première disait « organisation sociale fondée sur des rapports de subordination (selon les pouvoirs, la situation de chacun). » Bon, là, on parle de subordination, donc on parle éventuellement plus de quelque chose qui se rapproche de l’entreprise. Et la deuxième définition, c’est « organisation d’un ensemble en une série où chaque terme est supérieur au terme suivant. » Et ça renvoie aux mots « classement », « ordre ». Bon, là, ça parle de termes plutôt que de personnes. Mais finalement, du coup, si je mixe un petit peu ces deux définitions-là… On pourrait dire que la hiérarchie, si on parle de proches, la hiérarchie, c’est qu’on va avoir un classement, un ordre. Certaines personnes vont être supérieures à d’autres selon une certaine valeur, plus importantes éventuellement. Et il peut y avoir, si on reprend la première définition, éventuellement une idée de subordination. C’est-à-dire que les personnes qui sont en haut de cette hiérarchie vont avoir leur mot à dire sur ce qui se passe avec les personnes qui sont plus en bas de elles-mêmes. Donc à quoi ça ressemble concrètement, notamment dans le polyamour ? Dans le polyamour, il y a une expression consacrée qui est le polyamour hiérarchique. Et derrière, qu’est-ce que ça signifie exactement ? C’est quoi pour vous la définition de polyamour hiérarchique ?

2:59

Alexia Le polyamour hiérarchique, c’est j’ai plusieurs amoureux et amoureuses, mais il y en a un ou une qui est plus important·e ou envers qui je vais avoir le plus d’engagement. Et il y a un autre truc. Alors, en fait, dans le livre « More Than Two », il y a un chapitre sur la hiérarchie et des relations qu’on va qualifier de primaires ou secondaires, du coup. On va en parler. Mais ce qu’ils disent, c’est qu’on commence à avoir de la connexion avec quelqu’un, on s’entend bien avec quelqu’un et on commence à construire quelque chose. Et il y a un engagement qui se met en place. Du coup, sur le livre, il y a des petites flèches. Il y a une petite flèche pour la connexion, donc l’élan qu’on ressent pour cette personne et qui est à priori mutuel. Et l’engagement qui va en découler qui est : je commence à m’attendre à ce que la personne elle fasse telle chose ou telle chose pour moi etc. Et en fait eux ils ont fait une troisième flèche qu’ils appellent pouvoir. Et j’y avais pas pensé mais dans cette acceptation de hiérarchie c’est effectivement accepter que une personne ait une forme de pouvoir décisionnel sur comment on va mener nos autres relations.

4:02

Sacha Pour toi, la notion de polyamour hiérarchique, c’est que tu te mets en relation avec des gens et tu leur donnes un pouvoir que ces gens vont exercer sur toi et les autres relations que tu as autour.

4:11

Alexia Ouais, un petit peu. Et c’est un pouvoir qui est mutuel, qui est vu parfois comme une forme d’engagement ou de mettre juste de l’importance. Je pense qu’on peut jouer longtemps sur les mots, mais que c’est cela qui reviendrait.

4:23

Sacha Oui, effectivement, je pense que pour pas mal de gens, effectivement, le polyamour hiérarchique, ça vient avec le fait qu’on a un certain contrôle sur les partenaires. Et leur dire « Ah bah non, tu ne peux pas faire telle autre chose avec telle autre personne. » Comme par exemple, tu ne peux pas avoir des enfants avec quelqu’un d’autre. Éventuellement, parfois, c’est avec un véto, tu ne peux pas interagir du tout avec cette personne parce que je la trouve problématique pour telle raison, ou même sans donner de raison.

4:46

Adèle Oui, et finalement, c’est un petit peu ce qui va se rapprocher de l’amatonormativité dont avait parlé Sacha. Où il y avait, en fait, le concept, c’est le fait que… Dans les relations monogames plus traditionnelles, il y a l’aspect où les relations amoureuses sont priorisées par rapport aux autres relations. Amicales, familiales, etc. Et donc, le polyamour hiérarchique, c’est un peu la même idée. Il va y avoir une relation qui va être au-dessus, finalement, presque, des autres. Et donc, qui va être, on peut l’appeler principale, primaire, effectivement, mais qui va avoir plus de droits et plus de priorités que les autres. Pour moi, c’est un peu un calque de ce modèle-là, mais où les relations amoureuses continuent d’avoir la priorité par rapport à d’autres relations, y compris une en particulier.

5:38

Alexia Et c’est marrant parce que je pense vraiment qu’au début, on a beaucoup de mal à imaginer qu’il puisse en être autrement. On reviendra un peu à ça dans les témoignages, j’aurai des choses à dire. Mais en fait, c’est possible. C’est possible d’avoir des relations autrement et d’avoir plusieurs partenaires sans qu’il y en ait un ou une qui soit le ou la « vrai·e partenaire » ou le ou la plus importante, etc.

6:00

Sacha Pour revenir sur l’amatonormativité, quand j’en ai parlé dans le dernier épisode, je n’ai pas donné exactement la bonne définition. C’est plutôt exactement l’idée que tout le monde chercherait à être dans une relation romantique exclusive long terme et que c’est ça qui serait le mieux pour tout le monde. Ça ne vient pas forcément avec l’idée finalement que cette relation-là, elle serait supérieure hiérarchiquement notamment à toutes les autres. Mais en fait, dans la pratique, ça y va quand même pas mal.

6:23

Alexia Ça en découle, ouais.

6:23

Sacha Donc je pense qu’on peut quand même utiliser ce terme pour dire que dans la société… Il y a une hiérarchie et une valeur qui est mise sur le partenaire principal.

6:31

Adèle Si c’est ce que tout le monde recherche et que quand tu ne l’as pas, les gens ne t’interrogent que sur ça… Ça montre même implicitement, même si ce n’est qu’implicitement, une priorité assez forte et clairement une hiérarchie assez forte. Parce que si tu ne l’as pas, tu ne peux pas être heureux. En gros, pour moi, c’est un aspect très social qui montre que l’amour et la romance est vraiment au-dessus du reste. Donc qui va avec la hiérarchie très fort.

6:59

Sacha Ouais, carrément. Donc du coup, le polyamour hiérarchique, c’est l’idée qu’on place plus d’importance sur certaines relations, parce qu’on peut avoir plusieurs partenaires primaires, que sur d’autres. On leur donne plus de priorité, de temps, d’engagement, on va en vacances avec eux, on va voir la famille, on va dans les événements avec. Ça veut pas dire que les relations secondaires et tertiaires ne sont pas aimées, importantes ou respectées. Ça veut dire juste qu’on va leur allouer moins de ressources. Et à l’inverse de ça, il y a le polyamour non hiérarchique, qui est aussi appelé polyamour égalitaire. Et ça, c’est quoi votre définition ?

7:31

Alexia C’est le contraire.

7:33

Adèle Pour moi, on vise à ne pas mettre une hiérarchie, voire on n’en a pas par principe. Et donc, finalement, on va plus rechercher à donner de l’importance sur certaines dimensions, mais ça ne veut pas dire qu’il y a une dimension qui est plus importante que l’autre. Et donc, une relation n’est pas plus importante qu’une autre.

7:53

Sacha Oui. Moi, les caractéristiques principales que j’ai vues dans le polyamour non hiérarchique, c’est notamment qu’aucun partenaire ne peut décider pour un autre partenaire. Et donc n’a de contrôle sur les autres partenaires. Et aussi qu’il n’y a pas de rang. Il n’y a pas une personne qui a un rang différent des autres. Et que ça, c’est indépendant de la durée de la relation. Si je suis en relation dix ans avec quelqu’un et deux ans avec une autre, ça ne veut pas dire que celle de dix ans est plus importante.

8:19

Alexia Ah ouais ? Et si t’es en relation dix ans avec une personne et deux secondes avec une autre ?

8:24

Sacha Bon, là, il y a peut-être une petite différence. L’autre point dont on a déjà parlé, c’est la différence entre ce qui est prescriptif et descriptif. Ce qui est prescriptif, c’est qu’on place d’abord le terme. On dit qu’on est en relation hiérarchique. Et de ça, on fait en sorte, à partir de ce terme, de maintenir cette hiérarchie. Ça veut dire que finalement, on a un genre de système de classe rigide. Et on va restreindre ces autres relations parce qu’une personne, on a décidé qu’elle était plus importante en amont et on va faire en sorte que ça reste en place. À contrario, le descriptif, c’est juste qu’on se rend compte que la situation actuelle… Que les engagements qui sont présents dans la situation actuelle font qu’une relation va prendre beaucoup plus d’énergie, de temps, d’importance, etc. Et donc que ce serait plus honnête de dire qu’on est dans une situation, en fait, descriptive. Mais ce n’est pas parce qu’on cherche à l’être, c’est juste qu’à l’instant donné, on est plutôt dans une forme de hiérarchie.

