Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,
Alexia Alexia
Sacha et Sacha,
Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations.
Alexia Ceci est le cinquième épisode de notre podcast. À partir de maintenant, les choses changent un peu. Jusqu’à présent, on a écrit les épisodes en mot à mot. Et on enregistrait des textes travaillés à l’avance pour être les plus clairs possible. C’est les épisodes qu’on a appelés « notions ». À partir de maintenant, on se lance sans filet. On va s’enregistrer tous les trois en train de discuter. Le sujet sera défini à l’avance et puis on parlera librement de nos expériences et de nos réflexions en espérant ne pas dire trop de bêtises. Quand on sort de la monogamie, on est très vite confronté à une question en particulier : comment vous gérez la jalousie ? Alors on voulait en parler tout de suite. Cela dit, la jalousie, ça n’est évidemment pas réservé aux polyamoureux. Si vous êtes monogame, célibataire, ou en fait dans n’importe quelle situation, vous trouverez peut-être dans cet épisode quelques éléments qui pourraient vous être utiles. On a décidé de mener la discussion d’aujourd’hui en trois grandes parties. D’abord, on va essayer de définir ce que c’est la jalousie. Et croyez-moi, c’est plus difficile que ça en a l’air. Ensuite, on va témoigner de comment on a ressenti de la jalousie dans nos vies. Et pour finir, on parlera de ce qu’on fait de cette jalousie, de ce qu’elle nous apporte ou comment on l’apprivoise. J’espère que vous êtes prêtes et prêts, car on est partis ! Adèle et Sacha, pour vous, qu’est-ce que c’est la jalousie ?
Adèle De mon côté, c’est quelque chose que je qualifierais comme un mélange d’émotions et de sentiments d’insécurité, de peur, de colère parfois aussi. Et de sentiments d’injustice qui se manifestent quand j’ai l’impression que quelqu’un a une attente qui a été répondue, que j’avais la même attente et que chez moi elle n’a pas été répondue.
Alexia Ok, et toi, Sacha ?
Sacha Moi je suis assez d’accord avec cette idée de mélange d’émotions. Je sais d’ailleurs même pas si la jalousie est une émotion en soi ou juste un terme que l’on va mettre sur toute une combinaison d’émotions différentes. Et pour moi, c’est quelque chose qu’on va appliquer à une tierce personne. On va se dire, cette tierce personne, elle ne s’est pas comportée de la manière que j’attendais, pour différentes raisons. Et cette manière-là, soit elle me met en insécurité, soit j’aimerais être à sa place. En tout cas, il y a quelque chose qui ne va pas dans le comportement, ou au-delà du comportement, ou dans l’environnement de choses qui va arriver à une tierce personne. Et où je me dis, non, ça, ça ne va pas, ça me gêne.
Alexia Ok, pas mal. Moi, j’ai essayé de l’exprimer le plus simplement possible aussi. Et je m’aligne complètement avec tous les deux sur le fait que c’est un mélange d’émotions. C’est un sentiment assez complexe. Je dirais que c’est un sentiment désagréable qui fait qu’on développe éventuellement une forme de rancœur envers quelqu’un. Pour moi, dans la société, c’est pas mal lié éventuellement à une question de possession. Donc c’est comme si on avait une forme de droit sur la personne qui était en face. Et en ce sens, ça peut être mal vu. Quelqu’un de jaloux peut être perçu comme quelqu’un de contraignant ou des attitudes jalouse apparaissent souvent comme des contraintes.
Sacha Et à l’inverse, quelqu’un de non jaloux peut être aussi mal vu parce que quelqu’un qui n’aurait aucun enjeu, aucune envie d’être avec l’autre. Et donc quelqu’un qui ne serait pas jaloux peut être aussi vu comme quelqu’un qui n’aime pas suffisamment. Parce que si cette personne aimait vraiment, elle devrait être jalouse.
Alexia Oui, c’est vrai que ça peut être perçu comme une preuve d’amour. En ce sens, je réfléchissais à une métaphore avec un dragon et un trésor, et le dragon conserve jalousement son trésor. Donc on se dit, si quelqu’un est jaloux avec moi, c’est que j’ai de l’importance pour lui. Et c’est que je suis un trésor en soi. Donc je comprends que ça puisse être bien pris.
Adèle C’est vrai que dans mon expérience et dans mon vécu de la jalousie, quand je ressentais de la jalousie vis-à-vis de quelqu’un, ça m’éclairait aussi sur éventuellement quelque chose que je considérais comme important pour moi. Et par ailleurs, quand les gens étaient jaloux, je me sentais valorisée. Et quand ça n’a pas été le cas, il y a eu des moments où je m’inquiétais presque du fait qu’il n’y ait pas eu cette jalousie, dans mes rapports amoureux. Et je me demandais pourquoi la personne n’était pas jalouse et si elle tenait réellement à moi. Et pour moi, c’est quelque chose qui est un peu problématique dans les conceptions amoureuses. Parce que finalement, il n’y a pas besoin de cette jalousie pour se sentir valorisée par son partenaire. Et c’est plus quelque chose que je perçois comme polluant du lien. Ce qui ne veut pas dire que la jalousie est négative en soi. On a dit tout à l’heure que c’était quelque chose d’assez désagréable à vivre. Je suis d’accord avec ça. Mais par contre, ça ne veut pas dire que c’est inutile. Pour moi, il y a une utilité à la jalousie parce que comme…
Alexia Ouais.
Adèle je le qualifiais tout à l’heure, c’est un mélange d’émotions, et les émotions, elles disent quelque chose. Elles nous signalent si on a eu des limites qui ont été envahies, ça par exemple c’est la colère. Ou si on a un regret de ne pas avoir quelque chose, ou si on a perdu quelque chose, ça c’est plutôt la tristesse. Et donc la jalousie pour moi peut être un mélange de tout ça. Et nous signifier un endroit où on est en insécurité, ou alors où on a une attente qui n’a pas été respectée.
Alexia Oui, en ce sens, la jalousie, ça se réfléchit. Il y a un message qui est en train de passer entre nos émotions, entre notre ventre et notre cerveau. Et il y a quelque chose souvent à en tirer. C’est tout un travail.
Adèle Complètement, et puis elle vise tout simplement à nous protéger et à nous préserver de situations qui nous apparaissent comme dangereuses. Donc finalement, en soi, ce n’est pas négatif de vivre de la jalousie, c’est plus comment la vivre mieux et bien. Et comment éviter des manifestations qui peuvent être elles débordantes ou rentrer dans une forme de contrôle comme on le disait tout à l’heure. En se disant là il y a mon trésor, je suis le dragon et je vais cramer toute personne qui s’approche de ce trésor. Ce qui là est moins acceptable surtout dans nos modèles polyamoureux où on a envie à priori de partager le trésor.
Alexia Donc on a un mélange d’émotions qui varie énormément selon les personnes, selon les contextes, selon les moments de la vie. Quelque chose qu’on doit gérer, qu’on n’est pas obligé de gérer tout seul aussi. Par le super pouvoir de la communication, on peut en parler avec nos proches. Et essayer de comprendre ce qui se joue pour nous et ce qu’il faut qu’on change dans notre façon de voir les choses. Ou ce qu’on a besoin de changer dans les pratiques qu’on a relationnelles.
Sacha On peut aussi parler des préjugés, éventuellement. Un préjugé qui est très courant, c’est de dire que les personnes polyamoureuses ne sont pas jalouses. Et donc, d’une certaine manière, que le polyamour ne serait réservé qu’aux personnes qui ne ressentent pas de la jalousie. Parce que, franchement, qui pourrait avoir plusieurs amours tout en étant jaloux ? Et ça, c’est uniquement un préjugé, puisque de nombreuses, si ce n’est toutes, les personnes polyamoureuses ressentent de la jalousie, comme tout le monde. C’est juste qu’elles ont appris à travailler cette jalousie. Tout comme, d’ailleurs, dans le reste de la société, on apprend à travailler la jalousie en dehors du couple. On apprend à se dire que si on est jaloux parce qu’on a, je ne sais pas, son meilleur ami qui vient d’avoir une promotion… Il vaut mieux juste se réjouir que ce meilleur ami ait une promotion plutôt que de se dire « Ah, et moi, je ne gagne pas assez d’argent », etc. Et on apprend à travailler cette jalousie. Et de la même manière, les polyamoureux apprennent à travailler leur jalousie dans leurs relations amoureuses.
Alexia Après, il y a des subtiles différences entre quelque chose que tu peux toi aussi avoir en t’en donnant les moyens ou quelque chose que tu n’auras pas. Parce que tu peux être jaloux que tel partenaire soit allé avec Bidule à un mariage et ne t’ait pas invité toi. Et c’est quelque chose que tu n’auras pas et que tu n’auras jamais parce que l’évènement est passé, par exemple. Je trouve que la jalousie, elle se sépare en deux catégories sur ce plan-là. Vous voyez ce que je veux dire ?
Sacha Je crois que ça fait partie des notions qui font que certaines personnes vont différencier la jalousie de l’envie. Et de dire que ce sont deux émotions qui sont différentes. Moi, je considère que dans le langage courant, on utilise jalousie pour parler un peu de tout ça. Et que ce n’est pas forcément pertinent de faire une distinction claire entre les deux. Mais c’est vrai qu’il y a plusieurs mécanismes qui se jouent autour de la jalousie.
Alexia Est-ce que vous voulez me dire comment vous avez vécu la jalousie ? Est-ce que vous avez des témoignages par rapport à ça ? Ou est-ce que vous êtes polyamoureux et du coup vous êtes jaloux de personne ?
Adèle Alors clairement, moi même avant d’être polyamoureuse, ça m’est arrivé d’être jalouse. J’ai un souvenir d’enfant, être jalouse de mes frères et sœurs. Et donc c’est aussi pour conforter le fait que la jalousie se vit ailleurs que dans les liens amoureux. Mais effectivement, ça m’est arrivé ensuite d’être jalouse d’une partenaire d’un de mes partenaires. Et d’avoir l’impression que mon partenaire lui accordait plus d’attention ou plus de temps, de me sentir un petit peu délaissée. Et je pense que finalement, la jalousie que je vivais, elle venait du sentiment de comparaison. Je me mettais finalement indirectement en compétition avec cette personne parce que je cherchais à rapprocher les situations et je les comparais. Et dans cette comparaison, je me sentais lésée. Donc ça générait un sentiment de frustration. Et par ailleurs, ça se jouait aussi dans des moments où j’avais des « crises » de confiance en moi et d’estime de moi. Et du coup, je me sentais pas bien par moi-même dans ces moments-là, on va dire. Je me sentais pas assez. Et forcément, la comparaison n’était pas à mon avantage, ce qui faisait que je me sentais mal. Et comme la personne n’était pas là pour contrecarrer ces mauvaises pensées… Et au contraire qu’elle revenait en étant chargée d’énergie positive parce qu’elle avait passé un bon moment avec quelqu’un d’autre. Moi, je me sentais d’autant plus inquiète. Et par ailleurs, il y avait un sentiment de culpabilité. Je me sentais coupable d’être jalouse. Donc je n’avais pas forcément la maturité pour en parler et assumer ma jalousie. Et donc c’est quelque chose que je refoulais. Et je ne sais pas comment ça se passe pour vous, mais moi quand je refoule mes émotions, généralement elles reviennent frapper plus fort. Et du coup ce qui se passait, c’est que je me sentais encore plus mal et probablement encore plus inquiète. Donc voilà, si je résume, c’était vraiment cet aspect compétition. Je ne me sentais plus individualisée et valorisée. Et du coup, je me sentais assez mal et confrontée à ce sentiment de mauvaise estime de moi.
Alexia Et toi Sacha, t’as vécu la jalousie de façon similaire ou c’est assez différent ?
Sacha Je ne sais pas si je ressens énormément la jalousie. C’est un truc que je ressens, c’est sûr. Je ne suis pas sûr que je le ressente spécifiquement dans les relations amoureuses non plus. C’est juste que, comme disait Adèle, il y a une notion de comparaison qui peut arriver. Et lors, dans une relation, notamment relation amoureuse multiple, on peut comparer très facilement les différentes relations. On peut dire, celle-là, elle a ça, et celle-là, elle n’a pas ça, etc. Et donc, c’est beaucoup plus facile de faire des comparaisons. Et donc, c’est beaucoup plus facile que la jalousie arrive. Et moi, je dirais que la jalousie, elle arrive dans deux types de cas, un petit peu. Soit parce qu’il se passe quelque chose où je me dis juste que c’est pas censé se passer. Par exemple, plein de gens vont être jaloux parce que, je sais pas, leurs partenaires vont… embrasser quelqu’un d’autre. Et en fait ce qui les gêne c’est que c’est pas censé se passer c’est notamment ça qui va les gêner. Il y a d’autres choses qui peuvent les gêner mais en fait c’est le truc de « ah bah non c’est pas censé se passer ». Alors que s’ils y réfléchissaient peut-être qu’ils se diraient « bon bah en fait si elle embrasse quelqu’un d’autre dans une soirée c’est pas forcément très grave ». Donc il y a ce côté de c’est pas censé se passer.
Alexia Ça tient du contrat relationnel entre deux personnes. Du coup, tu veux dire implicitement, dans le contrat, il y aurait ça et ça reste présent ?
Sacha Je pense que ça va au-delà du contrat, que c’est juste que…
Adèle Peut-être que c’est lié à un sentiment de projection. C’est-à-dire qu’on projette ce qui est censé ou pas se passer dans la relation. Et du coup ce qui n’est pas censé se passer, dans notre imaginaire en tout cas… Ou dans le modèle de relation, pas forcément tel que défini explicitement ou implicitement, mais c’est vraiment un aspect… Ce truc-là, il n’était pas envisagé, et finalement je m’y retrouve confronté. Et quand je m’y retrouve confronté, je suis perdu, et donc je me sens jaloux.
Alexia Oui, après c’est une question de probabilité ou d’être préparé à l’éventualité que des choses se passent en fait ?
Adèle Pour moi, il y a un mélange des deux, oui. Il y a des aspects où on peut être surpris d’une situation et pas du tout s’y attendre. Donc elle ne rentrait pas dans un schéma qui nous était envisageable, et donc ça, ça peut générer de la jalousie. Ou alors, au contraire, il peut y avoir la menace de, on pense que si ça se produit, ça veut dire quelque chose d’autre. Qui nous fait peur. Et ça, je pense que ça arrive énormément dans le vécu de la jalousie, dans les relations amoureuses. C’est le typique « mon partenaire a couché avec quelqu’un d’autre et du coup, il ne m’aime plus et du coup, j’ai peur et du coup, je me sens jalouse de cet aspect-là », par exemple.
Alexia Ça, c’est lié à des croyances qui sont, s’il se passe quelque chose, ça veut dire que mon lien avec telle personne a changé.
Adèle Oui, alors que peut-être c’est pas du tout vrai. Peut-être que le fait que le partenaire couche avec quelqu’un d’autre ne signifie pas du tout qu’il va nous quitter ou qu’il ne nous aime plus. Et que finalement il va revenir encore plus amoureux et qu’il aura envie de passer un diner romantique avec nous.
Alexia Ouais, ça c’est pas le message que nous fait passer une société où on nous dit que l’amour existe avec un grand A et que c’est notre moitié. Et que cette personne est censée avoir d’yeux que pour nous durant toute sa vie. Et pas censée s’intéresser le moins du monde à quelqu’un d’autre ou faire le moindre geste d’attention vers quelqu’un d’autre. Et c’est vrai que ça c’est quelque chose qu’on voit tout le temps.
Adèle Après, du coup, je ne sais pas si c’est ça que Sacha voulait dire, mais moi, je l’associe vraiment à ce sentiment de projection.
Sacha Oui, pour moi, c’est effectivement pas mal ça. C’est soit une projection ou même une absence de projection. Enfin, on projette en tout cas qu’il ne va pas se passer un truc. Et puis tout d’un coup, il y a quelque chose qui se passe. On est perdu, déstabilisé. Et c’est là où la jalousie peut arriver parce qu’on se dit ça, ce n’était pas censé arriver comme ça. Ça met peut-être en insécurité et la jalousie arrive là-dessus.
Alexia En tout cas, toi, ça n’a pas tellement atteint ton estime de toi.
Sacha Sur le début, peut-être. En fait, parce qu’il y a cette incompréhension. Cette incompréhension de pourquoi est-ce que l’autre va faire ça, alors que clairement, il n’y a pas besoin de le faire. Parce qu’on se dit, dans une relation amoureuse, on est censé n’avoir d’yeux que pour l’autre. Et donc, dès que quelqu’un commence à faire des choses avec autre chose, on se dit, pourquoi est-ce que cette personne aurait besoin d’aller voir ailleurs ? Et donc ça, ça remet un peu en question, mais pour moi, c’est plus une incompréhension, effectivement, comme disait Adèle, de projection. On se projette qu’on va rester toute notre vie ensemble, juste tous les deux, il n’y a pas de problème. Et dès qu’on sort de cette projection, eh bien, on est un peu perdu, et c’est là où la jalousie arrive, et ça peut remettre un peu en question l’estime de soi. Mais ça, c’est des choses qui sont en fonction de notre conception du monde. Et dès que notre conception du monde, elle va changer, alors la jalousie, elle ne va pas forcément disparaitre, mais en tout cas, elle va disparaitre de certaines composantes, parce que notre conception a changé.
Alexia Après, là, on parle de jalousie vraiment dans le contexte du polyamour, j’ai l’impression. Il existe une jalousie romantique qui n’est pas du tout dans le polyamour où quelqu’un va être jaloux que son copain, je sais pas, sourie un peu trop à une autre personne, quoi. Et ça, on se dit… Enfin, c’est bizarre que la jalousie nous fasse dire qu’il n’est pas censé sourire autant à une autre personne, entre guillemets. Vous voyez ce que je veux dire ?
Adèle Je suis désolée, moi ça ne me parle pas trop parce que pour moi c’est la même chose à des degrés différents. Des degrés de contrôle entre guillemets de l’autre personne, de son corps, de ce qu’elle a le droit de faire ou pas faire. Mais en fait, en soi, je pense que c’est la même émotion et qu’elle est basée sur la même chose.
Alexia Je suis d’accord.
Adèle En revanche, là où je te rejoins, c’est qu’il peut y avoir des débordements dans cette jalousie et on n’est pas du tout en train de… On a parlé tout à l’heure du fait que la jalousie était une émotion légitime. Et pour le coup, il y a effectivement une émotion qui peut être légitime, mais il peut y avoir des débordements dans les manifestations de cette jalousie. Et on n’est pas du tout en train de vouloir légitimer certaines actions qui vont pousser certaines personnes à contrôler totalement le corps de leur partenaire en se disant qu’il n’a pas le droit de sourire à… qui que ce soit dans la rue, par exemple.
Alexia Je pense qu’on est d’accord là-dessus. Du coup, de mon côté, j’ai un peu la même chose qu’Adèle, c’est-à-dire les moments où j’ai ressenti de la jalousie, ça a vraiment remis en question mon estime de moi. J’ai quelqu’un en face qui a de l’attention de la part de quelqu’un que j’aime bien et je me suis dit, ça veut dire que je n’ai aucune valeur pour être tout à fait extrême. S’il y a quelqu’un en face qui sait faire quelque chose et moi je sais pas faire cette chose et j’aimerais bien, je me sens dévalorisée, tout simplement. Et c’est très désagréable et c’est un peu absurde. Mais voilà, j’ai été en proie à la jalousie aussi. Mais moins maintenant. C’est parce que j’ai beaucoup pris confiance en moi, j’ai l’impression.
Sacha Il y a un autre type de jalousie dont on n’a pas trop parlé et que moi, je ressens de temps en temps, mais qui est beaucoup plus facile à évacuer, disons. C’est quand quelqu’un, notamment quelqu’un de proche, une partenaire, par exemple, va faire quelque chose dont on réalise qu’on a envie. Par exemple, si ma partenaire va partir en weekend avec quelqu’un d’autre. Que ça soit un autre partenaire ou juste des ami·e·s ou la famille, peu importe finalement. Et que moi, en fait, j’avais envie de partir en weekend… Soit d’ailleurs que j’avais envie de partir en weekend depuis un moment, soit en fait que je ne m’en étais pas rendu compte que j’avais envie de partir en weekend et je me dis tiens, ça c’est une envie que j’ai. Ça correspond à une envie qu’on a et de voir quelqu’un d’autre faire quelque chose qu’on aurait envie de faire avec elle. Et ce qui est marrant là-dessus, c’est que la jalousie, elle peut aussi arriver là-dessus sur des activités que j’aurais même pas forcément envie de faire. C’est-à-dire que si je vois… Quand je vois par exemple Alexia qui va aller danser en soirée techno avec quelqu’un d’autre. Je me dis « Ah oui, mais ça a l’air fun de danser en soirée techno, moi je n’y vais pas. » Et après, je réfléchis, je me dis « Mais je n’ai pas envie, je n’ai pas envie de faire ça. » Mais pourtant, la jalousie, elle peut quand même arriver, parce que c’est plus que juste l’activité en elle-même, mais c’est tout le cadre qu’il y a autour.
Adèle J’avoue que ça a dû m’arriver aussi de me dire « Waouh, cette personne, elle est super forte à tel machin, je suis grave jalouse. En plus, elle reçoit de l’attention de ces personnes-là que j’aime bien parce qu’elle sait faire, je ne sais pas, du jardinage trop, trop bien. Et franchement, moi aussi, j’aimerais trop faire du jardinage. » Et ensuite, je me pose deux minutes la question et je suis là : « Ben non, en fait, il y a plein d’autres activités que j’ai envie de faire plutôt que du jardinage. » Donc c’est pas du tout approprié.
Alexia Aïe. La jalousie qui vient de façon un peu absurde parfois.
Adèle Oui, complètement, et qui fait vraiment, pour moi qui est vraiment liée à autre chose. Qui est, ok, la personne que j’aime bien prête de l’attention à quelqu’un d’autre, qu’éventuellement j’aime bien aussi, et les deux vont avoir une complicité. Et finalement ça me signale plutôt que je suis jalouse de la complicité, et que moi aussi j’ai envie d’en avoir, plutôt que d’une activité. Et c’est pas du tout incompatible que les deux personnes que j’aime bien aient la complicité entre elles, et que j’en ai avec elles aussi. Donc ça m’apprend à voir un petit peu les choses différemment, oui.
Alexia Il y a quelque chose dont je veux parler aussi c’est ça m’est arrivé d’être jalouse mais ne pas m’en rendre compte et en souffrir. Et me sentir super mal sans avoir la moindre idée de ce qui se jouait pour moi. J’étais là je vois pas ce qui s’est passé de particulier. Et j’ai fait en fait un gros déni de jalousie. C’est-à-dire j’étais jalouse mais je voulais pas me l’avouer à moi même je pense que j’avais honte. Je pense que reconnaitre ma jalousie ça me faisait admettre que j’avais une mauvaise estime de moi et ça renforçait ma honte en fait.
Adèle Ah ouais.
Alexia Donc ça a été super nul. Et j’invite tout le monde à se demander s’il est jaloux et c’est pas grave d’être jaloux. Et ça veut pas dire que vous êtes moins. Et ne faites pas comme moi à fermer les yeux là dessus quoi.
Adèle Ah c’est fou parce que moi ça s’est pas manifesté du tout de la même manière quand je suis jalouse généralement je m’en rends compte. Mais par contre il y a quand même cette culpabilité de « ah mais je suis trop nulle d’être jalouse ». Et du coup ça fait quand même l’effet cercle vicieux. Donc finalement, la réalisation du fait qu’on est jaloux est qu’une première étape.
Alexia C’est sûr qu’il reste du travail après. La question de comment vous gérez le fait d’être jaloux, on en a parlé entre nous et on s’est dit qu’il y avait un peu deux cas de gestion de jalousie. Un cas qui est géré quand il y a une crise. C’est-à-dire il se passe vraiment quelque chose et d’un coup on se sent jaloux. Éventuellement parce que notre partenaire est avec quelqu’un d’autre, ou je ne sais quelle autre situation. Et il y a une autre jalousie qu’on pourrait mettre à côté qui est plus diffuse dans le temps. Et avec laquelle on vit et sur laquelle on peut changer des choses ou en parler avec le partenaire pour la gérer, faire en sorte qu’elle s’estompe ou quelque chose comme ça.
Sacha Pour moi, ce qui définit un peu la crise, c’est surtout l’intensité.
Alexia Ouais, pour moi, il y a vraiment une question de ponctuel aussi. Je dirais qu’une crise de jalousie, c’est vraiment très ponctuel et c’est intense à un moment. Et puis après, ça sera moins fort.
Sacha Oui, mais tu peux avoir un truc ponctuel, mais pas fort aussi.
Alexia Oui, c’est vrai. Quelque chose de ponctuel et intense, c’est vrai. T’as raison. Je vous propose de commencer par ce cas-là parce que j’ai l’impression que c’est le plus court. Est-ce que ça vous est arrivé déjà d’avoir des crises de jalousie ?
Adèle De mon côté, ça m’est arrivé et effectivement, je me sentais très très mal. Ma gestion, elle a un petit peu évolué par rapport à ça. Il y a des moments où je les gérais très très mal, surtout au début, où en fait, je me sentais hyper jalouse, je me sentais hyper mal, je me mettais en boule dans mon lit, je pleurais, je ne savais pas quoi faire. Et ce n’était pas très constructif, mais c’était vraiment… une situation où je me sens débordée par mes émotions, donc je ne sais pas les gérer. Et comme je ne peux pas me tourner vers la personne ressource puisqu’elle est parfois l’objet de ma jalousie, ça me bloque et je suis dans un état où je ne sais pas quoi faire. Ça m’arrive moins maintenant parce que déjà j’accepte de ressentir cette jalousie et de me dire « ok, je me sens mal ». Et du coup j’ai des petits tips sur comment je peux gérer la situation pour faire redescendre en intensité les émotions quand j’ai des débordements. Par exemple je prends une douche chaude parce que ça m’est agréable et ça me permet de me laver un petit peu de toutes ces mauvaises émotions. Ou je bois une boisson chaude parce que pareil c’est un petit peu un geste doudou on va dire qui me tranquillise et qui me ramène à une réalité très tangible. Pareil pour des pratiques un petit peu sportives comme du yoga ou de l’escalade, vu que c’est des sports que je pratique et qui parfois me ramènent dans mes ressentis corporels. Mais en les renormalisant, c’est-à-dire que ça fait redescendre l’intensité des émotions. Après, il faut que ce soit possible, que le contexte le permette, donc c’est plus ou moins possible. Mais donc voilà, ça c’était des premiers exemples très concrets de choses que je peux me retrouver à faire quand ça ne va pas. Et puis après, il y a des mécanismes mentaux, on va dire. qui consistent plutôt à me dire, ok, je ne me sens pas bien là, tout de suite, mais c’est temporaire, comme on l’a dit, et ça va passer. Et donc, dans quelques heures ou dans quelques minutes, cette émotion, elle va redescendre. Ça, ça m’aide aussi un petit peu à me calmer.
Alexia Et toi, Sacha, tu vis des crises de jalousie ?
Sacha Moi, ça fait longtemps que je n’ai pas ressenti de la jalousie de manière très forte, donc je n’aurais pas d’analyse très pertinente à dire sur ce qui m’était arrivé il y a longtemps. J’ai l’impression que maintenant, quand la jalousie arrive, j’arrive à la diffuser beaucoup plus rapidement et à agir dessus, et que ça n’atteint jamais des niveaux très élevés.
Adèle Wow. Je suis admirative.
Alexia Moi, je me souviens de crises de jalousie que j’ai pu faire à certains moments. Et je rejoins Adèle sur les questions de boisson chaude, douche chaude, faire en sorte de se mettre un truc confortable, se raccrocher à quelque chose. Et de mon côté, ce qui m’aide beaucoup systématiquement, c’est écrire. Et quand je me sens pas bien, je vais prendre une grande feuille de papier devant moi et écrire les émotions que je ressens, par exemple. Essayer de savoir qu’est-ce qui a été déclencheur de ces émotions et vraiment faire une sorte d’analyse à chaud, si je peux. Et ça peut être difficile parce que je peux être en train d’écrire des trucs et en y réfléchissant, en écrivant, en reliant les concepts… Par exemple, ok, je sens que je suis en colère parce que mon partenaire est en ce moment avec une autre partenaire. Et je crois qu’il l’aime plus que moi que j’ai pas de valeur. Et après je me retrouve à pleurer parce que ça me touche ce que j’écris je suis en plein dans la gestion des émotions qui sont difficiles. Mais c’est un exercice qui m’aide beaucoup à me centrer et à décomposer ce qui se passe.
Adèle C’est vrai que faire le point sur pourquoi on ressent ces choses-là, d’où ça vient, c’est pour moi vraiment la première étape. Parce que derrière, ça donne un pouvoir d’action potentiel si on sait pourquoi la situation s’est produite de cette manière-là. On est capable de faire le tri entre ce qui est légitime et ce qui nous parait moins légitime. Et éventuellement de demander plus tard, dans un second temps, une fois que la crise est passée, effectivement, de la rassurance à son partenaire. Sur « est-ce que tu m’aimes toujours, même si tu as passé un temps super avec cette autre personne que moi ? » Ou d’autres aspects, oui.
Alexia J’ai entendu des gens aussi qui donnaient un nom à leur jalousie pour essayer de l’objectifier et la gérer de façon… Pas de façon à vouloir la contrôler et la dominer absolument, mais c’est un peu comme un petit animal à apprivoiser, quoi. Je sais pas comment ils appellent leur jalousie, genre… Doubsie ou… Je sais pas quoi.
Adèle Tu faisais pas ça toi un moment, Alexia, il me semblait. Ou c’était pour des émotions ?
Alexia Je fais ça avec ma mauvaise foi.
Adèle Ah oui.
Alexia Parce que je peux être de très mauvaise foi et dire des choses de mauvaise foi. Et je crois que je l’avais appelée Géraldine, alors pardon à toutes les Géraldine, mais ma mauvaise foi s’appelle comme ça. Et ça me permettait de dire les choses en me dédouanant et en me disant « c’est pas moi, c’est Géraldine ». Mais ça permet de dire que j’y accorde pas de crédibilité, mais que c’est des propos qui peuvent sortir de moi d’une certaine manière.
Adèle Ouais, de mon côté, j’ai fait ça aussi pour encourager ma colère à pouvoir s’exprimer. De mon côté, elle s’appelait Hadès, parce que c’est une flamme complètement… Ouais, qui me parait démesurée, et donc je trouvais que ça collait bien avec mes émotions de colère qui arrivaient comme un truc bouillonnant. Et en fait, ça se recoupait souvent avec des moments de jalousie, parce que ma colère se manifeste énormément quand je reçois un sentiment d’injustice. Et ça arrive aussi dans la jalousie. Donc finalement, ça m’est arrivé de parler d’Hadès dans des moments de jalousie.
Alexia Je pense qu’on peut ouvrir sur les questions de la gestion. Sur la gestion de crise, il n’y a pas grand-chose à faire. De toute façon, vous allez souffrir et c’est tout. Et comme disait Adèle tout à l’heure, c’est vrai que se dire « Ok, c’est dur, mais ça va passer », c’est pas mal de se raccrocher à ça. Peut-être appeler un ami aussi quand on se sent pas bien ou échanger par message avec un ami, ça peut aider aussi.
Adèle C’est vrai que ça m’est arrivé qu’en ressentant ces mauvaises émotions, je ne me sens pas toujours capable de les gérer seule. Les émotions, elles nous appartiennent, bien sûr, mais c’est vrai qu’on peut chercher une aide extérieure pour un petit peu nous aider à apaiser les choses. Moi, personnellement, quand je ressens de la jalousie, je vous l’avais dit tout à l’heure, c’est pas mal lié à des aspects de confiance et d’estime de moi. Et où je me dis que finalement, j’ai pas de valeur, je suis pas digne d’être aimée. Et là-dessus, un appel à un ami ou à une autre relation amoureuse peut aussi me rappeler que finalement, j’ai de l’importance et que j’ai de la valeur en soi. Et le fait de l’entendre de la bouche de quelqu’un que j’aime me le rappelle. Je pense que c’était très fort au début et que c’était nécessaire, peut-être presque pour moi, de l’entendre de la bouche de quelqu’un d’autre et donc l’appel marchait bien. Maintenant, je pense que je peux plus facilement me reposer sur un simple échange de messages. Par exemple, j’envoie un cœur, la personne, je sais qu’elle va me répondre et donc ça me réconforte déjà. Et après il y a un autre aspect qui moi m’a beaucoup beaucoup aidé dans la gestion de ma jalousie, c’est de voir que ça venait d’une peur et de me confronter à cette peur. Je vais vous prendre un exemple. J’ai été très jalouse d’une fille qui me paraissait incroyable, mais dont je ne connaissais absolument rien, vu que mon partenaire en parlait très très peu. Et je ne voulais pas envahir sa vie personnelle en lui posant trop de questions. Et du coup, en fait, je savais très peu de choses de sa relation avec cette personne. Et j’avais juste détecté qu’il était amoureux d’elle et que c’était peut-être réciproque. Et du coup… j’avais hyper peur que les deux personnes impliquées se disent « Bon, ben finalement, en fait, on est fait pour être ensemble » et que mon partenaire me quitte pour cette personne. Et du coup, j’envisageais mille scénarios. Et en fait, je ne savais pas du tout lequel allait se produire et je paniquais totalement. Et à un moment donné, je me suis dit, mais en fait, si mon partenaire tient à cette personne, peut-être que c’est parce que cette personne est super. Et peut-être que je pourrais lui proposer de la rencontrer et qu’elle me ferait moins peur vu que ce serait finalement… Je rencontrerais une personne et ça me permettrait en fait d’arrêter de me faire des films totalement délirants. Sur le fait que cette personne est mieux que moi sur tous les plans, que moi je n’ai aucune valeur, et de ne pas savoir sur quoi cristalliser finalement cette peur. Et moi, ça m’a énormément aidée de rencontrer ma meta. De lui parler, de voir que c’était une personne chouette, de me dire que finalement je comprenais pourquoi mon partenaire était attaché à cette personne. Même si ça peut être dur parce qu’effectivement cette personne était géniale et du coup était probablement mieux que moi sur plein d’aspects. Il y avait un aspect où c’est un être humain, elle est humaine, moi aussi, et finalement je pourrais être amie avec cette personne. Et donc elle me fait tout de suite moins peur vu que je me dis que c’est une personne qui ne va pas chercher à me blesser ou à me détruire. Et c’était quelque chose dont je n’étais pas du tout sure avant de la rencontrer. Donc voilà, je ne vous invite pas à aller rencontrer vos métas et à vous confronter à toutes vos peurs, mais parfois ça peut être utile. Et moi, l’avoir fait une fois m’a rassurée sur d’autres aspects de la jalousie qui pouvaient être vécus ailleurs.
Sacha J’ai l’impression que c’est quand même présenté par pas mal de gens comme un bon antidote à la jalousie qu’on peut ressentir envers ses métamours. Les rencontrer, il y a beaucoup de gens que ça aide beaucoup. Parce que, comme tu disais, il y a plein d’imagination qui va se passer envers, plein de projections sur qu’est-ce que va être l’autre personne. Une idéalisation, souvent, que cette personne, elle est forcément formidable, incroyable. Ce qui est peut-être le cas. Mais le fait de la rencontrer ça la rend effectivement comme tu l’as dit plus humaine. Et de voir qu’elle a aussi des défauts que ce n’est pas juste l’essence d’une personne parfaite sans aucun défaut. Mais que c’est une personne normale comme tout le monde probablement une personne très bien mais ça permet effectivement de l’humaniser. Et ça aide beaucoup la jalousie comme ça l’a fait pour toi mais ça le fait aussi pour plein d’autres gens.
Adèle Oui, et puis ça permet d’éviter de développer effectivement la rancœur dont parlait Alexia au début de l’épisode. Moi, j’ai beaucoup plus de mal à développer de la rancœur vis-à-vis de quelqu’un que j’apprécie. Et finalement, là, il se trouve que la personne, je l’ai trouvée cool. Donc en fait, après, je n’avais plus du tout envie de lui en vouloir.
Alexia Bon, après, ça ne marche pas à tous les coups. Il y a des fois où on connait notre méta et ça ne marche pas. On se sent quand même en insécurité ou on ne se sent quand même pas bien. Malheureusement. Je pense que c’est quelque chose à essayer dans tous les cas. Je pense qu’il y a des probabilités que ça aide pas mal. Ça ne règle pas forcément tous les problèmes. Il faut avoir ça en tête, évidemment.
Adèle Oui, complètement. Et d’ailleurs, pour continuer sur des exemples, moi, ça m’est arrivé d’être jalouse, par exemple, d’Alexia, que je connais très bien et avec qui je suis très amie. Et là, du coup, cette solution ne pouvait pas trop s’appliquer. Mais là, c’était un petit peu différent, vu qu’éventuellement, on pouvait quand même en parler et on a un lien qui est suffisamment fort. Donc, c’était encore autre chose.
Alexia Je voudrais juste revenir sur un moment Adèle t’as mentionné le fait d’envoyer des cœurs à d’autres personnes quand on est en crise ou qu’on se sent pas bien. C’est quelque chose que j’ai beaucoup fait aussi. Donc discuter avec d’autres personnes etc. Et j’ai un autre truc qui est beaucoup plus récent mais qui m’aide énormément. Ça consiste en s’adresser à la personne qui provoque notre jalousie, qui est liée à notre jalousie, mais s’adresser à elle d’une façon où elle ne voit pas qu’on s’adresse à elle. C’est-à-dire, sur une conversation, sur une messagerie, je vais créer une conversation réserve pour un partenaire, par exemple. Et si ce partenaire, à ce moment-là, il est en train de… je ne sais pas, faire de la salsa avec un autre partenaire. Je vais m’adresser dans cette conversation réserve que j’appelle avec son prénom et je vais lui dire… « Oh, ça se fait pas de faire de la salsa avec un tel alors que moi j’adore danser et tu m’as même pas proposé, c’est injuste. » Et je vais laisser complètement toute ma colère sortir sur cette conversation réserve. Et plus tard, à froid, je la passerai en revue et je regarderai les messages et je me dirai « Est-ce que dans ces messages, il y a quelque chose que je veux communiquer à la personne ? » Ou est-ce que juste j’étais en colère parce que j’étais en insécurité et en fait, c’est passé maintenant et je sais que la personne, elle… En fait, elle veut bien aller danser la salsa avec moi aussi, donc ça n’a pas lieu d’être cet épanchement de ma lettre.
Adèle Ça me parait une solution hyper intéressante. Moi, je ne la mets pas du tout en œuvre et parfois, je communique directement les choses en me disant la personne, elle lira plus tard. Ou alors, effectivement, je m’écris directement le message que j’ai envie d’adresser à la personne, mais je le laisse presque en l’état avant de le partager à la personne. Et là, du coup, ça rajoute une phase de recul qui te permet de plus facilement faire le tri. Et de pouvoir faire une demande derrière qui du coup sera forcément, probablement plus construite et plus légitime. Puisque tu auras pu faire le tri entre qu’est-ce qui venait du débordement d’émotions et qu’est-ce qui est finalement important et réalisable. Et effectivement le premier réflexe ça va être de dire bon bah du coup il faut pas que t’ailles faire de la salsa avec bidule. Alors que la vraie demande et qui elle peut être légitime c’est « Moi j’aurais bien aimé danser avec toi, est-ce qu’une prochaine fois on peut se prévoir d’aller danser le rock ou la salsa ensemble ? »
Alexia Ouais, tout à fait. Sacha, comment tu gères ta jalousie toi ?
Sacha Moi, j’ai l’impression que j’ai un petit peu une recette en trois étapes. Ce n’est pas quelque chose que je suis à la lettre, mais si je prends du recul, j’ai l’impression que c’est comme ça que ça se passe à chaque fois. Il se trouve que les trois étapes ont déjà été mentionnées. Là, vous en avez déjà parlé en quelque sorte, en parlant notamment de la jalousie de crise. Mais moi, c’est ce que j’applique à chaque fois que je ressens de la jalousie. La première étape, c’est d’identifier ce qui se passe. Si je ressens la jalousie, je me dis tiens, je suis jaloux. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ? Quel est le problème derrière ? Qu’est-ce qui pose réellement problème derrière cette jalousie ? Si je suis jaloux, je ne sais pas que ma partenaire parte en soirée avec quelqu’un d’autre, pourquoi est-ce que je suis jaloux que ma partenaire parte en soirée avec quelqu’un d’autre ? Est-ce que c’est parce que moi, j’avais très envie d’aller à cette soirée ? Ou est-ce que c’est juste que la société me dit que ma partenaire n’est pas censée aller en soirée avec quelqu’un d’autre ? Et qu’en fait, moi, je suis bien plus heureux de rester tout seul chez moi à faire mes trucs ? Quel est le problème ? Qu’est-ce qui me pose problème ? Est-ce que c’est un problème qui n’en est pas vraiment un ? Parce qu’en fait je suis très très content de rester chez moi à faire autre chose et qu’en fait du coup ma jalousie elle n’a pas lieu d’être. Ou est-ce qu’il y a vraiment quelque chose à faire ? Donc la première étape c’est vraiment identifier ce qui se passe et vous en avez déjà parlé effectivement première étape identification c’est un petit peu la base. Et ensuite, la deuxième étape, c’est d’en parler si nécessaire. Et donc, là, vous avez évoqué plusieurs outils qui peuvent être pertinents selon les gens, qui peuvent être plus ou moins utiles. Écrire à chaud tout ce qu’on ressent, etc. Et dans un second temps, en parler à la personne. Et c’est notamment important de le faire s’il y a vraiment un problème et qui vient d’un agissement concret de l’autre personne. Par exemple, lui dire « Bon, ben là, t’es parti en soirée alors que moi, j’avais très envie d’aller à cette soirée. J’aimerais bien que la prochaine fois, quand tu comptes aller à une soirée, tu m’en parles un petit peu avant et qu’on en discute. » Par exemple. Ou alors, et c’est pas forcément nécessaire de parler de ça, si jamais c’est quelque chose qui n’est lié que à moi. Que le problème, en fait, il ne vient que de moi, parce que juste, j’ai ressenti que, en fait, ça m’a fait une petite pique sur le coup, mais qu’en fait, c’est juste à moi de gérer ça. Je pense que c’est quand même intéressant d’en parler dans tous les cas. De dire, ah tiens, pour information, quand t’es partie en soirée à ce moment-là, ça m’a fait un petit peu bizarre, mais ne t’inquiète pas, c’est juste quelque chose de mon côté. Voilà, donc, deuxième étape, c’est en parler. Et la troisième étape, c’est proactivement proposer des solutions. Et donc, si la jalousie vient d’un manque, de par exemple, que moi aussi, j’aimerais passer des soirées avec ma partenaire. De dire, bon, toi, t’es partie en soirée là-dessus, ok, très bien, soit, mais moi, j’aimerais qu’on parte en soirée ensemble, est-ce qu’on peut planifier tous les deux des soirées ? Et dans ce cas-là, je fais directement la proposition, je suis actif dessus, pour qu’il se passe quelque chose. Et si jamais c’est quelque chose qui n’est pas vraiment du ressort de mon partenaire, parce que c’est quelque chose qui est plutôt lié à moi, comment je ressens les choses. Dans ce cas-là, on peut aussi en parler et dire « Ah, quand tu pars en soirée avec quelqu’un d’autre, ça me fait un petit peu de mal. Je veux pas t’empêcher de vivre ta vie, mais comment est-ce qu’on pourrait faire en sorte que ça puisse me ménager un petit peu ? Que, je ne sais pas, pendant la soirée, tu m’envoies des messages pour dire que tu penses à moi, par exemple, ou je ne sais pas. » De trouver ensemble des moyens de ménager ma jalousie sans porter toute la responsabilité de ma jalousie sur les autres. Mais en disant, bon, les autres, ils tiennent à moi, comment est-ce qu’on peut s’aider ? Comment est-ce que les autres peuvent m’aider à ce que je puisse mieux gérer ma jalousie ?
Adèle Totalement, moi, c’est quelque chose que je me suis retrouvée à faire tant pour soigner la jalousie des autres que des demandes personnelles que j’ai faites. L’histoire de j’envoie un message pour rappeler que la personne, elle est importante pour moi. Ou alors moi, je demande à ce qu’on m’envoie un message pour qu’on me rappelle que je suis quand même… Que j’existe encore aux yeux de l’autre personne. C’est des choses qui sont assez simples à mettre en œuvre. Et qui finalement marchent pas mal en tout cas quand la situation c’est qu’on a peur d’être abandonné·e et de plus être aimé·e. Ce qui est souvent le cas avec la jalousie.
Sacha Un dernier point qu’on peut dire à propos de la gestion de la jalousie, c’est que c’est quelque chose qui va être très différent selon les différentes personnes, différentes personnalités. Certaines personnes vont avoir beaucoup de mal avec la jalousie et c’est quelque chose qui va être très difficile pour elles à gérer. Et pour d’autres, ça va être extrêmement simple. Et même, ça peut aller un petit peu à l’inverse. Et la personne, au lieu de ressentir un sentiment négatif à l’idée que leur partenaire vive des moments privilégiés avec d’autres gens, vont se réjouir du fait que leur partenaire vive des choses… chouette avec d’autres gens. Et ce sentiment, dans la communauté polyamoureuse, on appelle ça la compersion. La compersion, c’est la joie, le bonheur qu’on ressent du fait que quelqu’un d’autre, le plus souvent son partenaire, vive des choses chouettes avec d’autres gens. Et plus particulièrement, souvent, ça s’applique à vivre des choses de l’ordre romantique ou sexuel ou intime.
Adèle J’ajouterais d’ailleurs que ça peut arriver, même si c’est rare, qu’on vive de la compersion et de la jalousie en même temps. C’est-à-dire qu’on est super content que son partenaire ait des expériences avec quelqu’un d’autre, et à la fois, on peut avoir des peurs et on peut se sentir quand même jaloux. Mais c’est encore des choses qui peuvent rendre encore plus confus, vu que là, c’est carrément un cocktail d’émotions.
Alexia Et pour les personnes qui auraient du mal à imaginer comment ça peut exister, la compersion… J’ai envie de dire que c’est un peu comme quand un ami se retrouve dans une super situation. Par exemple, est en train de vivre une très belle histoire avec quelqu’un dont il est amoureux. Et on se sent content pour lui, on le voit qui est rayonnant et tout, et ça nous fait chaud au cœur. Et ce phénomène peut se produire chez quelqu’un avec qui on est lié romantiquement. Donc nous allons conclure l’épisode et pour ça on voudrait chacun et chacune souligner quelques points qui nous semblent importants.
Adèle De mon côté, j’ai envie que vous reteniez que la jalousie est un mélange d’émotions et que ces émotions ne sont pas mauvaises en soi puisqu’elles signalent quelque chose. Et notamment les accepter peut permettre derrière de les traiter et donc de faire des demandes permettant une meilleure gestion de sa jalousie.
Alexia J’aimerais dire pour ma part que le sentiment de jalousie peut varier selon les moments de vie. Il y a des moments où on peut le sentir de façon assez forte et ce n’est pas une fatalité. Plus tard dans la vie, ça peut être quelque chose auquel on est beaucoup moins soumis. Et ça varie. Ça devient de moins en moins difficile de vivre la jalousie, je trouve, dans les relations polyamoureuses. Mais ce n’est jamais tout à fait gagné pour autant et c’est normal que parfois la jalousie revienne et que ce soit un peu difficile.
Sacha Et moi, de ce que je retiens de la jalousie, c’est quelque chose que j’ai envie de voir comme quelque chose de positif, même si ça peut être un petit peu désagréable. Mais de quelque chose de positif parce que ça nous apprend des choses sur soi, sur une situation qu’on considère qui nous pose problème. Et donc c’est une information pertinente. Et donc, en cela, je considère que la jalousie, c’est positif.
Alexia C’est donc la fin de notre première discussion. Bravo tout le monde. Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !