02. [Notion] Qu’est-ce que la monogamie ? Une histoire d’exclusivités
Ep. 02

02. [Notion] Qu’est-ce que la monogamie ? Une histoire d’exclusivités

Episode description

La monogamie : qu’est-ce que c’est ? À quel moment on en sort ?

Ce premier épisode fait partie d’une série appelée “Notions” dans laquelle nous présentons le polyamour.

Or, le polyamour est une chose : de la non-monogamie.

Mais alors on doit chercher à définir la monogamie ! Et la monogamie c’est avant tout de l’exclusivité. Cette exclusivité peut se répartir dans quatre catégories :

  • l’exclusivité sexuelle,
  • l’exclusivité émotionnelle,
  • l’exclusivité sociale,
  • l’exclusivité structurelle.

Suivez-nous, on présente tout ça de plus près !

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Adèle Bienvenue dans « À tes amours », le podcast qui propose une autre manière d’aborder les relations. Nous sommes Adèle,

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Alexia Alexia

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Sacha et Sacha,

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Adèle et nous allons vous parler notamment d’émotions, de communication, de polyamour et d’autres formes de non-monogamie. Ce podcast s’adresse à toute personne s’interrogeant sur les relations.

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Alexia Voici notre deuxième épisode. Il s’inscrit dans une série de quelques épisodes qu’on appelle les notions. Dans cette série, on va aborder les notions de base concernant les relations non-monogames. Et comme on veut parler des relations qui ne sont pas monogames, il y a ce passage obligatoire de se poser la question « qu’est-ce que c’est une relation monogame ? » Alors comme on l’a mentionné dans l’épisode précédent, les gens se raccrochent très vite à la question de la sexualité, comme si un couple monogame se définissait par deux personnes qui partageaient de la sexualité. Mais voyons quelques exemples en vrac. Peut-être que je n’ai pas envie de passer des soirées à regarder des séries, et je peux me dire que c’est ok si ma partenaire regarde Black Mirror avec quelqu’un d’autre. Ou alors imaginons que j’aime vivre avec mes colocataires, pourquoi je devrais les quitter et emménager avec mon copain dans l’immeuble d’en face ? Mes partenaires n’aiment pas danser, pourquoi je ne pourrais pas prendre des cours de danse avec mon meilleur ami ? Et si j’organise Noël chez moi avec ma famille, pourquoi je ne pourrais pas inviter mes deux amours ? Peut-être que des situations semblables vous ont déjà posé problème. On vous propose de structurer un peu les choses en considérant quatre catégories : l’exclusivité sexuelle, l’exclusivité émotionnelle, l’exclusivité sociale et l’exclusivité structurelle. Et en fait, on peut considérer que ce qu’on appelle monogamie, c’est une sorte d’assemblage de ces exclusivités. Elles sont souvent implicites, et quand on remet en question la monogamie, que ce soit pour décider de rester monogame, ou pour essayer autre chose, eh bien on a tout intérêt à parler de ces quatre composantes. Et c’est ce qu’on va faire tout de suite !

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Sacha La composante sexuelle est simple et bien connue. En gros, en relation monogame, on a le droit de n’avoir de rapport sexuel qu’avec son unique partenaire. Et, toujours dans le cadre de la monogamie, quand on parle de tromperie, c’est qu’on n’a pas respecté cette règle et qu’on a fait du sexe avec quelqu’un d’autre. À priori, c’est clair pour tout le monde ! Mais bon, ça parait clair, alors qu’en réalité, ça peut facilement devenir plus complexe que ça. Notamment parce que chacun et chacune a une vision différente de ce qui constitue de la sexualité. Où est-ce que ça commence ? Un bisou sur la bouche d’une inconnue en soirée, c’est tromper ? Un bisou sur la joue d’un ex, c’est trop ? Dormir avec sa meilleure amie dans un lit, même sans se toucher, est-ce que c’est acceptable ? Comme les conceptions autour de tout ça varient d’une personne à l’autre, il est important, quel que soit le modèle relationnel, de garder une discussion ouverte et sans jugement à propos des situations qui sont acceptables et celles qui ne le sont pas. Ne pas en parler, c’est prendre le risque de s’aventurer sur des terrains qui peuvent rendre inconfortables ou blesser des personnes. En plus du flou sur ce qui définit ce qui est de la sexualité, il y a le flou autour de quand l’exclusivité sexuelle s’applique dans une relation monogame. Une personne monogame mais célibataire se permet parfois d’avoir des relations sexuelles avec différentes personnes, parfois des gens qu’elle ne revoit pas par la suite, mais parfois des gens qu’elle commence à fréquenter. À partir de quand cette personne n’est plus célibataire ? Ce n’est pas toujours très clair. Finalement, l’enjeu n’est pas tant de savoir ce qui est sexuel ou non, mais de déterminer quelles pratiques sont exclusives ou non au sein d’une relation. Quelqu’un peut décider que se tenir la main dans la rue, ce n’est pas sexuel, mais tout de même vouloir que ça reste exclusivement réservé à son couple. Et lorsque vous discutez de ce qui est autorisé ou non, peut-être que d’un commun accord, vous déciderez que l’exclusivité sexuelle n’est pas si importante que ça pour vous. Que vous aimeriez bien explorer d’autres choses. On donnera plus d’exemples des arrangements habituels dans le prochain épisode si ça vous intéresse. Rapidement, on peut mentionner les couples qui pratiquent de la sexualité avec d’autres personnes, mais avec toujours les deux personnes du couple présentes. On entend aussi les expressions couple libre ou couple ouvert pour parler d’un couple qui accepte par exemple les coups d’un soir, avec qui il n’est pas accepté de développer des sentiments amoureux. Ces couples gardent donc l’exclusivité émotionnelle, que l’on va maintenant développer.

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Adèle L’exclusivité émotionnelle parait plutôt simple à appréhender. C’est la restriction du sentiment amoureux à sa ou son unique partenaire. En gros, on n’a pas le droit de développer une autre histoire d’amour ou d’avoir des sentiments pour une autre personne. Concrètement, l’exclusivité émotionnelle peut se manifester par des actions, comportements ou mots qu’on va réserver à son amoureux ou son amoureuse dans les relations monogames. Certaines personnes ont également des traits d’exclusivité émotionnelle envers leurs meilleur·e·s ami·e·s. Une manifestation de l’exclusivité émotionnelle assez répandue est le surnom donné à sa « moitié », comme « mon cœur » ou « mon amour ». D’une manière plus générale, le discours amoureux, comme les messages « je t’aime » ou les bouquets de roses rouges, sont également des symboles de l’amour et de l’exclusivité émotionnelle. On ne les manifeste qu’à la personne avec qui on est en relation monogame. Une autre forme de l’exclusivité émotionnelle peut toucher au soutien apporté à ou par, son ou sa partenaire. C’est préférentiellement à cette personne qu’on partagera ses difficultés de vie, qu’on demandera du réconfort. Et c’est aussi cette personne qu’on soutiendra le plus au quotidien, de manière plus ou moins exclusive. De la même manière que pour l’exclusivité sexuelle, chaque personne a sa propre vision de l’exclusivité émotionnelle et d’où placer les limites et le curseur. Par exemple, est-ce que j’ai le droit d’être amie avec un ou une de mes ex ? Est-ce que j’ai le droit d’envoyer un cœur ou de dire « je t’aime » à mon ami·e ? Où se situe la limite dans les attachements et les sentiments que j’ai le droit de développer ? Et là où c’est encore plus difficile, c’est que finalement, l’amour est un concept, c’est une idée. Pour être au clair sur une vision partagée de l’exclusivité émotionnelle, il faut déjà être au clair avec soi-même. Or, même pour la personne qui le vit, gérer ses émotions et identifier ses sentiments peut être compliqué. Comprendre ce qu’on ressent, être attentif à son propre vécu, c’est parfois difficile, voire inaccessible. Certaines personnes se définissent d’ailleurs aromantiques : elles ne comprennent ou ne vivent pas le sentiment amoureux. On développera probablement ces aspects dans d’autres épisodes, mais pour le moment, gardez en tête que s’il est déjà difficile d’accéder à son propre vécu et à ses propres émotions, il peut être d’autant plus difficile de les contrôler ou d’appréhender ce que vit l’autre. Un partenaire peut être jaloux si l’autre a des liens affectifs profonds avec d’autres personnes. Mais essayer de contrôler les émotions de sa partenaire peut être malsain. Poussé à son extrême, cela devient de l’abus émotionnel. On voit des choses très dramatiques dans des films et romans, des abus qui sont justifiés par l’amour. Faites très attention à ne pas croire que ces situations sont normales. Alors on vous le rappelle : l’amour ne justifie pas les abus. Tout comme l’exclusivité sexuelle, la version éthique de l’exclusivité émotionnelle est le désir authentique des deux personnes concernées d’être exclusives de cette manière. Pour avoir une relation monogame pleinement éthique, il est donc important de discuter et de réexaminer périodiquement vos attentes et vos besoins en matière d’exclusivité émotionnelle. Vous pourrez ainsi vous assurer que vous êtes sur la même longueur d’onde que votre partenaire.

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Alexia La catégorie d’exclusivité sociale concerne des aspects sociaux et culturels de la relation. C’est considérer qu’il y a certaines choses qu’on ne fait qu’avec certaines personnes. Par exemple, dans une relation monogame, ça peut sembler assez inhabituel d’aller à un repas de famille avec quelqu’un qui n’est pas sa partenaire. Ou bien, imaginons que vous ayez un restaurant auquel vous allez régulièrement avec votre meilleure amie. Vous pourriez vous sentir vexé·e qu’elle y aille avec quelqu’un d’autre. Tout ça, c’est de l’exclusivité sociale. C’est être deux personnes et se dire « ce petit rituel, c’est à nous et rien qu’à nous ». Avec Adèle, on est devenus amies en allant boire des bubble tea, et durant longtemps, il nous était difficile d’envisager d’aller prendre des bubble tea avec d’autres personnes. Certains couples monogames deviennent extrêmement exclusifs socialement, c’est-à-dire qu’ils font littéralement tout ensemble. Les soirées, les loisirs, les vacances… C’est ce couple d’ami·e·s où on sait que si on prévoit de voir l’un, l’autre sera là aussi. Si c’est ce que les deux personnes du couple souhaitent, alors c’est très bien, c’est à elles de décider pour leur relation. Mais cette exclusivité peut poser deux types de situations problématiques. Situation numéro 1 : on ne peut pas faire l’activité qu’on a envie, soit parce que la personne avec qui on est censé·e la faire n’est pas disponible, soit parce que notre partenaire ne veut pas nous y accompagner. Par exemple, si j’ai l’habitude de voir mes ami·e·s uniquement avec ma partenaire et qu’un soir elle est trop fatiguée pour sortir, alors je ne peux pas voir mes ami·e·s. Ou alors si j’adore le cinéma mais que mon compagnon déteste ça, peut-être que je n’oserais pas y aller sans lui, me privant ainsi d’une de mes passions. Situation numéro 2 : on se sent obligé de faire l’activité. Par exemple, Sacha aime beaucoup les séries, et comme on a commencé à en regarder ensemble, je me sentais obligé de prendre le temps pour cette activité, alors qu’elle ne m’intéressait pas vraiment. Et ce qui est nul, c’est qu’à ce moment-là, j’étais jeune et confuse, et j’aurais probablement mal pris le fait qu’il continue une série avec quelqu’un d’autre. Pour le dire autrement, les mécanismes de l’exclusivité sociale peuvent amener une personne à renoncer à des choses qu’elle aime si son partenaire ne partage pas son amour pour cette activité. Mais ces mécanismes peuvent aussi faire qu’un partenaire se retrouve moteur et s’épuise à entrainer l’autre dans des activités qu’il n’a pas envie de faire. Bref, si on ne se méfie pas, l’exclusivité sociale peut nous poser problème de plein de façons différentes. Le mieux c’est d’en avoir conscience et d’en parler.

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Sacha Enfin, dans la dernière catégorie, qu’on va appeler exclusivité structurelle, on va parler de tout ce qui concerne des arrangements pratiques et des ressources mises en commun au sein du couple. Le premier point de taille est le fait de vivre ensemble. Lorsqu’on est amoureux ou amoureuse de quelqu’un depuis un certain temps, les représentations que l’on a l’habitude de voir nous montrent qu’il est logique d’emménager ensemble, à deux. Un autre arrangement, et ce serait le signe que quelque chose ne va pas dans le couple. Pourtant, deux personnes peuvent être très compatibles sur de nombreux plans (romantique, sexuels partage de valeurs, de centres d’intérêt), mais être de très mauvais colocataires. On vous encourage à discuter et trouver le modèle qui vous convient le mieux, et pas simplement la cohabitation à deux, par défaut, car c’est ce que font les autres. Tout est possible : vivre seul·e, en colocation avec des ami·e·s, en colocation avec un, une ou plusieurs partenaires, mélanger ami·e·s et partenaire·s dans une colocation. Dans une grande maison, dans des appartements mitoyens, ou même volontairement vivre loin pour que les moments de retrouvailles soient des moments choisis de qualité et non du quotidien. Si on vit ensemble, il y a la question du couchage. Pour beaucoup, la question ne se pose même pas. Il serait inconcevable de ne pas dormir avec son ou sa partenaire. Un couple qui s’aime est obligé de dormir ensemble, non ? Pourtant, certaines personnes dorment bien mieux quand elles dorment seules. On peut aussi apprécier de ne pas être réveillé·e par quelqu’un qui rejoindrait le lit plus tard que soi, ou qui se réveillerait plus tôt le matin. On peut vouloir ou avoir besoin d’un espace personnel dans un lieu de vie commun, et avoir une chambre à soi peut être un bon moyen d’avoir un espace où on est 100% chez soi. Bon, ça nécessite d’avoir une chambre à coucher de plus, et ça, tout le monde ne peut pas se le permettre, surtout en vivant dans une ville comme Paris par exemple. Mais au-delà de l’organisation quotidienne, il y a aussi le fait de ponctuellement dormir ailleurs. Si je suis en couple, est-ce que c’est bien vu si je dors chez un ami parce que j’ai la flemme de faire dix minutes de marche pour rentrer me coucher dans le lit conjugal ? Et est-ce que la réponse à cette question change si je dors dans le même lit que cet ami ? Ou est-ce qu’elle change encore si c’est une amie ? Vivre et dormir ensemble, c’est généralement la première des exclusivités structurelles qui se met en place lorsqu’un couple se forme. Mais il en vient d’autres, qui vont s’inviter sans que l’on ne l’ait nécessairement conscientisé. L’autrice Amy Gahran a inventé la métaphore de l’escalator relationnel pour illustrer ce phénomène. L’idée, c’est qu’on démarre une relation romantique à deux, en bas de l’escalator, et qu’au cours de la relation, on va franchir toutes les étapes, sans trop y réfléchir, sans quoi cela signifierait l’échec de la relation. On commence une relation par une rencontre, un flirt ; après quelques temps, on met en place l’exclusivité sexuelle et émotionnelle dont on a déjà parlé, suite à quoi on est officiellement un couple, et on doit commencer à s’engager de plus en plus structurellement. On commence par vivre ensemble, donc. Puis on commence à partager ses finances. Puisqu’on ne fait qu’un émotionnellement, c’est logique de ne faire qu’un matériellement, non ? Remettre ça en question, ce serait un signe d’un manque d’engagement, et donc un échec de la relation. Puis on achète un logement. Ensuite vient le mariage, car l’exclusivité doit également être reconnue par l’État. Puis on fait et on élève des enfants. Et on reste comme ça jusqu’à la mort. Le problème de l’escalator relationnel, ce n’est pas que ce script de vie est mauvais en soi ; il convient à plein de gens. Le problème, c’est d’une part que l’étape suivante est présentée comme logique et inéluctable, c’est-à-dire que je devrais avoir envie de faire un compte bancaire commun si je suis vraiment amoureux. Et d’autre part que l’escalator va dans une seule direction. Je ne peux pas décider de ne pas vivre avec une personne dont je suis amoureux sans que ce soit vu comme une preuve de la défaillance de la relation. Et je ne peux pas non plus faire marche arrière. Si on se rend compte que la cohabitation se passe mal, décider de vivre à nouveau séparément va être difficile à concevoir, alors que peut-être on s’aime toujours autant. L’escalator relationnel, si on en sort, ça signifie la fin de la relation. En prenant conscience de ces mécanismes que l’on reproduit inconsciemment, on peut en sortir et à la place se mettre d’accord sur quelles exclusivités et quels projets structurels on a envie de faire avec qui. On peut choisir de vivre ou pas avec ses partenaires ou ses ami·e·s, de dormir ou pas quotidiennement ou ponctuellement avec des personnes déterminées ou non, de partager ou non des finances ou des biens mobiliers, d’élever ou non des enfants à plusieurs, Tout ça n’est pas un signe de la réussite ou de la bonne santé d’une relation amoureuse. L’important, c’est que les personnes impliquées dans la relation soient épanouies et satisfaites.

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Adèle Voilà, on a vu les quatre types d’exclusivité. Dans un couple monogame, on s’attend à retrouver tout ça de façon implicite. Notre partenaire est l’unique personne avec qui on aura des rapports sexuels. C’est aussi l’unique personne dont on est amoureuse, et les autres personnes de notre vie sont dans les cases famille, ami·e·s ou collègues. Et c’est avec cette personne qu’on va forcément passer notre temps libre et nos vacances, et avec qui on va emménager et peut-être ouvrir un compte commun. Les détails varient selon les couples. Certains couples monogames font vraiment tout à deux. D’autres peuvent avoir envie d’aller en vacances avec leurs ami·e·s d’enfance sans leur partenaire. Et dans les couples non monogames, ces exclusivités sont évidemment des sujets de discussion. Et il arrive qu’on se débarrasse de certains types d’exclusivités, mais que consciemment ou pas, on en garde d’autres. Alors que vous soyez mono ou poly, le meilleur conseil qu’on puisse vous donner est de parler de vos attentes et envies. Et de le faire non seulement avec vos amours, mais aussi éventuellement avec vos ami·e·s proches.

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Alexia Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. S’il vous a plu, n’hésitez pas à en parler autour de vous. Ce podcast en est à ses débuts, et on est avides de vos retours, n’hésitez pas à nous envoyer un mail sur contact@atesamours.fr et on se fera un plaisir de vous répondre. Vous pouvez trouver le transcript et les sources de cet épisode sur notre site atesamours.fr. À bientôt pour le prochain épisode !