9:20

Alexia C’est marrant parce que je crois que j’ai du mal à voir le truc descriptif comme étant de la hiérarchie. Je crois que pour moi, la hiérarchie, c’est très lié à un truc qui est justement prescrit en amont. Et dans ce qui est descriptif, ça veut dire, si on reprend ta définition de tout à l’heure, on se rend compte qu’une personne a du contrôle sur nos autres relations.

9:42

Sacha Oui, je suis plutôt d’accord avec toi et c’est un petit peu la conclusion que j’ai eue en préparant cet épisode. Mais il y a aussi le concept de sneakiarchy et donc ça, c’est important et on en parlera tout à l’heure.

9:55

Alexia Je propose qu’on fasse un petit tour du vocabulaire avant de passer à la partie suivante. Quel genre de vocabulaire peut être utilisé dans le contexte de hiérarchie ? Est-ce que vous voulez faire un concours de vocabulaire ?

10:07

Adèle Je crois qu’on les a déjà pas mal évoquées. On a parlé d’une relation qui peut être principale. Là, ça veut dire ce que ça veut dire.

10:16

Sacha Ou primaire.

10:18

Adèle Sachant que je trouve que ce n’est pas exactement la même chose, parce que principal, ça sous-entend vraiment un seul et unique. Primaire, il peut y en avoir éventuellement plusieurs que tu mets sur un premier plan. Et du coup, après, si on parle de primaire, il peut y avoir des secondaires, des tertiaires, et on vous laisse imaginer la suite. Mais effectivement, ça décrirait un petit peu des rangs de relations ordonnées. Avec un haut rang, une haute priorité donnée à la relation, un plus petit rang, une moindre importance accordée à la relation.

10:53

Sacha Sachant que du coup, concrètement, généralement, les primaires, c’est avec qui on va faire un peu tous les trucs de couple. Les secondaires, ils auront peut-être le droit à quelques vacances, mais pas plus que ça. Et les tertiaires, ils n’ont pas le droit de vacances, c’est juste des soirées, par exemple. Exemple, c’est pas le cas pour tout le monde, mais…

11:11

Adèle Oui, ou alors plus sur l’aspect prise de décision, sur des choix de vie. Les primaires vont être plus consultés et éventuellement, on va leur demander leur avis. Les secondaires, ils vont être informés. Les tertiaires, peut-être qu’ils le sauront un jour.

11:25

Sacha Carrément, oui. Et aussi, éventuellement, selon notamment à quel point les gens sont ouverts dans leur polyamour au monde, ou est-ce qu’ils n’en parlent pas… Si on est secondaire, peut-être que personne ne va jamais entendre parler de nous.

11:37

Alexia En ce moment, on voit aussi beaucoup… Enfin, j’ai pas mal vu dernièrement le terme relation-socle. Et en plus, toi, Adèle, à un moment, tu l’utilisais. Je ne sais pas si c’est toujours le cas. Est-ce que tu veux nous en toucher deux mots ?

11:49

Adèle J’en parlerai au moment des témoignages, effectivement. Mais oui, relation socle, pour moi, c’était un peu l’équivalent du principal en essayant de gommer, justement, cet aspect de hiérarchie forte. Mais j’y reviendrai.

12:02

Alexia Après, du coup, comment on fait la différence et comment on nomme les différents amoureux et amoureuses ? Il y en a qui aiment bien dire « ça, c’est mon amoureux et ça, c’est mon amante », par exemple. Ou « ça, c’est mon petit copain, ça, c’est mon mari » ou « ça, c’est ma partenaire et lui, c’est… » Je ne sais plus, j’arrive à court de termes, mais… Il y a des gens qui s’amusent à avoir des termes qui ne sont pas classés pour parler des différentes personnes avec qui ils sont engagés. Le terme que moi, j’avais bien aimé, c’était partenaire de nid. Alors, on ne fait pas référence aux Monty Python, mais on parle du nid comme les oiseaux. En anglais, on parle de nesting partner. Et j’aimais bien parce que ça veut dire un peu la personne à qui tu partages ton lit, ce qui était mon cas à un moment. Et sinon, il y a compagnon de vie aussi, partenaire de vie. Je brainstorm sur le vocabulaire.

12:54

Sacha Et c’est bien d’avoir un petit état perçu là, après je pense qu’on utilisera d’autres mots auxquels on n’a pas pensé là-dessus, on les définira dans la volée. Donc maintenant on va passer à des témoignages. à la fois nos propres témoignages, ou ceux dont on a pu observer ou écouter par ailleurs, à propos de la hiérarchie. Alors qui veut commencer ?

13:16

Alexia Moi, je veux bien. Du coup, je vais vraiment raconter ma vie. Au début, on était avec Sacha, ici présent, et on a commencé les relations non-exclusives vraiment à tâtons. On n’avait pas beaucoup de références. Au début, on était en couple libre. On avait un peu compris que couple libre, ça voulait dire qu’on pouvait avoir d’autres personnes qu’on embrasse en soirée ou à la rigueur avec qui on peut avoir du sexe ou des choses comme ça. Mais sans qu’il y ait d’engagement, notamment émotionnel. Et le jour où j’ai commencé à ressentir un attachement émotionnel pour une seconde personne, ça a été un petit peu compliqué parce que je me suis mais… Donc le polyamour à ce stade-là, je savais que ça existait. Donc j’étais là, allons-y. Mais j’avais vraiment aucune capacité à imaginer que je puisse avoir plusieurs amoureux sur la même valeur ou que je puisse les traiter de la même façon. J’avais l’impression que c’était juste pas possible. J’avais aucun exemple ou aucun récit qui parlait de ça autour de moi. Et donc, c’est vraiment ultra naturellement, entre guillemets, que je suis allée vers ce truc de polyamour hiérarchique, quoi. Où j’étais là genre, bon, bah, Sacha, c’est mon amoureux et c’est avec lui que je fais ma vie et c’est mon amoureux principal. Et du coup, je commence à être amoureuse d’une nouvelle personne, mais… Mais je pouvais pas d’office la mettre sur le même plan et j’avais peur qu’on pense que j’aime plus Sacha. J’avais peur que Sacha puisse développer des sentiments amoureux envers quelqu’un d’autre qui me retirerait mon statut aussi. Et bon, je pense qu’il y avait plein de choses comme ça qui ont fait que oui, j’ai commencé… Enfin, on a commencé le polyamour en étant hiérarchique, quoi.

15:02

Sacha Je vois plusieurs choses là-dessus qui sont… Une première qui est qu’on a parlé tout à l’heure de l’amatonormativité et qui est que le système te dit que tu as une personne qui doit être la référence numéro un. Et que là du coup, en fait finalement, si jamais tu gardes une relation qui est très hiérarchique même si elle est polyamoureuse ou comment on veut l’appeler… On reste très très proche du système et donc on reste un peu dans le moule et on ne se remet pas trop en question. C’est une des raisons notamment. Une autre raison qui est éventuellement tout ce qui est insécurité et la peur de… Mais ça, c’est parce qu’on n’a pas assez de modèles et pas assez d’exemples. On se dit, si la personne tombe amoureuse, on n’y arrivera pas. Et donc, on essaye de garder ça pour garder le contrôle, probablement.

15:40

Alexia Et puis je me disais vraiment que si jamais mon deuxième amoureux, il avait trop de demandes, j’avais peur de ne pas être capable de lui donner. Juste parce que je pensais que ce n’était pas possible. C’est comme si on me demandait en même temps de tricoter une écharpe et éplucher une mandarine. J’avais l’impression que ce n’était pas possible de faire les deux en même temps. Et c’est un très mauvais exemple, parce que ça n’a rien à voir !

16:03

Adèle Après, cette approche, elle est assez classique. Je pense qu’il y a beaucoup de personnes qui, en fait, ne connaissent au début que la relation de couple classique et qui se disent, bon, en fait, pourquoi pas fonctionner différemment ? De fait, même dans nos autres relations, il y a souvent de la hiérarchie. Et en fait, effectivement, on voit autour de nous des exemples de personnes qui vont prioriser même leur meilleur ami par rapport à d’autres de leurs amis. Les exemples ne manquent pas pour montrer que dans les relations, d’une manière générale, il y a de la hiérarchie. Et je pense que du coup, un peu inconsciemment, on a tendance à aller privilégier ce modèle hiérarchique, surtout dans les débuts. Moi, je me souviens qu’effectivement, quand j’ai débuté le polyamour, en fait, effectivement, ça me rassurait beaucoup d’avoir une relation principale. Et de me dire, c’est cette personne dont je vais vraiment m’assurer de remplir les besoins. Parce que ne serait-ce qu’en termes d’énergie, je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à d’autres besoins. Et puis, c’est vers cette personne que moi, je vais me tourner si jamais j’ai des besoins. Et puis, les autres personnes, ça ne veut pas dire que je les aime moins ou quoi. C’est juste, je vais leur demander moins d’engagement parce que je ne me rendais pas compte que c’était possible de faire différemment également.

17:22

Sacha Un témoignage que j’ai sur un peu les notions de hiérarchie et du fait qu’on valorise vraiment tout le temps le couple un petit peu de base… C’est qu’au début de ma relation avec Alexia, où on était du coup un peu ouverts, mais on était quand même très proches d’un couple mono sur pas mal de points… J’avais une difficulté notamment, par exemple, sur les vacances. Et c’était pas avec d’autres partenaires romantiques, etc., mais c’était qu’elle pouvait partir assez facilement avec des ami·e·s à elle ou des membres de sa famille. Et c’est quelque chose auquel on n’est pas forcément habitué. Et où on se dit, en fait, bah non, maintenant qu’on est en couple, il y a cette hiérarchie qui est censée être un petit peu en place. Et où du coup, bah en fait, les vacances, c’est pour nous, quoi, c’est pas pour les autres. Et on est censés passer nos vacances ensemble. Et voilà, et là, il n’y avait même pas du tout d’idée de relation romantique où ça sortait même pas trop forcément du modèle, etc. Mais il y a vraiment cette idée de, avec la relation romantique, vient le couple et vient tous les trucs de dire, bah non, c’est nous maintenant les plus importants et les autres, ils auront les miettes, quoi.

18:19

Alexia Et si tu pars en voyage avec ta famille je viens aussi !

18:23

Adèle Un autre cas hors début de relation où j’ai vécu de la hiérarchie, voire je l’ai mis en place, c’était sur ma demande… C’était à une période où finalement j’avais effectivement relationné avec d’autres personnes. Et je pense que c’était un petit peu plus égalitaire en termes de temps que j’accordais ou d’énergie que j’accordais, de disponibilité que j’accordais aux différentes personnes. Et il se trouve qu’à un moment donné, je me suis mise à aller un petit peu plus mal. Et en fait, je voulais la disponibilité du coup de mes partenaires, voire même de mes amis. Et en fait, c’est mal tombé. C’était à des moments où justement, les gens étaient en vacances et n’avaient pas forcément la disponibilité pour me répondre. Et suite à ça, je pense que ça m’a très fort inquiétée de me dire, mais en fait, moi, je suis peut-être prioritaire pour personne. Peut-être que je suis secondaire, voire tertiaire dans tous mes liens et que je passe après. Et du coup, si jamais j’ai un souci, je ne suis pas sûre qu’il y aura quelqu’un, justement, qui sera là pour m’épauler. Du coup, dans ces périodes de forte insécurité ou peur, c’était plus confortable pour moi de savoir que quelqu’un m’accorderait forcément de l’espace et donc de rétablir une forme de hiérarchie. Et c’est là où la notion de relation socle intervient. Puisqu’en fait, pour moi, il s’agissait finalement de la personne ressource, le socle émotionnel vers lequel, par défaut, je pouvais me tourner. Et qui, à priori, ferait en sorte d’être le plus disponible, puisqu’il acceptait de me mettre en priorité sur ses autres dimensions de vie. Et comme pour moi, c’était très compliqué de me tourner potentiellement vers différentes personnes. Voire j’ai une tendance à oublier que les gens m’aiment quand ça ne va pas. Aller solliciter les uns et les autres, c’était difficile, alors que me dire c’est cette personne, je l’appelle, c’était beaucoup plus simple. Et donc, effectivement, il y avait un aspect dans ma tête… Du coup, c’était très prescriptif. C’était cette personne, vraiment, tu peux compter sur elle. Ce qui est, avec le recul, un petit peu absurde parce que je suis sûre que j’aurais appelé plein d’autres personnes… Elles m’auraient répondu et elles m’auraient soutenu avec grand, grand plaisir. Mais vraiment, dans ma tête, c’était beaucoup plus simple de me dire il y a une personne et c’est vers elle que je me tourne.

20:51

Alexia C’est un peu comme si t’avais un « en cas d’urgence briser la glace » et en fait t’as la place que d’un numéro de téléphone dedans. Parce que si t’en mets douze genre ça va être trop compliqué. Et voilà quoi c’est un truc de simplicité de si jamais t’as besoin d’un coup quoi

21:03

Adèle Exactement, et du coup, période de crise, j’ai une ressource. Et en fait, ensuite, avec le temps, je me suis aperçue qu’il y avait différents types de situations et différentes personnes ressources en fonction des différentes situations. Et du coup, ce n’était pas forcément une relation socle. Et finalement, moi, maintenant, je dis que j’ai plusieurs relations qui sont mes piliers de vie. Dans le sens où je sais que j’ai des appuis solides sur ces relations, qu’elles m’ont soutenue à travers mes crises et que je peux les solliciter. Donc, il n’y a pas de hiérarchie parmi ces piliers.

21:35

Alexia Mais ça a demandé un temps de construction, du coup, pour te rendre compte qu’effectivement, tu pouvais avoir plusieurs personnes sur qui compter. Et que c’était pas parce qu’il y avait pas une personne en particulier que… Enfin, que t’avais pas forcément besoin impérativement d’une personne en particulier, quoi.

21:48

Adèle Oui, et puis même, c’est des sujets que je ne vais pas forcément aborder spontanément avec certaines personnes et je ne sais pas forcément pourquoi. Récemment, dans mon groupe d’escalade, il y a quelqu’un qui s’est un petit peu ouvert sur le fait que quand ça ne va pas, lui, il met en place un mécanisme avec une amie. Où il peut l’appeler n’importe quand. Parce qu’elle lui a promis, en gros, de se rendre disponible pour sept minutes d’appel. C’est vraiment un temps court, mais elle est là. Ça, à priori, je peux le garantir, même si je suis en réunion, même si je suis en déplacement. Sept minutes, ce n’est pas beaucoup. Je peux demander aux gens avec qui je suis de m’éclipser pour prendre un coup de fil pendant sept minutes.

22:28

Alexia C’est trop chou comme truc !

22:30

Adèle Ouais, j’ai trouvé ça adorable. Et en fait, c’est un engagement qu’ils ont pris à deux, donc il est assez réciproque. Et quand il en avait parlé, moi, j’ai considéré que c’était aussi une invitation pour moi. À me dire si un jour j’ai besoin de cette personne, en fait, probablement qu’elle est prête à accorder sept minutes de son temps. En pratique, souvent, moi, je suis plus bavarde, donc tu as intérêt à minuter ! Mais je trouve ça chouette parce qu’effectivement, parfois… Finalement, moi, ce qui m’a manqué dans certains moments et ce qui me nécessitait d’avoir une priorité, c’était cet aspect de est-ce que je suis toute seule ? Est-ce que vraiment je suis abandonnée ? Et si du coup, on sait qu’il y a des gens qui sont prêts à te répondre et à te dire non, en fait, t’inquiète pas, je suis là, tu es aimée et tout va bien, peut-être que c’est suffisant.

23:18

Alexia Je te le redirai, Adèle.

23:21

Adèle Et maintenant moi je l’ai mis en place plus récemment avec quelques unes de mes relations qu’elles soient amicales ou amoureuses. Où quand ça ne va pas et que je sens que je suis en crise, comme je peux avoir tendance à écrire des pavés et qu’en fait, il n’y a rien qui puisse me rassurer. Ça ne sert à rien nécessairement que je développe. Et du coup, à la place, j’envoie un émoji convenu à l’avance pour dire, OK, c’est la crise. Il y a une gradation dans la crise : soit vraiment c’est le drame et je suis en train de m’effondrer. J’ai vraiment besoin de rassurance. Soit c’est plus, bon, c’est encore sous contrôle, mais ça aiderait quand même que tu me rassures sur le fait que le lien existe. Et en fait, la personne, pareil, elle n’est pas obligée de répondre avec un pavé, elle répond juste avec une petite émoji. Convenue aussi à l’avance, où je sais que ça veut dire « je ne t’abandonne pas et on trouvera moyen de te le montrer potentiellement plus fort plus tard ». Et c’est des petites techniques qui m’ont aidée, je pense, aussi à sortir de certains aspects de hiérarchie. Parce que ça m’a rassurée par rapport au fait que je suis secondaire, que je n’ai pas du tout d’importance ou de place dans la vie des gens. Ce qui me faisait peur en abandonnant la hiérarchie au début.

24:35

Sacha C’est marrant parce que là, du coup, dans ton histoire, j’ai l’impression que tu as, en quelque sorte, escaladé une relation qui, à côté, était une relation, genre, romantique. Et tu t’es dit, ah oui, tiens, j’ai besoin de la hiérarchie pour une composante, une petite composante, si j’ai envie de dire, même si c’est une composante importante. Et tu t’es dit, ah, on va mettre le truc hiérarchique parce que j’ai besoin de ça, alors qu’en fait, il y a plein d’autres solutions que tu te rends compte après coup. Mais qu’on est tellement formaté par le côté de… Ah, si j’ai besoin d’aide à tout moment, il faut que ça soit la personne avec qui j’ai des relations romantiques qui puissent répondre à ce besoin. Et donc tout se mélange un petit peu.

25:10

Adèle Oui, bien sûr, mais c’est aussi beaucoup parce qu’il y a cette hiérarchie sociétale qui est mise. Qui fait que moi, j’ai vu beaucoup dans mon entourage, tu vois, des amis qui me disaient… « Ah ben non, finalement, ce soir, on ne peut pas aller boire un verre parce que je dois m’occuper de ma femme ou j’ai un autre truc de prévu. » Et en fait qui était systématisé. Ou des amis qui devenaient un peu indisponibles quand ils étaient en couple. Qui faisait que même s’ils ne me disaient pas « tu n’es pas prioritaire et ma relation avec mon conjoint ou ma conjointe est hiérarchique, prioritaire », je le sentais. Et je pense que du coup tu vois c’est plein d’accumulations de vécu. Qui m’ont fait me sentir rejetée par moments. Et qui m’ont fait me dire ok moi aussi il faut que je me sécurise. Et que j’ai une place garantie dans la vie d’au moins une personne parce que sinon je vais finir toute seule. Et c’est une crainte qui me rattrape encore par moments. Parce que même dans nos modes de vie tu vis souvent avec ton partenaire de couple ou en coloc. Et si tu ne choisis ni l’un ni l’autre, ça peut être difficile de passer toutes tes soirées toute seule à la maison.

26:22

Sacha Moi, sur le côté de priorité complète envers le couple, j’étais rentré pas mal dedans au début de ma relation avec Alexia. Où quand on a commencé à ouvrir un petit peu et à voir… Où moi j’ai vu une personne régulièrement. Mais à ce moment-là, on n’utilisait pas le terme polyamour. Et avec le recul, je trouve que j’ai fait beaucoup d’erreurs à ce niveau-là. Dans le sens où je souhaitais absolument, et en plus sans en avoir vraiment parlé, ni avec aucune partenaire en fait… Je souhaitais avoir une hiérarchie extrêmement forte, dans le sens où… Bon, il y avait cette idée d’on n’était pas censé tomber amoureux. Mais en voulant faire ça, je me suis dit finalement, je vais mettre une distance énorme avec cette autre personne que je vois de temps en temps. Et d’ailleurs j’ai jamais pensé à appeler la relation qu’on avait comme étant une « relation » ou un truc comme ça. En fait, finalement, je ne le conceptualisais même pas tellement je mettais de distance. Et où je faisais en sorte que si je voyais cette autre personne, eh bien, c’était forcément un moment où, de toute façon, je ne pouvais pas voir Alexia. C’est-à-dire que je n’allais pas me dire « Ah, tiens, on se voit tel jour » et ça pouvait avoir un conflit d’agenda avec Alexia. C’est forcément parce qu’Alexia avait déjà autre chose de prévu que je pouvais faire autre chose. Et ça, en fait, je l’avais demandé à personne. Je n’avais jamais dit à quelqu’un, est-ce que c’est important, intéressant ou quoi ? C’est juste que j’ai décidé de me mettre à fond dans cet état d’esprit-là en disant, ah oui, il faut absolument limiter au maximum. Et je ne suis pas très content de moi derrière parce que, bon, déjà, c’est bête d’en avoir parlé avec personne. Et ensuite, je trouve que c’est un genre de relation un petit peu bizarre, une relation où tu es vraiment… Ouais, ça fait un peu bouche-trou, ça fait un petit peu aucune considération prise pour cette personne, ce qui n’était pas complètement le cas, mais d’une certaine manière, ça l’était.

28:02

Adèle C’est clair que si on se met à la place de cette personne, elle peut se sentir pas méga valorisée. Dans nos relations, d’une manière générale, on aime bien sentir qu’on nous accorde du respect et de l’importance aussi.

28:17

Alexia On a vraiment été les mauvaises personnes avec Sacha. Pareil, dans la relation, dans mon premier deuxième amoureux, je me revois lui dire que… « Non, mais tu sais, je t’adore, mais je suis avec Sacha. Et c’est Sacha mon partenaire principal. » Et insister parce qu’en fait, j’avais peur qu’il se fasse, encore une fois, comme j’ai dit tout à l’heure, qu’il se fasse des espoirs que je ne pourrais pas remplir. Et ça a duré un mois. Et il a dit « Oh là, non, mais ces histoires de polyamour, tchao bye bye, les gars, c’est pas pour moi. » Et en fait, là, je vais reprendre encore la référence de More Than Two. Dedans ils parlent du fait que beaucoup d’amoureux sont en relation primaire et ils disent c’est comme si t’avais un jardin. Et ta relation primaire c’est un arbre dedans. Et tu veux bien planter d’autres plantes mais c’est pas censé prendre autant de place de l’arbre parce que t’as de la place que pour un arbre. Et tu mets les plantes et elles ont pas l’intérêt à sortir de leur pot en fait. Et en commençant à développer d’autres relations dans un truc de vraiment hiérarchie, il y a un énorme aspect de tu ne te projettes pas dans ce que peut devenir la relation. Soit tu la mets dans un petit parc et tu l’empêches de grandir comme a fait Sacha. Soit tu n’as aucun contrôle comme je l’ai fait moi. Et soit ça met vraiment le bordel dans ton couple, soit la personne est en train de ne pas grandir et elle dit « Non, ça ne me convient pas, je vais dans un autre jardin. »

29:46

Adèle Après, petite nuance, parce que c’est vrai que si le cadre est posé dès le début et que la personne cherche justement une relation moins engageante, ça peut aussi tout à fait convenir. L’important, encore une fois, là-dessus, c’est que s’il y a une hiérarchie, qu’elle soit dite ouvertement et que la personne ait le choix. Et que ce ne soit pas une fois qu’elle soit super attachée à toi, qu’elle doive prendre les miettes de ce que tu lui proposes. Puisque finalement, sinon, c’est pas de relation du tout et ça, elle ne le souhaiterait pas. Et c’est un peu le piège qu’il peut y avoir, je trouve, dans l’exploration initiale du polyamour. C’est que, du coup, comme on se cherche aussi un petit peu, on fait ce genre d’erreur où on n’est pas assez clair sur ce qu’on veut et sur ce qu’on propose aux autres. Et les relations en face se sentent potentiellement lésées. Moi, c’est pas mal l’expérience qui m’a été rapportée par des tiers qui ont essayé le polyamour et qui en sont revenus en disant, en fait… « Moi, j’étais avec quelqu’un qui était polyamoureux, mais en gros, je sentais bien que j’avais zéro place pour moi. Et du coup, en fait, si c’est ça le polyamour, non merci. »

30:58

Sacha Effectivement, il y a un danger qui est assez présent sur le fait d’une hiérarchie non réfléchie, non annoncée. C’est-à-dire que des gens, en fait, sont dans une situation hiérarchique, mais en fait, ils n’ont pas très envie d’être dans une situation hiérarchique. Parce qu’ils n’aiment pas trop le mot ou un peu le concept. Mais donc, ils vont dire aux gens autour d’eux… « On n’est pas hiérarchique, et du coup, tu peux être ma nouvelle relation, et je ne suis pas dans des relations hiérarchiques. » Mais où, dans la réalité, un observateur externe verrait très bien que toute la priorité, le temps, etc., va vers la relation précédente. Et donc, il y a une forme de hiérarchie qui est descriptive. Mais qui est quand même bien présente. Et c’est ce qu’on appelle la sneakiarchy, qui est un mot valise entre sneaky et hiérarchie. J’ai essayé de trouver une traduction assez cool, mais je n’ai pas trouvé, donc c’est juste la hiérarchie sournoise ou furtive. Mais voilà, c’est l’idée de, en fait, on dit qu’il n’y a pas de hiérarchie, mais en fait, on ne peut pas partir en vacances ensemble. Et puis, à chaque fois qu’il y a une soirée, ce n’est pas toi que je vais inviter. Et en fait, tout ça, c’est effectivement très gênant et ça peut vraiment blesser les gens. Donc, c’est mieux dans ce cas-là de dire, en fait, on est dans une hiérarchie descriptive aujourd’hui. Je suis complètement ouvert à ce que ça change, mais dans la pratique, aujourd’hui, j’ai tellement d’engagement avec cette personne qu’en fait, on est dans une certaine forme de hiérarchie.

32:15

Adèle Et je réinsiste, c’est totalement OK aussi d’être dans des situations hiérarchiques. Moi, j’ai eu une relation à un moment donné où la personne en face de moi m’avait dit, en fait, voilà, un tel ou une telle, c’est mon partenaire principal. Que ce soit clair… S’il m’appelle alors qu’on est au milieu d’un date parce que ça ne va pas du tout de son côté, c’est possible que je te laisse et qu’on reconvienne d’un autre moment. À côté de ça, cette personne me proposait quand même des vrais moments de partage, d’intimité qui étaient chouettes. Je l’ai très bien vécu parce que dans la pratique, c’était clair pour moi qu’effectivement, il avait une relation qui était importante. Qu’il ne voulait pas abandonner. Et je trouvais ça mignon, d’une certaine manière. Et comme c’était annoncé, j’étais là genre, oui, OK, ça ne me choque pas.

33:10

Sacha Un dernier témoignage que je peux donner sur les questions de hiérarchie, c’est que même en étant en polyamour non hiérarchique, j’ai eu parfois des questions du genre… C’est le regard extérieur… Des questions du genre « Ah mais ok, d’accord, tu as plusieurs amoureuses, mais c’est qui ta préférée ? C’est pour qui que ton cœur bat plus fort ? »

33:29

Alexia Laissez-moi tranquille en fait avec votre amatonormativité. Moi, j’ai un moment où j’ai mal vécu la hiérarchie de mon ex, celui qui ne voulait plus être avec moi parce que j’étais en polyamour. Et du coup, lui, il met sa compagne en priorité. Et à un moment, il m’a dit, non, mais je ne peux pas trop te parler. Alors, je grossis le trait, mais il m’a dit, je ne peux pas te parler, ma copine est jalouse. Et donc, non, on ne pourra plus prendre de verre à deux, par exemple. On ne pourra plus avoir de discussion en tête à tête. Et je l’ai trop mal vécu. Alors que je n’étais plus en relation avec lui.

34:03

Adèle T’étais plus en relation romantique avec lui, mais…

34:06

Alexia Oui, c’est ça. Mais du coup, il y a une sorte de hiérarchie entre les nouvelles copines et les ex. Ce qui semble normal alors que je suis là, je sais pas, les ex c’est important aussi, c’est les gens que t’as aimés. Enfin bref.

34:23

Sacha Alors on passe maintenant à la partie suivante qui est : est-ce qu’on a réellement besoin de hiérarchie dans ses relations ? Est-ce qu’il y a des cas vraiment où en fait finalement on a besoin de hiérarchie ? Ou est-ce que ça pourrait, comme dans l’exemple que donnait Adèle tout à l’heure, complètement être résolu par une autre manière qui pourrait d’ailleurs être plus satisfaisante ?

34:42

Alexia On dirait une question piège, Sacha. Ou une question rhétorique. Et puis c’est un peu piégeux en réalité, parce que hiérarchie, en fonction de comment on le définit exactement… On peut dire soit non, on n’en a pas besoin du tout. Ou si on les définit comme un engagement un peu plus important envers une personne, oui, j’imagine qu’il y a des moments où on en a besoin.

34:59

Adèle Oui, j’allais dire qu’en fait, de fait, on a un temps limité et en fonction aussi de l’énergie et du temps qu’on passe, on va prioriser des personnes. Mais priorité ne veut pas dire nécessairement hiérarchie. Et je pense que c’est une confusion qui est faite souvent, qui conduit les gens à se dire, comme tu es obligé de prioriser, tu es obligé de hiérarchiser. Et du coup, ça devient nécessaire parce que finalement, à un moment donné, tu dois choisir. Et avec le temps, je me rends compte que finalement, ce n’est pas exact. Puisqu’il y a différentes dimensions sur lesquelles tu peux mettre des priorités différentes, mais qui peuvent être importantes quand même. Par ailleurs, quand tu parles à des parents, au début, ils avaient un enfant qui leur prenait beaucoup d’énergie, beaucoup de temps. Le jour où le second enfant débarque, ils ne vont pas te dire, oula, alors il va falloir mettre en place une priorité entre mon enfant, mon ainé et mon second. Il n’y a plus cette notion-là. Et du coup, je pense que la hiérarchie, elle est très sociétale, encore une fois. On l’a beaucoup en tête dans les relations. Dans certains types de relations en particulier, donc dans les relations amoureuses. Mais que c’est pas une nécessité qu’il y a d’autres modèles qui pourraient exister. C’est juste qu’on les a tellement peu sous les yeux qu’ils sont difficilement accessibles ou imaginables. Et que même en termes d’organisation, je pense que c’est difficile à concevoir. Surtout sans l’avoir vécu ou vu autour de nous. Donc moi, j’aime bien vraiment cette idée de dire que finalement, tu aies un enfant ou plusieurs enfants, tu ne mets pas de hiérarchie entre. Ça reste tous les trois des enfants importants. Et tu ne vas pas nécessairement organiser ton temps de la même manière parce qu’ils auront des besoins différents. Faire pareil avec ses amis et ses relations amoureuses et les différentes personnes importantes de votre vie.

36:42

Alexia Mais imagine, Adèle, si les deux sont malades en même temps ou ils ont un problème en même temps. Comment tu fais ?

36:48

Adèle Eh bien, tu t’occupes des deux, voilà. Et si tu n’y arrives pas, tu demandes de l’aide pour que finalement tes enfants se sentent bien et tu fais exactement la même chose avec tes relations.

36:59

Alexia Je dis ça parce que c’est vraiment un argument qu’on entend souvent quand on dit qu’on n’est pas forcément en hiérarchie. On dit oui, mais s’il y en a un en même temps qui se fait courser par les loups et un autre qui est en train de tomber dans un volcan, tu fais quoi ? Il y a quand même peu de probabilités pour que ça arrive.

37:16

Sacha Moi, je pense qu’effectivement, la question vraiment à se poser, si on veut avoir un partenaire principal, c’est qu’est-ce qu’on cherche derrière ça ? Pourquoi est-ce qu’on veut que cette personne soit notre partenaire principal ? Il peut y avoir de très bonnes raisons éventuellement. Mais parfois, c’est comme dans l’exemple d’Adèle tout à l’heure, qu’il y avait un besoin d’avoir quelqu’un qui soit disponible pour nous tout le temps. Et en fait, peut-être qu’il y a d’autres manières que d’être partenaire principal avec quelqu’un, de répondre à ce besoin. Il y a d’autres gens qui vont dire, par exemple, « Moi, je vis avec ce partenaire, donc c’est forcément mon partenaire principal. » Mais pourtant, tu peux vivre avec plusieurs personnes en même temps. Moi, j’ai des colocs. Mes colocs, ils ont une certaine importance, mais ils ne sont pas hiérarchiquement supérieurs à mes autres amis sous prétexte qu’on vit ensemble. Alors, il va y avoir une importance particulière dans notre lien, il va y avoir des priorités sur un certain nombre de choses. Mais ça ne veut pas dire que mes colocs sont mes partenaires principaux. De la même manière, il y a des gens qui vont dire « moi j’ai des enfants, donc forcément le père de mes enfants, la mère de mes enfants, ça doit être mon partenaire principal. Puisqu’on a tous ces enfants dont on doit s’occuper ».

38:16

Alexia C’est un engagement, en fait. C’est une forme d’engagement qui va faire que ta relation avec cette personne a cette particularité. Ça ne veut pas forcément dire que les autres n’ont pas d’intérêt non plus ou pas d’autre forme d’engagement.

38:28

Sacha Oui, c’est ça. Et puis si on réfléchit un peu plus en dehors des conceptions standards, il y a plein de gens… Enfin il y a plein de gens… Il y a de plus en plus de gens aujourd’hui qui cherchent juste à avoir des relations de coparentalité avec d’autres personnes. C’est-à-dire, moi je veux un enfant, je veux décorréler ça éventuellement d’une relation romantique et je vais chercher une personne qui est coparente. Et cette personne du coup va être très importante dans ma vie puisqu’elle va gérer les enfants avec moi. Mais c’est certainement pas du coup un partenaire romantique principal parce que ce n’est même pas un partenaire romantique.

38:55

Alexia Et puis il y a plein de gens qui sont divorcés aussi, qui ont toujours leurs enfants et qui ont leurs partenaires, chacun de leur côté.

39:01

Sacha Et on peut être en relation polyamoureuse et avoir des enfants avec une partenaire, des enfants avec une autre partenaire, il y a plein de choses qui sont possibles. Donc avoir des enfants n’est pas une condition qui fait qu’on est obligé d’être en relation hiérarchique.

39:13

Adèle Oui, à côté de ça, en fait, la hiérarchie, elle est à plein d’endroits de notre vie. Elle est aussi par certaines fêtes qui vont être là, avec Noël qui approche. Par exemple, Noël, c’est la fête de la famille. En fait, normalement, ton 24 et 25 décembre, tu le passes en famille. Le 14 février, tu le passes avec ton amoureux ou ton amoureuse parce que c’est la Saint-Valentin. Il y a plein d’événements qui, je trouve aussi, poussent à prioriser certains liens et à donner l’importance à certains liens. Et quand, du coup, tu n’as pas ce cadre-là, tu te sens secondaire, je trouve.

39:49

Alexia Ouais t’arrives à un mariage et en fait tout le monde est venu avec son ou sa partenaire et toi t’es venu avec aucun de tes trois partenaires. Et t’es là genre c’est un peu bizarre cette ambiance où chacun est deux par deux.

39:59

Adèle Ouais, c’est ça. Il y a plein de contextes sociaux, je trouve, ou de fêtes ou d’événements qui te rappellent en fait que théoriquement, tu es censé avoir une hiérarchie ou à un moment donné, une priorité donnée à certaines personnes. Et c’est vrai que les gens, ils sont plus ou moins sensibles et peuvent plus ou moins déroger à ça. Et je trouve ça, moi, à titre personnel, assez préoccupant. Parce que du coup, il y a des fois où finalement, vivre les relations telles que je l’entends… Potentiellement avec un peu moins de hiérarchie, avec plus ou moins de possibilités finalement de relationner… Ce n’est pas toujours possible. Puisque dans la tête des gens, en face de moi, il faudra une hiérarchie et il faudra un ordonnancement qui n’est plus forcément nécessaire pour moi. Et du coup, finalement, mes comportements, ils semblent bizarres ou inappropriés même aux gens. Un des exemples que je peux donner, c’est… Au mariage de mon petit frère, j’avais invité deux de mes partenaires. Mais finalement, il n’y a qu’Alexia qui est venue. Et en fait, j’avais présenté déjà un de mes autres partenaires lors d’un autre repas de famille. Et du coup, ma famille, ils étaient perdus. Parce que pour eux, il ne pouvait y avoir qu’une personne. Et même si je leur avais parlé de polyamour, pour eux, il y avait une relation qui était vraiment importante. Et après, il y avait éventuellement des coups d’un soir que j’avais à côté, quoi. Et du coup… Alors je ne parle pas de toute ma famille, évidemment. Mais il y a certaines personnes qui, du coup, en ont tout de suite conclu genre… « Ah, mais en fait, maintenant, Adèle est lesbienne. »

41:32

Alexia « C’est ta nouvelle copine ! »

41:33

Adèle « Et en fait, on est hyper contentes que tu fasses ton coming out et bravo ! » Et c’était hyper drôle. Mais c’était parce que les gens partaient du principe qu’il y avait forcément une hiérarchie. Et je trouve que du coup, ça reflète qu’on a tendance à croire que la hiérarchie est nécessaire et qu’on a vraiment besoin.

41:54

Alexia Et puis nous, on est privilégiés sur cet aspect-là parce qu’on a des familles qui sont relativement acceptantes. Bon, il y a d’autres contextes où j’imagine facilement des gens qui sont en polyamour, mais face à leur famille, s’ils ne veulent pas rompre les liens ou quoi, ils doivent peut-être prétendre qu’ils ont un partenaire. Et du coup, tu as une forme de hiérarchie de performance en face de la famille.

42:12

Adèle C’est ça, c’est le partenaire officiel, c’est le partenaire hiérarchiquement au-dessus.

42:18

Sacha Après ça on pourrait dire que c’est un petit peu du faux, puisque c’est que de la façade, même si ça a un impact réel. Mais on pourrait dire que derrière les gens qui font ça ils pourraient essayer d’être le plus égalitaire possible.

42:29

Alexia Oui, ça ne veut pas dire qu’il y a une vraie hiérarchie, mais en fait, en fonction de ta situation, pour plein de trucs… Encore une fois, on est privilégié, je pense qu’on passe à côté de plein de situations moins sympas. Où j’imagine qu’avoir la hiérarchie, ça aide d’une façon ou d’une autre.

42:44

Sacha Après, je sais aussi qu’il y a des gens qui préfèrent la hiérarchie parce que c’est des gens qui n’ont pas envie de se poser tout le temps des questions. Sur « Ah bah j’ai deux places de concert, qui est-ce que j’invite ? J’ai un mariage, qui est-ce qui vient avec moi ? Je passe Noël dans la famille de qui ? » Toutes ces questions-là, il y a des gens, en fait, c’est plus simple d’avoir une personne de référence plutôt que de se poser des questions.

43:03

Alexia Du coup, c’est pas forcément de la hiérarchie, c’est du par défaut, tu vois.

43:05

Sacha Oui, et après, ça dépend de à quel point, peut-être, j’imagine… Si c’est des personnes qui veulent avoir d’autres relations, disons romantiques par exemple, à quel point elles sont ouvertes à ce qu’un jour ça change. Ou est-ce que c’est un avis qui est complètement fermé.

43:18

Adèle Oui, parce qu’effectivement, encore une fois, des choix, on est obligé d’en faire beaucoup. Je suis d’accord avec Sacha que parfois, ça peut être fatigant de se poser la question de qui j’invite, avec qui je fais les choses.

43:28

Alexia Tu lances un dé. Bim !

43:30

Adèle Oui, alors déjà, il y a d’autres solutions pour décider éventuellement. Puis parfois, il y a la question de la disponibilité, tout simplement, qui va faire que les personnes ne seront pas toutes disponibles. Et du coup, les agendas tombent d’une manière à ce que tu proposes plutôt à une personne qu’à une autre. Et puis, je me raccroche vraiment à cette histoire de dimension. Mais je trouve qu’une manière de valoriser les différents liens que j’ai… C’est d’éventuellement être consciente sur le fait que oui, il va y avoir des choix à faire et des priorités à donner. Mais que finalement, je peux les répartir pour donner de l’importance un peu à tout le monde. Pas sur les mêmes plans, mais ça permet de valoriser les différentes personnes. Voire même, si je le rapproche de ce dont on parlait en termes d’exclusivité, il y a certaines exclusivités que je vais donner à une personne, à un partenaire, d’autres exclusivités que je vais donner à un autre partenaire. Mais du coup, tout le monde se sentira respecté et priorisé sans qu’il y ait de hiérarchie, finalement.

44:31

Sacha Oui, il n’y a pas besoin, même si on a un peu l’amour égalitaire, que toutes les relations soient une égalité, dans le sens égalité de traitement. C’est-à-dire que si j’offre un cadeau à quelqu’un, il faut que j’offre un cadeau de la même valeur à quelqu’un d’autre.

44:41

Alexia Ah si ça par contre, si tu offres un cadeau à quelqu’un, tu dois m’offrir un cadeau.

44:45

Sacha Si je pars une semaine en vacances avec quelqu’un, il faut que je parte aussi une semaine avec quelqu’un d’autre. Si je monte un projet, une entreprise avec quelqu’un, il faut aussi que je monte une entreprise avec quelqu’un. Si j’ai un enfant avec un, il faut que j’ai un enfant avec l’autre. Non, chacun a ce qu’il veut. C’est plutôt de l’équité qu’on va chercher, plus que de l’égalité. Chacun a juste ce qui lui est juste et ce qu’il a envie. Donc voilà, sur cette question de « est-ce qu’on a besoin de la hiérarchie ? », bon, je ne pense pas qu’on puisse vraiment répondre oui ou non à cette question. Toujours est-il que je pense que sur un certain nombre de points, bien communiquer peut remplacer de la hiérarchie. Parfois, plutôt que mettre des règles qui vont dire « tu n’as pas le droit de faire ça », etc., on peut éventuellement juste communiquer et dire… « Je trouve que tu ne passes pas assez de temps avec moi, est-ce qu’on peut changer ça ? » Plutôt que dire « eh bien, il faut que tu passes plus de temps avec moi qu’avec les autres ». Et un dernier point, c’est qu’avant de se dire qu’on a besoin de la hiérarchie, il faut voir aussi qu’est-ce qui est de la hiérarchie et qu’est-ce qui n’en est pas. Par exemple, si on partage une maison avec un ou une partenaire, ce partenaire va pouvoir interdire à d’autres personnes éventuellement de venir. En disant « Bon, là, si tu fais venir telle personne dans mon lit, notamment, par exemple, je ne serai pas à l’aise. » Ça peut être des questions d’hygiène éventuellement. Et donc ça, on n’est pas sur de la hiérarchie à ce niveau-là. On est juste à un niveau de : cette personne c’est, OK, une partenaire, mais c’est aussi un colloc. Et donc du coup, c’est de la même manière que, je n’invite pas forcément n’importe qui chez moi. Si j’ai un colloc qui dit « je déteste cette personne », et bien cette personne, elle ne viendra pas chez moi parce que c’est aussi la maison de mon colloc. Et un petit point sur les priorités éventuellement… C’est-à-dire que même dans une situation hiérarchique, il y a cette notion de priorité qui peut être temporaire éventuellement. C’est-à-dire que même dans une situation hiérarchique, une personne qui est malade peut-être ou qui a besoin de soutien, eh bien on va aller s’en occuper. Et du coup, les priorités, ça change tout du long. Pour cette dernière question, on se pose la question épineuse. Est-ce que hiérarchiser ses relations, c’est éthique ?

46:37

Alexia Ça peut ! Fin de l’épisode.

46:41

Sacha C’est bien parce qu’il ne reste pas beaucoup de temps.

46:43

Alexia Voilà.

46:44

Adèle Ça peut, comme je l’ai dit tout à l’heure, par exemple, avec la personne qui, en fait, était très au clair sur ses hiérarchies, l’a présenté. Et après, ça ne voulait pas dire qu’elle ne respectait pas ses autres relations. Elle accordait de l’importance à toutes ses relations. C’est juste que, par choix, elle voulait mettre beaucoup de son temps et de son énergie et de ses priorités vers une personne dont elle estimait qu’elle était plus importante que les autres. Et je sais qu’il y a une part de moi qui aurait pu être un peu jalouse de cette personne en disant « Mais waouh, c’est incroyable ! » Et d’un autre côté, chouette si ces deux personnes veulent la même chose, se retrouvent avec et trouvent un équilibre là-dedans et se permettent quand même de vivre d’autres liens.

47:28

Alexia L’exemple du véto est intéressant. Si dans ce cas-là, Adèle, la partenaire de la personne dont tu parles, disait « Ah non, mais en fait, Adèle, je ne veux pas que tu passes du temps avec elle, finalement. » Et donc, tu arrêtes de la. voir. C’est plus difficile, quoi.

47:42

Adèle Ouais, pour moi, là, ça devient plus difficile. Parce qu’effectivement, la question du véto et en particulier si c’est total et dirigé vers une personne en mode « cette personne, tu n’as plus le droit de la voir »… Je trouve ça, pour le coup, plus respectueux de la personne qui se fait exclure comme ça sans avoir son mot à dire du tout. Donc la question du véto, elle est assez épineuse en réalité. Après, si ça concerne une activité où c’est cette personne, je ne veux pas que tu fasses telle activité avec elle… C’est pas pareil déjà que cette personne doit sortir de ta vie.

48:17

Sacha C’est rarement ça, pour moi le véto c’est plutôt… En fait t’es en train de nouer une relation avec une nouvelle personne, ou tu te projettes pour nouer une relation avec une nouvelle personne, et là la relation primaire dit non.

48:28

Adèle Pour moi, si effectivement c’est de ça dont il s’agit et un véto qui vise à exclure une personne et avoir un droit de regard là-dessus… Dans ce cas-là, effectivement, ce n’est plus éthique, ce n’est plus respectueux des différentes personnes.

48:40

Alexia Ok, nouvelle règle. Imaginons, au tout début de ta relation, il te dit, on peut se rapprocher un petit peu, mais ma partenaire a un droit de véto, donc ça pourrait s’arrêter assez brusquement. Est-ce que c’est éthique, ça ?

48:53

Adèle Alors, je préfère qu’on m’ait présenté effectivement cette situation-là. Pour autant, moi, personnellement, je n’aime pas trop être sur ce genre de siège éjectable.

49:01

Alexia Contrairement à qui ?

49:04

Adèle Je ne sais pas, il y a peut-être des gens qui, en fait, ne cherchent pas des attachements longue durée, tu vois. Et qui pourraient se dire, bon, au pire, la relation s’arrête, ce n’est pas très grave, je prends ce qu’il y a à prendre et puis on verra. Moi, je sais que ce n’est pas mon cas et que je cherche plutôt… Enfin, je m’attache aux personnes et j’ai plutôt envie, à priori, de faire perdurer le lien. Et du coup, si unilatéralement, la personne en face de moi me dit, en fait, tchao, bye bye… Bah déjà c’est dur, mais si en plus je sais que ça vient pas d’elle, mais que ça vient d’une tierce personne, bah là je suis vraiment pas d’accord, je suis vénère !

49:38

Sacha C’est marrant parce que tout à l’heure, quand tu présentais la situation, tu disais, ah oui, c’est une relation hiérarchique, mais c’est tout à fait acceptable puisque tout m’a été dit depuis le début. Mais là, finalement, on voit que, en tout cas pour ton cas personnel, il y a une limite de ce qu’on te dit pour le début. Bon, il y a des trucs auxquels toi, tu n’accepterais pas parce que tu dis, bon, si au début, on me présente qu’il y a un véto comme ça, bon, je n’accepterais pas. Mais si on continue à ce niveau-là, il y a des gens, ils vont dire, oui, moi, je veux bien accepter le véto à partir du moment où les gens, ils acceptent que c’est une relation avec véto. Après tout, pourquoi pas ?

50:08

Adèle Oui, mais ça nécessite de bien, bien fixer et délimiter le cadre en amont. Et je trouve ça pas forcément si évident.

50:17

Sacha Je suis d’accord, effectivement, les détraqueurs, notamment du véto, vont dire qu’en fait, on dit oui, oui, les gens savent dans quoi ils s’embarquent, mais en fait, c’est rarement le cas. Parce que les règles sont jamais extrêmement précises, on te dit pas exactement quelles vont être les conditions, etc. Et en plus, tu connais pas ta méta, tu connais pas ton méta, tu sais pas qui est cette personne. Donc en fait, tu t’engages dans une relation avec une première personne, mais…

50:37

Alexia En faisant confiance à une personne que tu ne connais pas.

50:39

Sacha C’est ça, en laissant une personne que tu connais pas, qui sait pas comment elle va réagir, dicter tout le reste. Et ça empêche plein de possibilités d’évolution de la relation.

50:46

Alexia Et après, j’imagine que quand bien même tout est dit en avance, même hyper clairement et tout… Si au bout d’un moment, il y a la personne qui dit « Ah non, je mets mon véto » et que la tierce personne qui se fait tèj, elle est dévastée et qu’on ne fait rien pour la soutenir… C’est quand même, franchement, not OK, quand bien même depuis le début, les choses, elles sont dites clairement, je trouve. Enfin, c’est…

51:06

Adèle Oui, c’est ça.

51:07

Alexia Difficile, quoi.

51:08

Adèle C’est d’un point de vue, effectivement, respect de l’individu, respect de la personne. Moi, je ferais pas ça à mes amis. Je ferais pas ça… Enfin, je fais pas ça dans mes relations d’une manière générale.

51:19

Alexia Je ferais pas ça à mon pire ennemi !

51:22

Adèle Oui, c’est ça. Même une personne avec qui j’ai vaguement sympathisé, je ne voudrais pas la mettre dans cette situation-là. À priori, on veut prendre soin des individus qu’on aime. Et cette situation du véto, je trouve que ce n’est pas vraiment mettre les gens auxquels on tient dans des situations confortables. En plus, pour moi, hiérarchie ne veut pas forcément dire qu’il y a un droit de véto sur tout. Tu peux avoir des hiérarchies très saines et où finalement, le véto, il va être évité. Parce que les personnes, elles vont discuter intelligemment et chercher à trouver des solutions. Sans qu’il y ait besoin que la personne, elle dise bon, en fait, là, il faut que tu exclus cette personne de ta vie immédiatement. Je pense que si ça en arrive là, c’est qu’il y a eu un loupé en amont sur…

52:06

Alexia Sur beaucoup de choses.

52:07

Adèle Ouais, voilà, c’est ça. Il y aurait pu y avoir, à mon sens, d’autres pistes et d’autres solutions avant d’en arriver là. Ou alors c’est que c’est une phase d’insécurité découverte de ce que c’est la non-hierarchie, le polyamour. Et peut-être qu’il faut y aller plus progressivement et par étapes, mais pas comme ça, quoi.

52:29

Alexia C’est assez facile d’avoir l’impression que la hiérarchie n’est pas éthique, que le véto n’est pas éthique. J’imagine que ça peut arriver. Si jamais vous avez des témoignages sur des situations de hiérarchie ou de véto qui vous semblent tout à fait fonctionnelles, n’hésitez pas à nous écrire. Ça nous intéresse.

52:46

Sacha Moi, je pense que la hiérarchie, notamment descriptive, elle peut complètement être éthique. Ce qui est particulièrement gênant, effectivement, c’est ce concept de véto, notamment, qu’il me semble jamais vraiment nécessaire. C’est-à-dire que… Mettons que tu es dans une situation que tu considères que tu es quand même plutôt hiérarchique. Que tu as une partenaire principale qui est vraiment très importante pour toi. Et éventuellement, vous avez des enfants, vous vivez ensemble, etc. Tu peux mettre tout le package que tu veux. En fait, je ne vois pas à quel moment il y a besoin d’utiliser la règle du véto. C’est-à-dire que si moi, je suis dans une telle relation et que je commence à sortir avec quelqu’un d’autre. Et là, si la personne qui serait ma femme vient me voir et me dit… « Oui, là, cette nouvelle personne, je trouve que quand je la vois, elle met vraiment la mauvaise ambiance à la maison. Et puis les enfants, ils ne l’aiment pas. Et puis moi, je me sens super mal à chaque fois que tu es avec elle », etc. Est-ce que j’ai besoin qu’elle me dise « je mets mon véto » avant de dire, bon, ok, là, je vais réfléchir. Je n’ai pas envie de te mettre autant de mal que ça, et je vais peut-être mettre fin à la relation. Ou au moins faire des trucs. Et ça me laisse à moi complètement ma liberté de choix. Et de discuter aussi avec l’autre relation, et de trouver une solution là-dessus, sans du tout qu’il y ait besoin du véto. Le véto à partir du moment où notamment… Surtout si je suis dans un système de pensée où je prioritise déjà cette autre personne. J’ai absolument pas besoin d’avoir un véto pour me dire bon bah là tu te sens mal donc du coup j’arrête cette relation qui fait que tu te sens mal.

54:05

Adèle Du coup, j’ai l’impression que la conclusion de tout ça, c’est, de notre point de vue, le véto, c’est pas éthique. Par contre, on peut totalement avoir des relations hiérarchiques dans lesquelles on puisse prioriser plus certains liens. Si c’est bien cadré dès le début et si c’est acceptable pour les différents interlocuteurs.

54:23

Alexia Moi, je conclurai même pas sur le véto si drastiquement. Je dirais qu’il y a peut-être des situations dans lesquelles ces choses peuvent être éthiques d’une façon ou d’une autre. Il y a aussi ce truc de le véto, ça a le mérite d’être très rapide, quoi. Il n’y a pas besoin de développer beaucoup. En fait, ça peut être, je mets mon véto et c’est dit en une phrase. Nous, on dit qu’il faut parler et que la communication, c’est important et tout. J’imagine qu’il peut y avoir des cas de vie où t’as moins l’occasion de développer les choses et de faire attention à l’autre.

54:53

Sacha Après, c’est la question de qu’est-ce que c’est la différence entre un véto, une limite ou une forte préférence. À priori, on en a déjà parlé, mais les limites, c’est pour se protéger soi-même en dernier recours. Si tu appelles ça limite, mais que c’est juste pour protéger le couple, ce n’est plus vraiment une limite. Parce qu’en fait, ce n’est pas toi que tu es en train de protéger, tu es en train de protéger une construction et du coup, c’est un peu autre chose. Mais voilà. Après, je me demande à quel point est-ce que toutes ces discussions, et on peut dire éventuellement le véto, ça a l’air très éthique, mais est-ce que c’est une question juste de vocabulaire, de sémantique. Où en fait, ce que des gens vont appeler véto, c’est juste sur le fait de se dire… « Bon, bah, dans cette relation avec ma femme avec qui j’ai mes enfants, si jamais je lui dis que son nouveau copain, il est en train de me pourrir la vie… Je trouverais quand même ça abusé si jamais elle rompait pas avec lui. Alors que je suis en train d’être misérable et mes enfants aussi. » Et peut-être que les gens, du coup, ils appellent ça véto alors qu’en fait, c’est juste le bon sens que si je lui dis ça, elle va agir.

55:45

Alexia Le bon sens, oula ! C’est très difficile de parler de bon sens, mais…

55:49

Sacha D’accord, peut-être pas le bon sens, mais en tout cas, qu’il y a un truc à régler là-dessus et qu’à priori, elle voudra me protéger moi puisque c’est avec moi que cette relation est très importante. Ou alors qu’elle considère que finalement, cette relation n’est plus si importante et qu’ensuite, elle rompe avec moi ou j’en sais rien. À quel point est-ce que peut-être les gens sont d’accord finalement dans le fond, mais c’est juste que les termes utilisés sont un petit peu différents. C’est une question que je me pose quand même pas mal dans toutes ces réflexions autour de la hiérarchie, des vétos, des hiérarchies descriptives ou pas. Qu’est-ce qu’est de la hiérarchie ? Qu’est-ce qu’il n’est pas ? Est-ce qu’au final, les gens ne sont pas plutôt d’accord dans le fond ?

56:21

Alexia Moi, je pense.

56:27

Sacha Bon, eh bien, on a suffisamment parlé. C’est très difficile de parler un peu de ce sujet et surtout de conclure sur un sujet aussi complexe que la hiérarchie. On a vu que c’était un sujet qui pouvait être sensible, que c’est un concept qui peut déranger. On espère avoir réussi à donner un aperçu suffisamment large de ce qui peut être vécu et de ce que les gens en pensent. Moi, c’est plutôt le genre de sujet où plus j’essaye d’avoir des réponses et plus je me pose de questions. Adèle et Alexia, est-ce que vous avez des points à retenir pour cet épisode ?

56:57

Adèle Moi, j’aimerais bien que vous reteniez que prioriser n’est pas hiérarchiser et que c’est assez sain de donner de l’importance et des priorités à vos différents liens.

57:06

Alexia Donner un nom ou une hiérarchie aux relations ne les grave pas dans le marbre. Les choses changent presque toujours, alors apprenez à changer aussi. Go with the flow !

57:16

Sacha Et peu importe l’étiquette que vous mettez sur vos relations, si vous mettez de la hiérarchie ou non, traitez les gens avec qui vous relationnez avec respect, et jamais comme des êtres inférieurs. Bon, on arrête donc là pour aujourd’hui, on pourrait facilement passer une heure de plus. On espère que cet épisode aura pu alimenter vos réflexions, comme ça a été le cas pour nous. Et on vous laisse retourner à vos proches, de façon hiérarchique ou non, et on vous dit à la prochaine !

57:49

Alexia Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !