Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,
Alexia Alexia
Sacha et Sacha,
Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations.
Alexia Aujourd’hui, on est en pleine forme, mais surtout, on est très enthousiastes. Parce qu’on va aborder un sujet essentiel, une sorte de brique élémentaire des relations. Que ce soit de notre relation avec nous-mêmes ou de nos relations aux autres. Ce sujet, c’est les besoins. On va commencer par un petit témoignage où on va raconter un moment de notre vie où on n’a pas respecté un besoin. Ensuite, on va essayer de cerner les contours du concept de besoin. Mais aussi, on va essayer de définir d’autres termes qui viennent avec, comme limite, envie… Et une fois qu’on aura fait le tour des définitions, on va parler de comment on gère nos besoins. On terminera par des témoignages un peu plus positifs sur des fois où on a pu mettre en place des solutions pour mettre fin à une situation qui nous faisait du mal. Alors Sacha, Adèle, est-ce que vous avez un témoignage d’un moment où vous n’auriez pas respecté des besoins ?
Sacha Alors moi, je pense qu’un des moments où j’ai le moins respecté mes besoins, c’est lorsque je les ai sciemment ignorés, en quelque sorte. C’est-à-dire que c’était dans une relation avec une partenaire qui vivait un moment difficile, il y avait pas mal de choses qui allaient pas bien dans sa vie. Et ça faisait qu’elle avait beaucoup plus de mal à gérer sa jalousie. Ou alors qu’elle allait pouvoir faire des reproches qui étaient plus ou moins valides. Et qui pouvaient facilement rentrer dans des choses moins valides et même pas valides du tout. Et donc moi, de mon côté, je me disais, eh bien, ce n’est pas grave, cette personne ne va pas bien, et je veux pouvoir l’aider. Donc je ne vais pas lui faire le reproche à chaque fois, de dire, ah, là, non, tu dis que c’est ma faute, mais en réalité, ce n’est pas ma faute, et techniquement… Ce n’était pas du tout le sujet, donc je me dis, eh bien, ce n’est pas grave, je prends sur moi, pour le moment, moi, je vais bien, donc c’est comme ça que je peux l’aider. Et donc en ignorant ces besoins-là, eh bien ça allait, ça allait une fois, deux fois, une semaine, deux semaines, un mois… Mais sur le long terme, eh bien je me suis rendu compte que petit à petit je me laissais faire sur des choses où finalement j’aurais pas eu envie de me laisser faire. Des remarques trop méchantes qui sont dites sur d’autres personnes que j’apprécie, par exemple, c’est des choses qui… J’ai pas envie de les entendre tout le temps. Avec le recul, je me dis que j’aurais préféré me dire à un moment, bon, je veux bien prendre un petit peu sur moi, mais il y a certaines limites, et faisons les choses de manière plus mesurée.
Adèle De mon côté, je pense que dans une de mes relations qui a duré le plus longtemps, j’avais rapidement emménagé avec la personne sans vraiment que ce soit un choix de ma part. Je me souviens d’ailleurs que la personne était un peu plus âgée que moi et donc avait déjà des meubles et ses affaires. Et finalement le logement était plus au final un chez lui qu’un chez nous. Et je me disais au début que c’était pas très très grave et que c’était pas important. Je pense que j’avais pas forcément non plus très bien conscience du besoin que j’avais d’avoir un espace personnel à ce moment-là. Et que je m’en suis rendue compte avec le temps. Et… Ça a fait que pendant toute une période, finalement, j’avais ce besoin-là. Et je ne l’avais pas exprimé, je ne l’avais pas non plus identifié, donc c’était plus difficile de le formuler. Mais même quand je l’ai identifié, j’ai mis énormément de temps à me dire qu’en fait, peut-être que la solution, c’était qu’on déménage ou alors que moi, j’emménage séparément. Et c’est ce que j’ai fini par faire, mais ça m’a pris énormément de temps parce que… On en a déjà parlé, mais avec l’escalator relationnel, c’était un petit peu difficile de revenir sur une grosse étape franchie dans la relation. Et j’avais peur que ça fasse s’écrouler la relation. Et donc, j’ai mis énormément de temps à identifier ce besoin et à le formuler.
Alexia Ok. J’allais avoir un témoignage qui fait un peu doublon finalement avec celui de Sacha. Parce que j’allais mentionner la difficulté de mettre ses limites en face de quelqu’un qui n’est pas bien en fait, qui est en PLS. Là, tu as la personne en face de toi qui est hyper mal et tu ne vas pas lui dire « Déso, c’est trop pour moi, je dois rentrer regarder des épisodes de Game of Thrones. » Donc, tu vas rester et essayer d’accompagner la personne. Et puis, il y a un moment où ça peut être dommageable. Pour toi, mais même pour la relation. Ça, c’est assez délicat. Je pense que j’ai un peu une règle de si quelqu’un va moins bien que moi, je suis censée rester pour l’aider même si c’est à mes dépens. Alors que je sais que c’est complètement débile parce qu’en fait, à la fin, éventuellement, plutôt que d’avoir une personne qui ne va pas bien, tu as deux personnes qui ne vont pas bien. Il y a un équilibre à trouver.
Adèle C’est un mécanisme assez classique. Je pense qu’on a beaucoup tendance à le faire. C’est aussi un peu la mécanique du sacrificiel, on va dire. De se dire, si la personne ne va pas bien, moi, je peux faire des petits gestes et des petits compromis, des petits sacrifices.
Alexia Et ça a un sens jusqu’à un certain point. Et c’est là où est toute la difficulté. C’est l’équilibre entre le besoin de soutien qu’a la personne en face de toi et les besoins que toi tu as en fait. Enfin du coup on va y arriver. Et pour arriver là justement j’aimerais bien que vous m’aidiez à définir ce que c’est un besoin. Est-ce que vous avez des débuts de propositions ? Parce que moi, j’ai des débuts de propositions et elles sont mauvaises. Alors, je peux commencer par ça si vous voulez. Elles ne sont pas mauvaises, mais elles sont basiques. Du coup, en fait, un besoin, c’est un truc dont on a besoin. Quelque chose d’important pour notre santé physique ou mentale. Et si ce besoin n’est pas rempli, on va avoir notre santé qui se dégrade.
Adèle Pour compléter, effectivement, je te rejoins sur le fait qu’un besoin, pour moi, c’est quelque chose d’indispensable. Sans lequel on ne peut pas être bien ou être heureux, éventuellement. Je ne sais pas trop, c’est encore des concepts assez flous. Après… Moi, quand on me parle de besoin, je visualise quelque chose qui s’appelle la pyramide de Maslow. Je ne sais pas si vous connaissez ce concept. Mais en fait, c’est une représentation généralement pyramidale qui parle de la hiérarchie des besoins. Et donc, ça découpe cinq grandes catégories de besoins qui ont été mises en place par un psychologue. Qui décrit ces groupes de besoins comme étant fondamentaux et universels à tous les êtres humains. Et dedans, il y a donc les besoins physiologiques qui sont s’alimenter, boire, dormir.
Alexia Ça c’est quelque chose d’assez clair genre si tu le fais pas tu meurs en fait c’est ça qui se passe.
Adèle C’est ça. Mais il y a aussi, en fait, si ces besoins-là sont stables, tu vas pouvoir avoir conscience des besoins de sécurité. Donc ça, c’est ne pas vivre dans un environnement qui est dangereux, donc ne pas faire de crise d’anxiété, se sentir serein. Que ton intégrité physique soit garantie. Puis ensuite, il y a les besoins d’appartenance. Donc ça, c’est plus la logique d’être entouré par des groupes, de se sentir intégré.
Alexia Et pas se retrouver à souffrir de solitude, quoi.
Adèle Oui, ou d’exclusion, d’être pris comme un bouc émissaire, etc. D’avoir des gens qui te ressemblent autour de toi et qui te soutiennent. Puis les besoins d’estime. Ça, c’est plus la confiance, le respect de soi, le fait que tu sais que tu es apprécié. Et d’accomplissement, tout en haut de la pyramide. Ça, c’est réussir ses projets, avoir l’impression d’avancer dans sa vie, peu importe ce que ça veut dire.
Sacha Je crois que cette pyramide de Maslow, aujourd’hui, elle est un peu plus décriée. En disant, notamment, cette hiérarchisation qu’il a faite, il me semble qu’il l’a proposée un petit peu comme ça, sans qu’il y ait de réel poussé derrière.
Alexia Juste parce qu’il aimait les pyramides.
Sacha Je ne sais pas, mais en tout cas, c’est vrai que c’est très intéressant pour faire réfléchir, en tout cas, ça reste un truc très intéressant.
Adèle Oui, c’est ça. Ça reste des catégories. On sait avec les étiquettes que les catégories ont des biais et qu’il faut s’en méfier. Mais je trouve ça quand même assez intéressant de se dire que ça peut être des choses qui sont un peu universelles. Même si on n’a pas tous les mêmes besoins, mais on a potentiellement des grandes catégories en commun. Je trouve ça assez intéressant aussi pour comprendre les besoins des autres quand ils seront exprimés.
Alexia Moi, j’ai un peu un truc en tête. Je pense que j’aime bien essayer de me sentir indépendante. Du coup, je développe beaucoup une sorte de croyance qui est qu’on n’aurait pas besoin d’une personne en particulier. Parce qu’en fait, il y a des fois où je me suis un peu sentie romantiquement dans des situations d’attente ou des choses comme ça. Et il y a plein de chansons d’amour ou de films où il y a quelqu’un qui va dire « j’ai besoin de toi » à quelqu’un d’autre. Et je trouve que c’est assez nocif comme truc, parce qu’on a besoin de personne en particulier. On a besoin d’aimer, on a besoin d’être aimé. Mais en fait, si ça ne marche pas avec quelqu’un, on trouvera d’autres personnes pour nous accompagner. Et je considère qu’il y a vraiment une forme d’autonomie qui va avec le besoin. Après, évidemment, je dis ça, je suis une adulte blanche valide de classe moyenne avec des proches qui acceptent mes modes de vie. Alors c’est un peu facile de dire oui, oui, tu peux être autonome dans tes besoins. Mais je pense que c’est un petit peu quelque chose à défendre quand même.
Adèle Ce que je comprends de ton propos, c’est qu’en fait, les besoins, tu les as finalement par rapport à toi-même, par rapport à…
Alexia Ouais.
Adèle C’est pas quelque chose qui est tourné vers quelqu’un de spécifique.
Alexia C’est ça.
Adèle Je te rejoins là-dedans. Tu vas avoir besoin de t’alimenter, mais tu vas pas avoir besoin qu’une personne en particulier te fasse la béquée, quoi.
Alexia C’est ça.
Sacha Ou de manger spécifiquement des frites. Ouais, c’est ça.
Alexia Ah si par contre ça si j’ai besoin de manger spécifiquement des frites. Maintenant !
Adèle Effectivement, je trouve ça intéressant parce que ça s’oppose avec des croyances très fortes dans les sociétés qu’un besoin peut être tourné vers quelqu’un en particulier. Finalement, ça s’oppose un petit peu au concept d’attente, je trouve. J’en profite pour introduire un nouveau mot.
Alexia Ouais.
Adèle Pour moi, les attentes, c’est justement quand tu souhaites qu’un des besoins que tu as soit répondu en particulier par quelqu’un. Ou qu’une de tes envies soit répondue en particulier par quelqu’un. Et que du coup, tu as une projection, ou tu penses vraiment que ton besoin va être répondu par un partenaire, par un ami, par quelqu’un de ta famille. Parfois, ça peut être sain de se dire « Bon, en fait, je me repose sur telle personne pour me faire à manger ce soir. Parce que vraiment, je vais rentrer tard du travail et ce serait chouette que mon besoin de nourriture soit répondu. » Il ne faut pas oublier que si cette attente, elle ne peut pas être répondue, peut-être que finalement, l’écroulement qui va se produire… Il pourrait être évité en se tournant vers une autre personne ou une autre manière de répondre à ce besoin primaire. Et ça, c’est souvent quelque chose qui est oublié, je trouve.
Sacha Pour en revenir à la définition plus exactement, moi j’aime bien une des définitions du Larousse. Qui définit le besoin de manière très succincte, qui est « chose considérée comme nécessaire à l’existence ». Donc voilà, on est sur du synthétique.
Alexia Mais là, on est sur le besoin de bas de la pyramide de Maslow. Si tu le fais pas, tu meurs, quoi.
Sacha Oui et non, parce qu’en fait, nécessaire, ça peut être vu de différentes manières. Et c’est vrai que certaines personnes vont réserver le terme besoin uniquement pour parler de ce qui est vital. Nécessaire dans le sens vital, si tu ne le fais pas, tu meurs. Par exemple, il y a des gens, notamment dans des milieux féministes, qui vont, pour contrer la culture du viol, qui vont dire, par exemple… Le besoin de sexualité, ça n’existe pas. Dans le sens où il n’y a personne qui va mourir parce qu’elle n’a pas fait de sexe. C’est pas quelque chose qui va te tuer. Et donc du coup, de ce point de vue-là, contrairement à manger, respirer, dormir, c’est pas un besoin vital à ce niveau-là. Mais pour autant, ça peut être nécessaire à ton bien-être psychique. Il y a des personnes, si jamais elles n’ont pas de sexualité, elles vont aller mal. Donc ce point de vue nécessaire, il peut être vu, interprété un peu comme on veut. Mais il y a quand même cette notion ici, dans le besoin, ce qui va le différencier de l’envie, que c’est quelque chose que tu en as besoin. Et d’ailleurs, dans une autre définition du Larousse, ça commence par sentiment de privation. Il y a cette idée qu’il nous manque quelque chose.
Alexia Mais après, c’est délicat parce qu’on peut imaginer que… Ouais, c’est très difficile, j’imagine, à délimiter parce que tu peux avoir l’impression que quelqu’un te manque. Enfin, il y a souvent des gens qui me manquent. Et du coup, je ne peux pas dire que j’en ai besoin non plus. Enfin, voilà. Je ne suis pas très claire, mais vous voyez ce que je veux dire.
Sacha Pour moi, si tu souffres de ne pas voir ces personnes-là, quand bien même c’est une souffrance très mineure… On peut considérer que tu as besoin de les voir parce que ça rentre dans la définition de… Pour moi, ça peut rentrer plus du côté besoin que du côté envie, par exemple.
Adèle De mon côté, je pense vraiment qu’il y a une histoire d’équilibre à trouver. C’est toujours la même chose. Où est-ce qu’on place la frontière ? Ça peut être un petit peu difficile. Je sais que j’avais un ancien partenaire qui avait tendance à dire qu’il n’avait besoin de rien. Mais il n’avait jamais besoin de rien. Et… Il n’avait pas non plus d’envie. Il formulait les choses de cette manière-là et il disait « En fait, tout me va. La situation, je m’y adapte. » Je trouvais ça à la fois hyper bien, dans le sens où tout avait l’air de lui convenir. Et à la fois, dans l’absolu, je pense que c’était biaisé. Et que ça le détachait finalement d’une forme de maturité à identifier ce qui se jouait pour lui. Et réussir à formuler des choses qui pouvaient être importantes pour lui. Ça le permettait de se mettre à distance pour ne pas être déçu, finalement, si jamais les choses ne se produisaient pas. Donc ça le protégeait d’une forme de souffrance, je pense, et justement d’une privation si jamais il formulait quelque chose et qu’il ne pouvait pas l’avoir. Mais du coup, il passait aussi à côté de choses qu’il aurait probablement pu obtenir si jamais il les avait demandées. Donc il y a vraiment un rapport à est-ce qu’on en a besoin et à ce qu’on en a envie qui, pour moi, se passe aussi… Finalement, à l’intérieur de soi et à quel point on accepte la possibilité d’être déçu.
Sacha Il y a aussi une notion d’enthousiasme aussi qui peut arriver. C’est-à-dire qu’il y a des personnes qui vont être très enthousiastes et qui vont avoir des envies très fortes, et qui vont notamment en plus être très vocales dessus. Et ça va se voir sur leur corps aussi qu’elles seront très enthousiastes. Et il y a des personnes qui…
Adèle C’est moi !
Sacha Il y a des personnes qui par nature ne sont pas très enthousiastes. Et où éventuellement elles vont dire « Ah bon bah en fait, toutes ces choses là me vont bien. » Et en fait elles vont effectivement être heureuses. Mais ce que tu dis est quand même vrai aussi Adèle. Mais je pense qu’il y a cette notion d’enthousiasme qui est différent par nature chez les gens. Enfin par nature ou par construction sociale je ne sais pas exactement. Mais qui existe aussi.
Adèle J’aimerais quand même redéfinir ce que c’est une envie, parce qu’on ne l’a pas vraiment dit. Moi, j’aimerais dire que pour moi, ça se manifeste comme un élan vers quelque chose, que ce soit une activité, quelqu’un, ou un souhait que quelque chose se produise. Ce n’est pas grave si ça ne se produit pas, mais ça me procurerait vraiment beaucoup de joie si jamais ça se produit.
Sacha Enfin, beaucoup de joie pour une personne très enthousiaste, ou sinon juste de la joie pour une personne qui l’est un peu moins, quoi.
Adèle Oui, ça va.
Sacha Oui, je pense que c’est une bonne définition. Et donc pour les limites… Pour moi c’est un terme un peu compliqué, pourquoi ? Parce que j’ai une définition qui est utilisée de manière très claire par toute une communauté, par exemple une partie de la communauté polyamoureuse. Qui va avoir une définition très claire des limites. Et en fait tout un tas de gens qui vont utiliser le terme limite sans souscrire à cette définition, et donc… Pour moi, d’une certaine manière, c’est comme s’ils utilisaient mal le mot, donc c’est un petit peu compliqué. Mais au final, tout ça n’est qu’une question de vocabulaire, donc c’est pas très important. Mais je vais vous donner sans attendre cette définition, car je la trouve très intéressante. Une limite, c’est vraiment le seuil de ce qu’on tolère. Et notamment, ce qui est très important sur une limite, c’est qu’une limite, ça dépend de soi. C’est quelque chose où c’est soi-même qui va dire, en fait, ma limite, par exemple, c’est que personne ne me crie dessus. Par exemple, quelqu’un pourrait dire, voilà, ma limite, c’est que personne ne me crie dessus. Si je dis juste à ma partenaire, ne me crie jamais dessus, en fait, c’est une règle, c’est pas une limite. Ma limite, c’est, si quelqu’un me crie dessus, je quitte la pièce. Et là, ça devient vraiment une limite, parce que c’est soi-même qui va pouvoir agir en disant, en fait, ça, c’est le maximum que je supporte. Et de fait, donc, j’agis pour que ça ne puisse pas se produire. Et donc, par exemple, je suis un petit peu inconfortable avec les gens qui utilisent « Ah, cette personne n’a pas respecté mes limites. » Parce qu’en fait, selon cette définition de limites, c’est pas tant aux autres de les respecter. Alors bien sûr, évidemment, si on leur dit de pas crier dessus et qu’ils le crient volontairement, eh bien, ils ne respectent pas nous-mêmes. Mais en fait, la limite, c’est nous qui allons la mettre en place, et c’est à soi-même de respecter ses limites. Après, il peut y avoir de la contrainte, évidemment, mais ça, c’est autre chose.
Adèle Je trouve ta définition super intéressante. Effectivement, moi, je la définissais pas comme ça. Mais parce que en tant qu’érudite, évidemment, je sais que limite, ça vient du latin limes, qui veut dire frontière. Et une frontière peut être franchie, monsieur. Non, mais bref. Pardon. Effectivement, je suis d’accord avec toi. Pour moi, c’est une borne au-delà de laquelle, théoriquement, on n’accepte pas que les gens aillent. Donc, on se soustrait théoriquement à l’influence ou à l’action des autres si jamais ce seuil d’inacceptable est franchi. Je suis aussi d’accord avec toi sur le fait que… Ça peut être assez simple de se dire qu’on met en place des stratégies. Pour éviter que ces limites soient dépassées et qu’on ne permette pas finalement aux gens d’aller au-delà de ces limites-là. En revanche, dans la pratique, dans la vie réelle, je pense que ça arrive régulièrement. En tout cas, moi, ça m’arrive énormément de laisser les gens aller au-delà de mes limites pour différentes raisons. Certaines, je ne les connais pas à l’avance et donc je n’ai pas de stratégies établies sur ce qui se passe si jamais on les franchit. Et donc, je peux rentrer dans des aspects de sidération ou de choc qui font que je ne sais plus réagir parce que je ne m’étais pas attendue à cette situation-là. En grandissant et en devenant plus mature et en ayant mieux conscience de qui je suis et de où sont mes limites, ça se produit de moins en moins, heureusement. Mais ça m’est arrivé plus jeune. Et l’autre raison qui peut pousser à ce que ça arrive, c’est que justement, on met en place des accords ou des règles avec mes partenaires et ils les respectent. Et à un moment donné, ils se mettent à ne plus les respecter. Et pareil, je suis presque choquée que ce ne soit pas le cas parce que pour moi, c’était une base de la relation. Et du coup, ça me surprend tellement que je ne sais plus comment réagir. Donc ça m’est arrivé pour ces différentes raisons. Après, je suis d’accord avec toi que c’est vachement intéressant de se dire que finalement, on se responsabilise. Par rapport au fait qu’on est en possibilité théoriquement de se soustraire à l’envahissement de cette frontière finalement.
Alexia Est-ce que une limite ça protège un besoin ? Parce que je crois que ça a été comme ça dans ma tête, mais en fait, je ne suis plus sûre. Je vous demande ce que vous en pensez.
Adèle Alors, je pense que souvent, le franchissement d’une limite m’a fait découvrir que j’avais un besoin effectivement sous-jacent. Ou alors c’est comme ça que je détecte que finalement il y a des choses qui me vont, des choses qui ne me vont pas, des choses dont j’ai besoin, des choses dont j’ai envie. Je pense que la limite m’aide à identifier des choses. Mais pour moi, ce n’est pas lié. Dans le sens où, au contraire, presque, j’aurais envie de dire, la limite, c’est un endroit où, potentiellement, moi, je n’ai pas de besoin. Et où, peut-être, en face, il y en a un. Je vais prendre un exemple très concret pour que ça vous parle. Mais moi, je n’ai pas besoin de sexualité. Ce n’est pas un besoin pour moi. En face, ça peut en être un. Pour autant, j’ai une limite qui est, je ne veux pas avoir de sexualité de manière générale, on va dire. Je ne sais pas si je pourrais dire que j’ai besoin de ne pas avoir de sexualité. Tu vois, c’est un peu subtil. Mais c’est plus que j’ai une frontière par rapport aux besoins de quelqu’un d’autre, qui est je ne peux pas y répondre. Je n’y répondrai pas. Ou par rapport à des envies de quelqu’un d’autre. Je ne vais pas répondre aux envies de sexualité de quelqu’un d’autre. Et donc, ce n’est pas un besoin. Ce n’est pas nécessairement lié à un besoin, je trouve.
Sacha C’est un petit peu un besoin de ton intégrité. Tu n’en as pas envie. C’est comme tu n’as pas envie que quelqu’un te crie dessus.
Alexia T’as besoin de ne pas faire de sexe quand t’as pas envie de faire de sexe, quoi.
Sacha Après, je pense que parfois, tu peux aussi fixer des limites. En fait, comme les limites, c’est toi qui vas te les fixer. Ça peut être soit parce qu’effectivement, tu as l’impression que ça empiète sur tes besoins. Mais ça peut être aussi des limites que tu fixes de façon arbitraire et qui, finalement, ne sont pas forcément liées à un besoin. Tu peux dire, par exemple, « Moi, je n’ai pas envie de sortir avec quelqu’un qui ne parle pas français parce que j’ai la flemme d’essayer de communiquer autrement. » Et ce n’est pas forcément un besoin là-dessus, c’est juste que tu n’as pas envie de faire d’efforts, quoi.
Adèle Oui, il y a ça et puis il y a le fait que je trouve ça très dangereux de lier une limite à un besoin nécessairement. Parce que pour moi, les limites, elles peuvent être à des endroits différents en fonction des relations. Or, tes besoins, comme on l’a dit, pour moi, ils sont relativement constants dans le sens où ils ne sont pas forcément dirigés vers quelqu’un. Et donc, je trouve que lier limite et besoin, ça risque de produire cette attente que ton besoin soit répondu par quelqu’un en particulier. J’aimerais aussi rajouter que souvent, dans l’expression finalement des besoins ou des limites, il y a un autre mot qui vient, c’est les interdits ou les règles. Ça vaut le coup aussi de savoir ce qu’on met derrière ces mots. Pour moi, une règle, c’est quelque chose qui définit ce qui est autorisé ou ce qui est interdit. Qui éventuellement prescrit des comportements attendus. Et qui est souvent utilisée par les personnes pour verbaliser des limites ou des besoins. Et il y a généralement une sanction si la règle n’est pas respectée. Je trouve ça plus intéressant d’essayer de formuler ses besoins et ses limites de la manière dont Sacha l’exprimait. À savoir par une expression personnelle, dire si la situation se produit de telle manière, je me comporterai de telle manière. Et éventuellement de voir avec la personne en face si on peut prendre une décision en commun. Et dans ce cas-là, moi, je parle plutôt d’accord que de règles. Parce que je trouve ça plus sympathique. C’est moins l’aspect loi ou… Règles prescrites, ouais. Préécrites, j’ai envie de dire.
Alexia Donc maintenant j’aimerais bien vous demander comment vous avez reconnu des besoins. Adèle tout à l’heure tu disais que c’était plutôt quand un besoin n’était pas respecté ou une limite franchie que tu te rendais compte que tu avais un besoin à un endroit.
Adèle Oui, je pense que plus jeune, je ne me posais pas bien la question de quels étaient mes besoins ou quelles étaient mes limites. Tout simplement parce que je ne me priorisais pas forcément. C’est un peu le comportement dont vous avez parlé tout à l’heure. J’avais peut-être des tendances un peu sacrificielles ou à finalement… respecter les besoins qui étaient plus facilement formulés en face de moi. Donc si la personne me disait « j’ai besoin de ça », je m’arrangeais pour pouvoir le respecter. Et sans me poser la question de est-ce que finalement ça m’impactait négativement. Parce que le vécu de l’autre a une grande importance pour moi. Si la personne n’est pas bien, généralement je ne vais pas être bien non plus. Et donc si la personne est bien, je vais me sentir mieux. Et donc il y avait une forme de mal-être évident quand les besoins de mon partenaire n’étaient pas répondus.
Alexia Petit point, éducation genrée, c’est quelque chose qu’on… C’est une éducation qu’on dispense beaucoup aux filles de faire attention à comment se sentent les autres avant de faire attention à elles-mêmes. Sans vouloir tout rapporter au genre, je pouvais pas ne pas le mentionner.
Adèle Oui, c’est ça. Et effectivement, du coup, ça a pu me conduire à faire des sports dont je n’avais pas spécialement envie ni besoin, mais parce que mon partenaire le demandait. Et comme il le demandait et qu’il ne faisait pas forcément la distinction entre si c’était une envie ou si c’était un besoin, dans le doute, je le faisais. Et potentiellement, ça a pu aller au détriment de mon niveau d’énergie, ma fatigue, parfois mon sommeil. Souvent mon sommeil dans les relations. Où en fait, j’ai très peu dormi souvent quand j’étais en début de relation et que je voulais voir beaucoup les gens ou être très attentive aux autres. Ou quand ils vont mal, c’est pareil. En fait, ça m’est déjà arrivé au milieu de la nuit d’aller rendre visite à un partenaire qui n’allait pas bien. Alors que potentiellement j’avais besoin de ce sommeil parce que j’avais des réunions importantes le lendemain au travail ou ce genre de choses. Et c’était en partie parce que moi, je n’avais pas identifié ce besoin. Même si le besoin de sommeil est relativement évident normalement pour les gens.
Sacha Il est évident, mais je pense que c’est un des besoins qui est quand même le moins respecté par pas mal de gens. Les gens n’ont pas l’air de se rendre compte que manquer 2 heures, 4 heures sur leur nuit, c’est quelque chose de finalement assez grave.
Adèle D’ailleurs, ce qui m’a fait progresser aussi sur la prise de conscience par rapport à ces besoins… C’est tout simplement que mes colocs me verbalisent qu’ils trouvaient que je ne dormais vraiment pas beaucoup, que j’avais l’air fatiguée. Et à un moment donné, il y a eu d’ailleurs une petite blague dans la coloc. Où quand je sortais de ma chambre le matin et que je croisais un de mes colocataires… C’était Sacha en fait. Il me disait « Police du sommeil, combien d’heures t’as dormi ? » Et en fait, il vérifiait que j’avais bien dormi 7 ou 8 heures par nuit. Parce qu’il savait que c’était un besoin que j’écoutais pas très bien et je l’avais identifié et lui aussi. Et donc, en fait, il essayait de s’assurer que je respecte mieux ce besoin. Et je pense que ça m’a aidée à constater finalement que j’avais ce besoin-là et que ça se passait beaucoup mieux pour moi quand j’étais pas fatiguée. Parce que quand je suis fatiguée, je deviens plus facilement émotionnelle, je prends plus facilement mal des remarques ou je vais être plus facilement affectée négativement. Et oui, là par exemple, ça a été une manière de corriger le fait que j’avais mal conscience de mes besoins fondamentaux.
Alexia Je crois que moi, des moments où je n’ai pas respecté mes besoins, au contraire, j’ai dormi. Mon corps, je pense que c’est au niveau des émotions. Si je ne me respecte pas sur le plan relationnel… Mon corps, il est pas bien et il m’envoie dormir, quoi. Il est genre, bah tant pis, nique tout, tu vas dormir, t’as pas l’énergie pour quoi que ce soit. Et je me suis réfugiée dans le sommeil sur des situations où j’arrivais pas à trouver de solution sur comment agir avec des gens, quoi. Et c’était assez désagréable parce que je comprenais pas pourquoi je dormais, j’avais envie de dormir tout le temps. Et en fait, je pense que c’était ça.
Adèle Et du coup, est-ce que maintenant, quand tu as envie de dormir tout le temps, tu te demandes s’il y a un besoin ou une limite qui n’est pas respectée ?
Alexia Je pense que vraiment, je le perçois maintenant. Quand je sens que je suis pas bien émotionnellement et que je suis… Quand j’ai envie de dormir, soit je suis en carence de fer, soit en gros, j’ai un problème émotionnel. Je pense que je le repère.
Adèle Je trouve ça hyper intéressant parce que maintenant que tu le dis, ça me rappelle que moi aussi, j’ai des manifestations physiques. Quand mon besoin n’est pas répondu ou quand j’ai une limite qui a été franchie et que je ne l’ai pas verbalisée ou que je ne m’en suis pas soustrait. Ça se passe plutôt avec des migraines de mon point de vue.
Alexia Ah ouais.
Adèle Et je peux avoir des migraines pour d’autres raisons. Mais quand j’ai des migraines, maintenant, systématiquement, je me demande… Qu’est-ce qui s’est passé dans les derniers jours ? Est-ce que j’ai eu des interactions avec des gens qui ont pu aller au-delà de choses que j’avais demandées ? Est-ce que j’ai un besoin que je n’ai pas réussi à verbaliser ? Et souvent, à postériori, je me rends compte que oui, il y avait un besoin que je n’avais pas répondu ou que j’étais allée au-delà de mes limites.
Sacha Ça c’est quelque chose qu’on aurait pu mentionner d’ailleurs dans les définitions, enfin j’ai parlé de sentiments de privation. Mais c’est qu’à priori les besoins ça vient avec une émotion. C’est l’émotion ou un ressenti à quelque chose de corporel qui va nous dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ça peut être tout simplement la faim par exemple, mais ça peut être des émotions un peu plus complexes. C’est vrai que dans la gestion des besoins, moi, j’ai l’impression qu’il faut se rendre compte qu’il y a ce besoin, il manque. Et donc, du coup, il faut qu’il y ait ce sentiment que je ne me sente pas bien, par exemple. Et je me dis, bon, là, je ne me sens pas bien. Pourquoi ? Et ensuite, pouvoir agir dessus, une fois que j’ai compris d’où ça vient.
Adèle Je trouve que ça nécessite effectivement pas mal d’introspection aussi pour justement être capable de faire le tri et de se rendre compte d’où ça venait, ce sentiment. Est-ce que c’était une émotion qui était liée à totalement autre chose ? Je trouve ça assez intéressant à mentionner également.
Alexia Je me demandais un peu comment on pouvait différencier besoin et zone de confort. Parce que je trouve que pareil, la limite peut être un peu poreuse.
Adèle Tu veux dire par là, par exemple, sur les aspects de jalousie ?
Alexia Par exemple, ça peut être ça. Genre, mon amoureux va en date et du coup, ça me met dans de mauvais sentiments parce que c’est la première fois et c’est un peu hors de ma zone de confort. Est-ce que j’ai besoin qu’il… Déjà, non, je n’ai pas besoin qu’il n’aille pas en date parce qu’un besoin, c’est quelque chose normalement sur lequel nous, on est actifs.
Sacha Tu peux dire que tu as besoin de ne pas te sentir trop souvent hors de ta zone de confort, par exemple. Parce que ça serait insupportable d’être 100 % en dehors de ta zone de confort. Mais par exemple, si on prend un truc tout bête, la zone de confort, moi, je ne vais pas être dans ma zone de confort si je vais parler à des inconnus. Je n’ai pas besoin de ne pas parler à des inconnus.
Alexia Ouais. Moi, j’ai un petit truc de… J’ai fait du déni sur des besoins, je pense, parfois. Et je trouve ça assez intéressant comme système. Du coup, j’allais mal. Et mes besoins, ils étaient parfois juste à avoir plus d’espace toute seule. Et j’avais une sorte de fierté à ne pas reconnaitre que j’avais des besoins par moment. Et voilà, c’est complètement toxique et je vais vous dire ne faites pas ça et essayez de ne pas faire de déni. Ce n’est pas une honte d’avoir des besoins, ce n’est pas une honte de demander à quelqu’un de vous réconforter sur un truc. Là, c’est toujours dans un esprit de mesure.
Adèle Je pense quand même à quelque chose d’autre, effectivement. Moi, je pense que ça m’est arrivé d’avoir identifié des besoins et de ne pas les verbaliser non plus. Dans le sens où j’avais peur qu’on me dise non. Et de ne pas forcément avoir l’énergie nécessaire à me tourner vers quelqu’un d’autre pour redemander, refaire la même demande. Et je me disais, je ne vais pas réussir à finir par trouver quelqu’un qui dira oui pour répondre à mon besoin. Parce qu’autant pour se faire à manger, on peut se débrouiller seul… Encore que si on a le bras cassé et qu’on n’arrive pas à cuisiner, peut-être qu’on a quand même besoin que quelqu’un nous aide. Mais il y a eu des moments où moi, j’avais… Envie qu’on me rassure, besoin qu’on me rassure, parce que je me sentais pas bien. Et demander, c’était prendre le risque qu’on me dise non. Ce qui en soi est acceptable. Mais ce qui m’aurait écroulée à ce moment-là, parce que ça m’aurait encore plus mise en insécurité, jusqu’à un stade… auquel je n’aurais pas réussi à me tourner vers quelqu’un d’autre. Et je trouve ça aussi un peu traitre ces aspects-là. Parce que finalement, par peur, je ne demandais pas, mais du coup, mon besoin se faisait entendre plus fort. Parce que quand il n’est pas répondu, il revient frapper. Et finalement ça m’a mis dans mes pires crises de ne pas écouter mon besoin et de le verbaliser suffisamment tôt. Et finalement quand on verbalise tôt, ça évite aussi que ça prenne parfois des proportions qui deviennent très très désagréables.
Sacha Oui, ou s’y prendre à l’avance pour, par exemple, établir des stratégies. Parce que là, dans ce que tu dis, en fait, tu peux avoir… Enfin, on pourrait imaginer des stratégies d’en fait t’envoies à un groupe de personnes. Et du coup, sur ce groupe de personnes, tu es à peu près sûre que sur les 5, 10 personnes qu’il y a dedans, il y en a une qui va te répondre ou quelque chose comme ça. Enfin, je ne sais pas, je dis des trucs au pif, pas pour répondre à ta question particulière… Mais c’est juste pour dire qu’en fait, s’y prendre à l’avance, une fois que le besoin est identifié, on peut agir dessus et établir des stratégies…
Adèle Oui, de la même manière que quand on identifie une limite, on peut déjà se dire, si il se passe ça, je me soustrais à cette situation de telle manière. Et finalement, c’est souvent des stratégies qui sont pertinentes. Si on y est préparé, ça se passe très bien. Si on n’y est pas préparé, on panique et on réagit mal. Et éventuellement, on va au conflit ou on va se laisser envahir par le débordement des autres, finalement.
Sacha À priori, que ça soit pour besoin ou limite, finalement, on est un peu obligé de passer par une première fois où ça se passe mal. Et on se rend compte qu’en fait, on a besoin, la limite est là, et donc du coup… Alors ensuite, on peut s’en rendre compte et agir pour la prochaine fois. Mais en fait, je sais pas si on peut, en préventif, se dire « Ah, ça, je sais que ça, j’aimerais pas du tout. » Enfin, peut-être pour des choses très spécifiques.
Alexia Ah si, il y a des choses, je pense, on peut…
Sacha On sait que dans cette situation, il va se passer ça. Je sais que si je rentre d’un date, la personne va coucher avec moi, et donc du coup, je peux dire avant, j’ai pas envie de coucher avec toi, par exemple, si on prévoit. Mais il y a plein de cas où on peut ne pas, c’est difficile de prévoir.
Adèle Sachant qu’on ne l’a pas verbalisé non plus, mais les besoins, les limites, les envies, elles évoluent avec le temps. Sinon, ce serait trop facile. Et donc, évidemment, c’est bien d’avoir prévu des stratégies. Je pense effectivement qu’il faut se tromper et faire des réadaptations en permanence. Et finalement, on est sans arrêt en train de réajuster ses envies, ses besoins, ses limites. Tant vis-à-vis de soi-même que vis-à-vis des autres et de la manière dont on les communique. Donc c’est pour ça aussi qu’on disait au début de l’épisode que c’est un sujet vaste, parce qu’à mon avis, on peut en parler toute notre vie.
Alexia Vous parlez de stratégies à mettre en place pour respecter vos besoins. C’est le moment où on passe à la partie des témoignages de ce que vous avez réussi à mettre en place pour vous ou pour des relations.
Adèle Oui, de mon côté, il y a effectivement… Faire déjà beaucoup d’introspection, chercher à comprendre que j’ai des émotions, que j’ai des besoins, que j’ai des limites. C’est quelque chose dont je n’avais pas forcément conscience plus jeune. Et que j’avais le droit d’avoir ces besoins, que j’avais le droit d’avoir ces limites. Ça a été une autre étape. Je pense que ça m’a énormément aidée d’être dans une relation avec un partenaire qui me faisait de l’espace pour ça et qui était super bienveillant et à l’écoute. Il me laissait finalement le temps de me rendre compte de mes besoins. Je pense que j’avais besoin d’avoir cet espace qui m’était proposé par quelqu’un. Qui me demandait finalement ce dont j’avais envie, ce dont j’avais besoin, si je me sentais mal, pourquoi, etc. Et finalement, ça m’a permis de commencer à cheminer, de chercher à comprendre ce qui se jouait pour moi. Et de voir que, quel que soit ce que je verbalisais, finalement c’était acceptable. Que n’importe quel de mes besoins, il était acceptable. Si je ne le verbalisais pas comme « tu dois faire ça » ou « il faut que la situation soit gérée de telle ou telle manière ». Donc si je n’imposais pas la manière de résoudre ce besoin, finalement dire « j’ai besoin d’affection, j’ai besoin de voir des gens quotidiennement » ou autre, il n’y avait rien qui était inacceptable. En soi, j’avais la liberté finalement d’explorer mes besoins et de les verbaliser. Donc, pour moi, ça a commencé vraiment comme ça, déjà par une première étape qui était me rendre compte de mes besoins. Maintenant que je le sais, je pense que j’écris plus facilement ce que j’identifie ou que je me pose de temps en temps la question. Soit en prenant par exemple les catégories de la pyramide de Maslow. Et en me disant est-ce que là il y en a que je réponds pas ? Est-ce que dans les mauvaises émotions que j’ai vécues dans les derniers mois… il y a des choses où c’est révélateur de besoins qui n’étaient pas répondus ou limites que je gérais mal et pour lequel je n’ai pas de stratégie. Et ensuite effectivement j’essaye de mettre en place des stratégies. Pour les verbaliser ou faire en sorte que ces besoins soient répondus. Soit par moi-même, soit par mes liens et des liens auxquels généralement je fais confiance. C’est les premières personnes vers lesquelles je me tourne pour répondre en partie au moins à certains de mes besoins.
Sacha Pour identifier ses besoins, il y a des personnes qui utilisent des fiches, un petit peu des fiches d’aide, par exemple, qui listent les différentes émotions. Ou par exemple, ça pourrait être la pyramide de Maslow aussi, qui liste un petit peu les différents besoins. Et qui mettent ça, je sais, il y en a qui mettent ça sur leur frigo, par exemple. Et du coup, quand ils ne se sentent pas bien, ils peuvent voir ça sous les yeux et dire « Ah, où est-ce que je suis là ? Est-ce que je suis plutôt que j’ai faim ? Ou est-ce qu’en fait, c’est que je suis triste ? » Et en fait, ça peut aider à identifier ce qu’on ressent et ensuite de se demander « Ok, je ressens ça, pourquoi ? » Et comment je peux agir dessus. C’est pour la partie introspection.
Alexia Ça me rappelle les Sims. Quand t’as tes sims qui sont de mauvaise humeur ça peut être dû à certaines sous-barres parce qu’ils sont dans un endroit qui est pas joli ou parce qu’ils ont envie de faire pipi.
Adèle Franchement, je pense que visualiser ça, ça aide parfois.
Sacha Vous pouvez imprimer la barre des Sims et la mettre sur votre frigo.
Alexia Ouais !
Sacha Et ensuite, pour agir, du coup, pour répondre aux besoins, quand c’est quelque chose qui est lié à une relation… Un bon moyen d’utiliser, c’est de faire ça pendant un RADAR. Donc le RADAR, on en parlait dans notre épisode précédent, l’épisode 8. C’est un outil régulier où on fait le point, et en fait, c’est un moment idéal pour dire, bon, ben là, en fait… Quand on parle, par exemple, si je prends un exemple de temps de qualité, dire… Ah oui, en fait, quand on rentre le soir du travail, en fait, moi, je t’attends parce que je ne sais pas quand tu rentres. Et en fait, je suis dans l’attente. En fait, j’aurais besoin de savoir exactement quand tu rentres et se mettre d’accord sur, envoie-moi un message dès que tu pars. Ou alors, on se dit, il faut être rentré à 20 heures pile au plus tard. Je ne sais pas exactement ce dont vous avez besoin et ce dont vous avez envie. Mais voilà, c’est un bon moment de mettre ça sur la table.
Alexia Mais c’est marrant parce que là, ce que tu dis, c’est quand même un besoin qui est vraiment tourné vers l’autre. Moi, j’aurais dit, j’ai besoin de ne pas être dans une situation d’attente. Donc, si j’ai l’impression que je ne peux pas savoir quand est-ce que tu vas rentrer, je vais manger sans t’attendre, tu vois.
Sacha Ça peut être une résolution, effectivement, après ça dépend de ce que t’as envie. Parce que tu pourrais ne pas avoir envie de manger sans attendre. Tu pourrais avoir envie… Enfin voilà, tout est possible, mais…
Alexia Bah t’as ton besoin, tu proposes des solutions pour que l’autre t’aide à le remplir. Mais en fait tu sais qu’in fine tu te débrouilleras pour le remplir à priori quoi. With or without you.
Sacha Ou alors, ça peut vouloir dire que la relation est incompatible. Dans certains cas, c’est un besoin qui peut être que, en fait, si jamais on ne trouve pas vraiment de solution là-dessus… Et que ça s’accumule avec d’autres cas similaires… Peut-être qu’il faut se dire que ces deux personnes-là ne sont pas compatibles pour vivre une relation.
Alexia Parfois, le besoin de quelqu’un va entrer en conflit avec le besoin de quelqu’un d’autre. Et là, éventuellement, il y a des fois où ça ne peut pas marcher. À mon sens.
Adèle Ouais, ce point-là, d’ailleurs, je le trouve extrêmement compliqué parce que j’ai tendance à minimiser mes besoins. Et quand je tombe face à quelqu’un qui est fort à exprimer ses besoins. Ou alors qui a tendance à me dire « j’ai besoin de » ou « il faut que » sans que je sache si c’est une envie ou une formulation. Ça a pu m’arriver d’être un peu abusée sur ces aspects-là. Parce que la personne en face de moi avait une mauvaise communication et utilisait des mots que j’interprétais comme étant des besoins. Alors que ce n’était même pas forcément le cas. Et du coup, de me retrouver à faire énormément d’efforts ou à me plier en quatre pour répondre à des choses que j’avais identifiées comme des besoins en face qui n’en étaient pas. D’où l’importance, je pense, de bien vérifier qu’il y a une compréhension similaire des définitions et de où est-ce que se situent les choses et de si ça révèle d’une envie ou d’un réel besoin. Et le RADAR est effectivement un bon moment pour le verbaliser. Après encore une fois, il y a des moments où ça n’est pas possible d’attendre nécessairement un mois.
Sacha Oui, bien sûr.
Adèle Et donc il vaut mieux en parler, créer un moment autre de discussion autour de ce sujet-là.
Sacha Surtout si c’est une limite qui a été franchie et qui a causé du mal, dans ce cas-là, il faut en parler tout de suite.
Alexia Encore une fois, le RADAR n’est pas un substitut des autres discussions émotionnelles. C’est juste un truc en plus, normalement, pour éviter d’arriver à des franchissements de limites, justement.
Adèle Mais pour des personnes comme moi qui ont des difficultés à verbaliser effectivement leurs besoins je trouve ça intéressant d’avoir un moment dédié.
Alexia Oui, complètement.
Adèle Et personnellement j’essaye aussi maintenant moi d’écrire finalement mes besoins pour moi-même avant de les verbaliser à la personne. Parce que déjà ça me permet d’identifier si j’ai besoin de le tourner vers cette personne-là ou pas. Si c’est quelque chose qui est dirigé, que je peux répondre par ailleurs. Donc ça me redonne une forme d’autonomie, d’indépendance qui est appréciable. Et à côté de ça… Parfois, j’ai quand même des besoins qui sont dirigés. Parfois, j’ai besoin de discuter d’un sujet, de quelque chose qui s’est mal passé dans une situation. Et en fait, je vis très mal cet aspect-là et je vais me sentir mal jusqu’à ce que le sujet soit réabordé avec la personne. Donc moi, j’estime que j’ai un besoin de discussion qui est dirigé vers quelqu’un. Je vais m’arranger pour demander cet espace de discussion relativement dans une fenêtre de temps courte, par exemple. Les deux peuvent être mêlés. C’est-à-dire qu’on peut avoir un besoin qu’on peut se remplir soi-même sans que ça nécessite l’autre. Mais ça peut être aussi intéressant d’en parler parce que l’autre peut être présent. Si on reprend l’exemple, par exemple, de rentrer le soir et d’attendre l’autre. On peut très bien, comme Alexia, dire « Bon, si t’es pas là, je vais manger toute seule. » Mais ça peut être… C’est bien quand même de communiquer ce truc-là et de dire, bon, cette situation m’a mis mal à l’aise. Je sais comment la résoudre, mais quand même, voilà, je t’en fais part. Déjà, parce que t’es important pour moi, donc je t’en fais part. Mais aussi pour voir si les choses peuvent être un peu plus fluides, même si ce besoin, au final, il ne concernerait, dans certains cas, que moi. Oui, c’est pareil d’ailleurs avec ses limites, parce que ça permet à la personne en face de mieux comprendre pourquoi on réagit d’une… Par exemple, pourquoi on a quitté la pièce.
Alexia Là, tu te places dans un contexte où on a une discussion et là, il y a une personne qui quitte la pièce d’un coup.
Adèle Oui, par exemple, c’est ce que citait Sacha tout à l’heure sur, bon, si on me crie dessus, je sors de la pièce. Mais en fait, si on ne l’a jamais verbalisé… La personne en face elle peut se demander ce qui se passe. Et en fait te suivre tu vois et pas comprendre pourquoi tu te soustrais à la situation. Ou alors se dire ok elle est partie, ça veut dire que, je sais pas, on est plus en relation et qu’elle me quitte. Enfin, je ne sais pas, ça peut aller très loin aussi, je pense, dans les incompréhensions mutuelles. Je sais qu’on n’est parfois vraiment pas doués pour se comprendre entre êtres humains et pour surinterpréter les choses. Et donc, effectivement… Pas forcément en amont, parce qu’on ne peut pas lister toutes les stratégies qu’on a. Mais à postériori d’une situation où on a senti qu’une limite était franchie et qu’on a réagi ou pas, revenir dessus et dire attention, à ce moment-là, il s’est passé ça. Et moi, je sais que ça m’est arrivé aussi pour des moments de sidération. Généralement, maintenant, je préviens les personnes qui ne me connaissent pas que si je me fige, généralement, c’est qu’il y a un truc que je n’arrive pas à gérer. Et que j’aimerais que la personne me donne du temps, de l’espace, ne vienne pas me sursolliciter à ce moment-là parce que je suis déjà en difficulté. Après, si la personne ne respecte pas… probablement que je vais finir par réagir d’une manière un peu extrême, effectivement. Soit me mettre en boule et pleurer, soit quitter la pièce, soit, si jamais on est agressif avec moi, réagir aussi dans l’agression. Mais si, au contraire, on me donne le temps de comprendre la limite qui a été dépassée ou le besoin sous-jacent… Ça va me permettre de pouvoir poursuivre la discussion d’une manière positive et construite et beaucoup plus intéressante. Donc c’est quelque chose, par exemple, que je vais verbaliser tôt pour dire… « Attention, s’il se passe ça et que je me fige et que je ne te regarde plus et que je ne te réponds plus… Ce n’est pas que je suis en train de t’ignorer, mais c’est que je suis en train de gérer un truc compliqué. Et que je vais revenir vers toi quelques secondes, quelques minutes plus tard. » C’est quoi ta recette, Alexia ?
Alexia Je n’ai pas du tout de recette. Je pense que je suis assez privilégiée et que j’ai peu été dans des situations où mes besoins n’avaient pas été respectés. Ça m’est arrivé parfois de ne pas respecter mes besoins, mais c’est fini maintenant. Mais j’ai un truc, par exemple, très concret, où il y a des moments où quand je suis très attachée à quelqu’un, je peux être dans l’attente de signaux de cette personne. Donc je peux être typiquement dans l’attente de messages. Et il y a vraiment des moments où, en fait, je crois que je suis protégée par mon égo. Qui est, en fait, si j’ai l’impression de, moi, accorder beaucoup d’attention à une personne et que cette personne m’accorde peu d’attention… Je vais d’abord être dans une situation d’attente. Mais éventuellement, si ça devient pénible, je vais juste me dire tant pis, je vais ne plus accorder mon attention à cette personne et me tourner vers d’autres liens. Ou bien je vais jeter mon portable dans un coin de la pièce et aller discuter avec mes colocs. Et je vais vraiment mettre des limites sur… Si quelqu’un ne me donne pas l’attention dont j’ai besoin, éventuellement, c’est juste que cette personne n’est pas attachée ou je ne sais pas quoi et je me détourne. Et ça a l’air d’être un peu toxique comme réaction éventuellement. Mais tout est à faire dans une certaine mesure et avec l’intention d’être honnête sur la protection de ses besoins, que ce ne soit pas dans l’agressivité de l’autre. Ce que j’ai pu faire parfois, je pense qu’il y a des moments où j’avais besoin d’être seule, mais ça se mêlait avec de la rancœur que je pouvais avoir pour quelqu’un que, par ailleurs, j’aimais beaucoup. Mais j’ai dû avoir des situations toxiques où j’étais particulièrement froide ou particulièrement cassante dans le dialogue. Et je pense que cette attitude toxique, c’était un mélange entre des besoins que j’essayais de protéger, ce qui est légitime. Mais par ailleurs, des rancœurs que j’avais, que j’aurais préféré exprimer autrement et que maintenant j’essaie d’exprimer autrement.
Adèle Je pense qu’effectivement dans la manière d’exprimer ce dont on a besoin parfois on s’exprime mal. Et il y a des moments où moi j’ai pu demander quelque chose de très spécifique et que du coup on me dise non. Et que je me dis mais attends on peut pas dire non à mon besoin.
Sacha Un truc important, je pense, dans une relation, c’est que si quelqu’un nous exprime un besoin, il vaut mieux éviter de répondre juste non, point. Bon, après, il peut y avoir des formes à mettre dedans, mais en fait, dans une relation où on tient à l’autre, on a envie que ses besoins puissent être remplis. Et si quelqu’un nous fait part d’un besoin et qu’on n’a pas envie ou qu’on n’a pas la possibilité de répondre à ce besoin de la manière qui a été formulée… Ça peut être intéressant de dire, eh bien ça, non, je ne peux pas, mais que penserais-tu de cette autre chose ? Est-ce que ça pourrait répondre à ton besoin ? Et de lancer tout de suite la discussion, de faire une contre-proposition ou de dire, oui, j’ai quand même envie que ton besoin puisse être rempli, mais pas de cette manière-là, ça, c’est pas possible pour moi. Et de tourner le truc comme ça, quoi.
Adèle Oui, voire même de dire, moi, je ne suis pas en mesure d’y répondre, mais est-ce que quelqu’un d’autre ne peut pas y répondre. Et de trouver ensemble une solution pour que ça puisse être fait dans le respect de chacun.
Alexia J’appelle ton deuxième copain pour qu’il te fasse un câlin, moi je peux pas là.
Adèle Ce serait chouette d’en arriver là, mais je ne suis pas sûre qu’on y soit encore.
Alexia Franchement, si. On arrive à la fin de cet épisode où on a essayé tant bien que mal de définir ce qu’était un besoin ou une limite. On a vu que ce n’est pas toujours simple de se rendre compte de ses besoins et qu’une fois qu’on les connait, il faut encore les communiquer et poser ses limites. On a vu que c’était nous-mêmes qui sommes au final responsables de nos limites et on ne dit pas ça pour mettre la faute sur quelqu’un qui n’aurait pas tenu ses limites ou quoi. Ce qu’on veut dire, c’est que dans de nombreuses situations, vous pouvez par vous-même vous protéger de situations blessantes. On veut vous encourager à être bienveillant et protectrice envers vous-même, sans qu’il ne soit question de nuire à l’autre. Comment articuler nos besoins face aux besoins de la personne en face ? C’est ce qu’on verra dans notre prochain épisode. Alors à bientôt, et d’ici là, prenez soin de vous ! Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !